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6. PORTRAIT SYNTHÈSE DES PERSÉVÉRANTS PRÉUNIVERSITAIRES

6.1. Intérêts scolaires et professionnels

6.1.5. Les obstacles anticipés et la peur de ne pas réussir

Si ce n’est pas par manque d’intérêt que les étudiants de Premières Nations abandonnent leur scolarité avant l’obtention du diplôme convoité, comment expliquer cet écart? Les facteurs identifiés à l'intérieur des récits scolaires issus des cercles de partage et entrevues individuelles correspondent aux obstacles à la persévérance scolaire recensés à l'occasion du cadre théorique: dépression, suicide, consommation excessive, mauvaise préparation scolaire, éloignement géographique, insuffisance financière, sentiment d'aliénation, discrimination, perte de motivation, etc. (voir Tableau I, p.65)51.

51 Au mois de mars 2014, le Centre Nikanite de l’UQAC organisa la première édition du colloque Persévérance et

réussite scolaires chez les Premiers Peuples auquel j’assistai notamment en compagnie de Fanny Mélodie Bordage,

alors rattachée à la Direction de la planification du MESRS. À l’issue des 3 jours de rencontre, celle-ci me fit parvenir, comme convenu, un document de travail synthétisant les contenus présentés par les intervenants et chercheurs panélistes autour des obstacles à la diplomation postsecondaire autochtone. La version ici présentée a été légèrement modifiée avec l'accord de l'auteure principale.

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Tableau I

Taux de diplomation postsecondaire chez les Premiers Peuples inférieurs à ceux des

allochtones

(écart grandissant)

Conditions socio-économique dans les communautés :

Présence de nombreux problèmes sociaux résultats des stimagtes historiques: délinquance,

toxicomanie, violence conjugale et familiale, maltraitance, suicide, logements surpeuplés, maladies, pauvreté, dépression, perte de motivation, déracinement culturel et identitaire,

etc.

Perception de l'école :

Dans les communautés, l'éducation institutionnelle peut être perçue comme un

instrument d'assimiliation (héritage intergénérationnel des pensionnats), peu de

modèles de réussite positif de réussite académique, désintéret, manque de

stimulation, etc.

Offre de formation postsecondaire :

Étant donné l'offre restreinte de formation postsecondaire, plusieurs doivent quitter la communauté et s'installer à la ville: éloignement

de la famille et de la communauté, effritement du réseau social, isolement, chocs culturels, discrimination et racisme, manque de soutien,

etc.

Profil des étudiants de PP au postsecondaire :

Plusieurs effectuent un retour aux études après un arrêt prolongé et sont admis sur une base adulte, plusieurs étudiants-parents, scolarité antérieure souvent incomplète, préparation académique souvent inaquédate (financement

inadéquat des écoles des communautés par rapport aux besoins particuliers de leurs élèves),

etc. Intégration institutionnelle : Intégration superficielle: faible utilisation des

services, des lieux communs et des activités parascolaires mis à la disposition de population

étudiante (allochtones et autochtones confondus). Plusieurs étudiants hésitent à

solliciter l'aide dont ils auraient besoin.

Langues d'instruction :

Le français ou l'anglais constituent souvent une 2e voire une 3e langue. On relève également

des difficultés de lecture et d'écriture, d'abstraction et de conceptualisation.

"Métier" d'étudiant et pédagogie

Difficulté d'adaptation au métier d'étudiant (gestion du temps, prise de note, travail en équipe, etc.), mauvaise connaissance du

système scolaire et des exigences postsecondaires, etc. Les approche pédagogiques, les méthodes d' évaluation et la

vision de l'éducation sont souvent très différentes de celles rencontrées dans les

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Or, les réponses fournies par les répondants au questionnaire écrit indiquent que la peur de ne pas réussir, identifiée par plus de la moitié (55%) des participants présentant un certain intérêt pour les études postsecondaires, constitue le principal obstacle envisagé en regard de leur réussite universitaire (voir Graphique IV):

