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La grotte du Rond-du-Barry est située 600 mètres à l’est du hameau de Sinzelles sur la commune de Polignac (Haute-Loire). Creusée dans une brèche basanitique au sein du volcan de Sainte-Anne, elle s’ouvre à l’ouest sur la rive gauche de la Borne à une altitude de 850

mètres. Il s’agit de la plus grande grotte de Haute-Loire. Sa profondeur actuelle atteint 36 mètres de long pour 14 mètres de large et sa hauteur au plafond est d’environ 10 mètres. La

fameuse « caverne mystérieuse » (Robert, 1837) se termine par un boyau obstrué par des

blocs d’effondrement, qui ne permettent pas de connaître l’extension réelle de la grotte. La grotte est mentionnée pour la première fois par F. Robert dans les Annales de la Société

d’Agriculture de Haute-Loire (Robert, 1837). Vers 1900, une petite fouille réalisée dans le

fond de la grotte par J. Pénide, professeur de Sciences à l’Ecole Normale d’Instituteurs du Puy

et ses élèves a livré quelques outils en silex, des débris humains et un crâne bien conservé. De

ces découvertes il ne reste rien, les archives de l’école ayant été détruites en partie dans un

incendie durant la Seconde Guerre Mondiale.

A. Laborde, correspondant des Antiquités préhistoriques d’Auvergne et Ingénieur des

Services agricoles du Puy, en 1965 réalise, à proximité de l’ouverture, un petit sondage d’un

mètre carré et recueille quelques tessons de céramique, débris de faune et éclats et outils en silex, ainsi qu’une pointe de flèche néolithique. Le sondage n’avait alors touché que des

couches remaniées, mais les indices étaient suffisants pour arguer en faveur d’un programme

de fouilles systématiques.

Le 24 juin 1966, M. Delporte, Directeur de la Circonscription préhistorique Auvergne-Limousin, autorise un second sondage. Les fouilles débutèrent le 18 juillet 1966, sous la direction de R. De Bayle des Hermens, et ce durant 22 campagnes, quatre semaines par an. La

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réalisation de ces fouilles a été pour l’époque un véritable challenge. Les éboulements

successifs dans les temps anciens ont rendu difficiles les observations de terrain : « Toute la

surface intérieure est recouverte d’énormes blocs de brèche qui, s’ils ont gêné nos travaux, ont

par contre protégé le gisement en rendant pratiquement impossibles les fouilles clandestines » (De Bayle des Hermens, 1967, p. 156). En effet, l’effondrement du plafond, sur probablement

plus de 10 mètres de longueur en avant de la grotte, ainsi que la fragmentation des parois liée

à des phénomènes de gélifraction encore actifs à l’heure actuelle, attestent non seulement de

la complexité du remplissage de la grotte, mais également des difficultés de compréhension du gisement à l’échelle de la fouille.

Toutefois, plusieurs niveaux archéologiques ont pu être repérés, des périodes historiques au Moustérien récent.

La stratigraphie établie par le fouilleur (De Bayle des Hermens, 1984) se présente ainsi de haut en bas :

- la couche A : elle est située immédiatement sous des blocs d’éboulis qui recouvraient tout le

sol de la grotte. Couche très meuble et terreuse avec des éléments végétaux, des éléments fins de brèche et de roches volcaniques, de couleur brun-clair. Son épaisseur varie entre 15 et 30 centimètres. Elle contient des débris de céramique, des clous, des douilles de cartouches, des ossements récents en mauvais état, quelques éclats de silex dont des outils et plusieurs haches polies en fibrolite ;

- la couche B : elle est très différente de la couche A. Elle est composée par un éboulis très

aéré de blocs plus ou moins gros et d’éclats de brèche. Elle est localisée près de la paroi nord et disparaît vers l’intérieur de la grotte. Son épaisseur est extrêmement variable, entre 25 et 75 centimètres. La présence dans ce niveau de plusieurs pierres soigneusement équarries et de

coins en fer, ont permis d’attester de l’existence d’un atelier de tailleurs de pierres. Les blocs

en question, ayant été déterrés lors de ces activités, peuvent expliquer une partie des remaniements observés dans cette couche et celle sous-jacente. Outre, la découverte de quelques tessons de céramique, de restes osseux, d’éclats de silex, d’armatures à tranchant transversal et d’une pointe de flèche en résinite, elle a livré une enseigne de pèlerinage à

l’effigie de la Vierge Noire du Puy qui a été datée du XVe ou XVIe siècle (De Bayle des Hermens, 1972c) ;

