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7. SERVICES D’ACCUEIL ET D’INTÉGRATION POUR ÉTUDIANTS AUTOCHTONES

7.3. Besoin de reconnaissance et établissement d'un lien de confiance personnalisé

7.3.2. Associations étudiantes, groupes d'intérêts autochtones et recrutement

En l’absence de services institutionnels ou parallèlement à ceux-ci, des associations étudiantes ou groupes d’intérêts autochtones postsecondaires, tels que le Cercle des Premières Nations de l’Université du Québec à Montréal (CPNUQAM), l'Association étudiante autochtone de l'Université Laval (AÉA), le Cercle Ok8api de l’Université de Montréal et le Indigenous Student Alliance de McGill (ISA) proposent des activités de sensibilisation culturelle. Ils constituent ainsi des occasions de réseautage estimables pour les étudiants autochtones:

Commission de vérité et réconciliation du Canada (responsable des médias sociaux). Depuis janvier 2015, elle assure la présidence du conseil d'administration du Wapikoni mobile.

75http://www.concordia.ca/cunews/main/stories/2014/06/18/-we-are-the-leadersoftomorrow.html, (consulté en

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[Au Cégep de Jonquière] on avait le cercle de partage une fois par semaine, je pense, là je me sentais bien parce qu’on pouvait parler comment on se sentait, nous autochtones, dans un milieu qui ne l’était pas, comment on se sentait dans nos études pis comment ça avançait pis tout ça… (Jennifer, Odanak, 16-04-14). Les associations étudiantes doivent néanmoins composer avec des financements qui ne sont en aucun cas comparables à ceux des organes de services institutionnels, ce qui limite leurs moyens d'action à des activités ponctuelles et rassemblements périodiques. Elles doivent habituellement financer leurs activités au moyen de demandes de subventions récurrentes encadrées par différents programmes de l'institution. Certaines associations telles que l'ISA de McGill organisent également des campagnes de collectes de fonds pour financer leurs activités. De ce fait, les associations étudiantes autochtones jouent davantage un rôle complémentaire à travers des mandats de sensibilisation et de positionnement politique, mais ne sauraient se substituer à l'offre de services et les possibilités de réseautage prodiguées par les organes de services institutionnels. Cette analyse rejoint les résultats de Rodon, qui rapporte que les étudiants autochtones de l'Université Laval ayant participé à son enquête exprimaient en 2007 un manque au niveau du soutien scolaire, matériel et psychologique, tout comme un apparent besoin de réseautage malgré l'existence de l'Association autochtone de l'institution (AÉA) (Rodon 2008).

Si certains espaces tels que la FPH ou l'ASRC sont d'ordinaire exclusivement réservés à leurs populations autochtones (sauf en certaines occasions), d'autres, tels que le local INNUAT'Z du Cégep de Baie-Comeau et le Salon Premiers peuples de l'UQAT sont ouverts aux étudiants allochtones. Les associations étudiantes autochtones correspondent habituellement à cette deuxième catégorie de regroupements inclusifs et peuvent même être constituées d'une majorité d'étudiants non autochtones sympathiques à la cause autochtone. L'exemple du groupe d'intérêt autochtone de UdeM, le Cercle Ok8api, illustre bien ce phénomène. Anna Mapachee, étudiante anicinabe originaire de Pikogan, raconte qu'elle aperçoit à son arrivée à l'UdeM en 2012, à titre d'étudiante au baccalauréat en éducation, un onglet « étudiant autochtone » sur la page officielle de l'institution. On y évoque la possibilité de recevoir une aide personnalisée et d'être mis en contact avec d'autres étudiants autochtones à travers le Carrefour SAÉ (Services aux étudiants). Cherchant à se créer un nouveau réseau, elle se présente à l'endroit indiqué. À son arrivée, on se montre perplexe: Anna serait la première

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étudiante autochtone à s’être manifestée. On la met alors en contact avec une employée de l'Université intéressée par les questions autochtones. Ensemble, et avec l’aide de différents professeurs, elles tentent d'entrer en contact avec d'autres étudiants de Premières Nations par le biais d'envois de courriels pour la création d'un groupe d'intérêt autochtone. Or, seuls des étudiants allochtones répondront d'abord à l'appel (Anna, Montréal, 10-12-14). Ainsi, en l'absence d'un espace consacré à l’intérieur duquel les étudiants autochtones peuvent aller travailler et bénéficier de services culturellement adaptés, il peut s'avérer ardu de rejoindre les étudiants autochtones, voire de soutenir leur mobilisation, alors qu’ils doivent déjà apprendre à composer avec d'importants défis organisationnels et académiques.

Si plusieurs institutions, telles que l’Université McGill, l’Université Concordia, l'UQAM, l'ULaval, et nouvellement l’UdeM, prévoient une case d'auto-identification intégrée aux formulaires d'admission pour les étudiants autochtones, cette mesure reste bien souvent inefficace si elle ne s'accompagne pas d'avantages concrets. En situation minoritaire, plusieurs étudiants autochtones hésitent à proclamer leur identité culturelle en l’absence de justificatifs tangibles. Ce réflexe est souvent hérité d'expériences directes ou indirectes de stigmatisation vécues en cours de scolarité et ayant fragilisé leur capacité à prendre leur place en milieu allochtone. De ce fait, Rodon (2008: 27) estime que 60% des étudiants autochtones de l'ULaval ne se seraient pas identifiés dans les formulaires du registrariat de l'année scolaire 2006-2007. Ce constat tend à entrer en résonance avec les écrits de Lee Maracle : « L’une des conséquences de la colonisation est l’internalisation du besoin de rester invisible pour les colonisés. Les colonisateurs vous effacent, non pas simplement, mais avec honte et brutalité. À la fin, on en vient à vouloir conserver cette invisibilité » (1996 dans Paré 2013, traduction libre). Qui plus est, les dossiers étudiants étant constitués sur une base confidentielle, les services d’admission refusent habituellement de partager les coordonnées des étudiants autochtones avec les associations et groupes d’intérêts. En revanche, les centres de services institutionnels peuvent prendre contact directement avec les étudiants autochtones au moyen d'envois de courriels ou même d'appels téléphoniques dans le but de les informer des services qui leur sont offerts. Il va sans dire que la disponibilité de ce type de mesures adaptées constitue un incitatif à l'auto-identification. Pour plusieurs informateurs, l’intégration aux structures parascolaires aura nécessité une invitation personnalisée, voire un accompagnement

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initial pour vaincre leur timidité et aller au-delà de leurs premières appréhensions. Cela s’avère particulièrement manifeste pour ce qui est de la participation aux activités culturelles et sportives offertes par l'institution à la population générale, telles que le volleyball, le hockey et le badminton. Aux dires de plusieurs participants, les activités sportives constituent par ailleurs une avenue intéressante pour la construction d’une estime de soi ainsi que pour l’intégration sociale. La possibilité de pratiquer des sports et des activités culturelles est d'ailleurs identifiée par la moitié des participants au questionnaire écrit (51%) comme un facteur pouvant faciliter leur scolarité universitaire (voir Graphique V, p.103).