Graphique IV

L’analyse des réponses en fonction de leurs échantillons d'appartenance, de leur intérêt relatif en regard des études supérieures et des moyens envisagés pour surmonter cet obstacle, ouvre sur trois principaux constats : 1. la majorité des étudiants qui n'ont pas identifié la peur de ne pas réussir et qui semblent présenter une certaine confiance en leurs chances de succès (« Aucun, j'ai confiance! ») s'orientent vers une formation professionnelle de type DEP et n'envisagent pas une scolarité universitaire. Ce constat s'avère sans surprise, de nombreux participants ayant souligné que les études postsecondaires, et plus particulièrement les études universitaires, projettent une image d’inaccessibilité enracinée dans les stigmates historiques et accentuée par les obstacles structurels. 2. Les étudiants de Kiuna semblent présenter un niveau de confiance deux fois plus élevé que leurs homologues en regard de leur réussite scolaire et professionnelle (31% ont identifié la peur de ne pas réussir, ce qui représente 24% de moins que la moyenne globale). Cette analyse, qui ne saurait trouver ses assises sur une base purement

25 8 12 10 15 24 12 10 3 5 36 3 9 8 L’éloignement de la communauté La langue d’instruction Le choc culturel de la ville Profs qui ne connaissent pas les cultures autochtones Le manque d’intérêt Le manque d’argent Le manque de support familial ou de la communauté Les méthodes d’apprentissage employées à l’école La santé Mon mode de vie incompatible avec les études La peur de ne pas réussir Autres priorités ou aspirations Le racisme ou la discrimination AUTRES:

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quantitative, semble néanmoins renforcée par les témoignages qui seront présentés à l’intérieur du huitième chapitre. Si on isole les réponses fournies par les 25 étudiants de Kiuna, on constate que la proportion d'étudiants autochtones identifiant le manque de confiance en soi (ou la peur de ne pas réussir) comme un obstacle potentiel à la persévérance scolaire atteint une majorité de 68%. 3. Une importante proportion des aspirants aux études supérieures est en mesure d'identifier des obstacles concrets à leur réussite ainsi que des mesures de renforcement, de suivi et d’accompagnement pouvant répondre à leurs besoins individuels et collectifs (voir Graphique V, p.103).

La motivation personnelle constitue le facteur identifié par le plus grand nombre de répondants (70%) comme une aide potentielle à la réussite universitaire (ibid.). Rappelons que la motivation personnelle a été identifiée à titre de facteur « déterminant » à la persévérance scolaire à l’intérieur de l’analyse de Loiselle (2010). Les entrevues auprès des participants de la présente enquête ont permis de confirmer que la motivation personnelle ne se réduit pas uniquement aux faits scolaires, mais découle de l'interaction synergique entre différents facteurs intra et extrascolaires, tel que le propose le Tableau 1 (p.65).

Les besoins exprimés par les étudiants interrogés ne sont pas homogènes et certains étudiants autochtones complèteront leur scolarité postsecondaire sans ressentir la nécessité d'avoir recours à des services culturellement adaptés. À l'intérieur de la revue de littérature, il a été démontré qu'un grand nombre de déterminants viennent influer de manière substantielle sur l'intégration au niveau postsecondaire ainsi que sur les besoins inhérents à ce processus. Parmi ceux-ci, notons le fait d’avoir grandi en communauté ou en ville, la présence ou non de métissage culturel dans la sphère parentale, la langue maternelle, le niveau de maîtrise de la langue de scolarisation, l’âge et le vécu scolaire, la situation familiale (ex. étudiant parent, famille monoparentale, etc.), la proximité de la communauté d'origine et ses particularités socioéconomiques, culturelles et éducatives, le degré et la nature du réseautage préexistant, les compétences adaptatives, le degré d'acculturation préalable (Larose et al. 2001), le fait d'avoir été scolarisé dans une école provinciale ou dans la communauté, la motivation préalable, etc. De ce fait, on ne saurait

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circonscrire de manière représentative les besoins des étudiants autochtones à l’intérieur d’un seul et même profil. Malgré tout, certaines tendances se dessineront à travers le témoignage des participants à l’étude.

6.2. Aspirations scolaires et identités autochtones