- la couche C : elle comporte des éléments rocheux peu nombreux mais de dimensions importantes ; de couleur brun foncé, elle est très terreuse. Elle présente un mélange de

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matériel d’époques diverses appartenant au Magdalénien supérieur, au Néolithique, à l’âge du

Bronze et au Moyen-Age. Ce remaniement peut s’expliquer par la présence de l’atelier de pierres de la couche B, par la construction du mur maçonné au mortier, dont la fondation

repose sur l’éboulis sous-jacent, mais également par la différence de niveau entre le devant

de la grotte, point le plus élevé, et l’intérieur de la grotte qui s’abaisse progressivement vers le fond. Plusieurs éléments ont pu être mis au jour : une boucle, des épingles, des clous, des outils en silex, des armatures à tranchant transversal, des géométriques, des tessons de céramiques et quelques pièces de monnaies ;

- la couche D : elle est la première couche apparemment non perturbée découverte sur le gisement. Elle est séparée par endroit de la couche C par de gros blocs rocheux. Elle se différencie de la précédente par une couleur noirâtre et une consistance plus dure. Peu épaisse,

entre 70 et 80 centimètres d’épaisseur, elle repose en partie sur une banquette rocheuse de

brèche basanitique et disparaît en biseau en direction du fond et de la paroi nord. L’industrie lithique et osseuse découverte est attribuée à l’extrême fin du Magdalénien par R. de Bayle des Hermens. Elle comporte plus de 1500 éclats divers, 127 lamelles, 11 nucléus, 54 chutes de burin, 3 micro-burins, 6 lames à crête, quelques lames, 146 outils, deux poinçons plats, une extrémité de lissoir et deux fragments osseux portant des traces de sciage. Les éléments de faune sont très fragmentés, en revanche les éléments de microfaune sont abondants et bien conservés ;

- la couche E : elle a été identifiée dans deux zones distinctes. Une première dans le secteur nord-ouest du front d’éboulis, où elle se présente sous la forme d’un sédiment jaunâtre, assez

meuble composé de blocs rocheux petits et moyens gros et de brèche décomposée. Ce niveau est quasiment stérile, ne comportant que quelques éclats de silex, un éclat en cristal de roche, un grattoir sur pièce esquillée, des fragments osseux et plusieurs dents de cheval.

En revanche, la seconde zone, est située sur l’ensemble de la surface dite « en grotte ». Lors des fouilles de 1977 et 1978, elle a été subdivisée, en trois sous-niveaux : E1a, E1b et E2, et

distinguée d’une couche E3 identifiée seulement en avant grotte (Figure 29).

La couche E a été nettement distinguée à la fouille de la couche D, de par sa couleur ocre et de par sa consistance. Elle est composée de plusieurs niveaux de graviers lessivés, de brèche

décomposée en éléments fins et se termine par des éléments d’éboulis très aérés. F. Moser

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Figure 29 : De gauche à droite, stratigraphie du remplissage de l'avant-grotte sur la ligne C en 1978 et photo prise de

la grotte vers l’extérieur avec une vue du grand éboulis de l'avant-grotte en 1978, dessin et photo De Bayle des Hermens, 1978, p.18-19, modifiés.

Elle a livré une riche industrie attribuée au Magdalénien supérieur1. La couche E3 est située sous un énorme éboulis (Figure 29). Elle est attribuée au Magdalénien ancien et Magdalénien II par R. de Bayle des Hermens (De Bayle des Hermens, 1978, 1986a), et au Magdalénien moyen sur les bases de l’industrie osseuse par D. Remy (com. pers.) Elle contient 1095 artefacts lithiques, dont 8 nucléus, 742 éclats de silex, 9 lames à crête, 12 lames, 136 lamelles, 138 chutes de burin et 50 outils. Cet ensemble est accompagné d’une

remarquable industrie sur os et bois de renne (Remy, 2013), ainsi que de quelques éléments de parure dont des dents perforées et un élément de collier en ivoire poli (Figure 30) ;

- la couche F : elle a été subdivisée en trois niveaux lors de la fouille. Le plus récent F1 est une mince strate concrétionnée et pratiquement stérile qui disparaît sur le devant de la grotte et vers le fond. Atteint en 1968, le niveau F2 sous-jacent, est très pierreux, formé d’éléments

de brèche basanitique décomposée qui deviennent plus gros à sa base. Les industries lithiques et osseuses recueillies sont abondantes. R. De Bayle des Hermens sur la base des industries et

d’une datation 14C sur esquille osseuse attribue cet ensemble au « Magdalénien ancien (fin du I au début du II) » (De Bayle des Hermens, 1979, p. 602) ;

Le dernier niveau F3, le plus ancien, dont l’épaisseur est à ce jour inconnue mais qui dépasse 7 mètres en avant grotte, est composé par un énorme éboulis issu de l’effondrement du

plafond de la grotte.

- la couche H : elle fut atteinte en 1983, suite à une extension de la zone de fouille au secteur sud-ouest et devant le front d’éboulis en avant grotte. Ce niveau, qui continue sans doute sous

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le « grand éboulis », est un mince niveau sablo-argileux reposant sur un chaos de blocs et des cailloutis fins à grossiers. Cette couche a livré une industrie attribuable au Moustérien (De Bayle des Hermens, 1987 ; Raynal et al., 2014). Elle comporte 129 artefacts lithiques, dont 14 outils, débités sur roches volcaniques, quartz et silex.

Figure 30 : Exemples d'éléments de l'industrie osseuse et de la parure du niveau F2 du Rond-du-Barry. 1) sagaie en bois de renne ; 2) bâton percé, dessin P. Laurent ; 3) dent de cheval perforée. (De Bayle des Hermens, inédit).

Notre travail s’inscrit dans une réévaluation globale du gisement (Costamagno, 1999 ; Delvigne, thèse en cours ; Remy, 2013). Pour se faire nous avons construit un SIG.

Ce travail a nécessité de regrouper au sein d’une base de données unique l’ensemble des

données matérielles propre aux couches du Paléolithique supérieur de la grotte du Rond-du-Barry, afin de réaliser des représentations graphiques en deux dimensions de la répartition spatiale de la totalité du matériel.

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Les limites de cet outil reposent sur les enregistrements parfois fragmentaires. C’est le cas en

particulier pour la majorité des objets du secteur 1. Nous avons choisi, pour les pièces non cotées ou partiellement cotées, de procéder par « supposition stratigraphique ». Les coordonnées créées suivent le modèle mathématique suivant :

- SIG : si les coordonnées X et/ou Y sont absentes.

Pour chaque carré : X et/ou Y = un nombre de l’intervalle défini par 50 ± (√n)/2.

n= l’effectif présent au sein d’un carré de 1 mètre sur 1 mètre défini selon le carroyage préexistant.

Exemple appliqué pour le carré 1B situé dans le secteur 1 : n=443

√443=21.04 soit 21 classes centrées sur 50 : X ϵ [39;59] et Y ϵ [39;59]. Il reste à établir les jeux de coordonnées comme suit (Tableau 2):

(39;39) (40;39) (41;39) … (59;39) (39;40) (40;40) (41;40) (59;40) (39;41) (40;41) (41;41) (59;41) … … … … … … … … … … … … … … … (39;59) (40;59) (41;59) (59;59)

Tableau 2 : Exemple de matrice de coordonnées

Soit une matrice de 441 coordonnées différentes.

Ajout de deux coordonnées supplémentaires : (50;60) et (51;60). Intégration des 443 coordonnées centrées sur (50;50) du carré 1B.

- SIG : si la coordonnée Z est absente :

Pour chaque carré : Z = un nombre de l’intervalle défini par

x

x tan(α) ± (√n)/2.

α= l’angle qui suit le pendage moyen de la couche considérée. Ce pendage est évalué en

considérant le postulat que la couche suit le même pendage jusqu'à raccordement avec celle dont les coordonnées sont connues (Figure 31).

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Figure 31 : Exemple de la réalisation de coordonnées Z fictives à partir de celles connues de deux carrés adjacents.