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Observations des pratiques en gestion de projets fast-tracking d’un partenaire

CHAPITRE 7 DISCUSSION GÉNÉRALE

7.4 Application industrielle de l’ordonnancement de projets complexes avec

7.4.1 Observations des pratiques en gestion de projets fast-tracking d’un partenaire

Les projets d’ingénierie et de construction comportent des spécificités propres. Par exemple, la séquence de construction, qui va des travaux civils à l’installation des équipements ne correspond pas à la séquence de conception qui part à l’inverse des équipements majeurs et de la conception mécanique et électrique afin de dimensionner le reste du projet. Dans ce contexte, il est important que l’ingénierie soit suffisamment avancée, en particulier sur les équipements critiques du projet, avant que la construction ne débute, sinon des activités de construction doivent être retardées ou retouchées si des modifications ont lieu dans l’ingénierie. De même, il faut que les contrats d’achat des équipements majeurs soient octroyés au plus tôt de sorte de recevoir les données techniques des fournisseurs nécessaires pour finaliser les dessins d’ingénierie qui en dépendent, et afin de ne pas retarder les activités de construction. Par exemple, si un équipement majeur nécessite de reposer sur des fondations, il faut que le contrat d’achat ait été octroyé, puis que les données du fournisseur soient reçues puis intégrées aux dessins des fondations, tout ceci avant de débuter la de construction des fondations.

Le chevauchement entraîne également une augmentation de coûts indirects de gestion du projet. Prenons l’exemple de l’administration des contrats de construction. En effet, les activités de construction ne sont généralement pas menées directement par la firme de génie-conseil qui gère le projet, mais par des sous-traitants. Dans un projet en « fast-tracking », les appels d’offres contenant l’envergure des contrats à octroyer sont démarrés alors que l’ingénierie relative à cette envergure est encore en cours. Ainsi, il y aura de nombreuses modifications aux contrats à négocier lorsque l’ingénierie est peu avancée puisqu’il y aura parfois de nombreuses révisions techniques après l’octroi des contrats. Il y aura ainsi globalement plus d’avis de changements et de directives de chantier lorsqu’un projet est en chevauchement agressif. De plus, l’analyse des

soumissions des contractants et le choix du meilleur contractant sont rendus plus difficiles si ces soumissions sont basées sur une ingénierie partielle. Les ingénieurs résidents au chantier, dont le rôle principal est de contrôler la qualité des travaux et de coordonner la résolution des problèmes de conception entre les entrepreneurs au chantier et les équipes de conception qui ne sont pas au chantier, notent également une augmentation des questions des sous-traitants relatifs à des dessins incomplets. Lorsque le projet est accéléré de façon agressive, l’ingénierie est moins avancée au moment d’effectuer la construction et il y a le risque que plus d’incohérences de conception soient détectées au moment de faire la construction. Chacune des questions d’ingénierie nécessite d’être remontée à l’ingénierie de projets et un processus de vérification, modification et validation parfois long s’engage.

Nous avons aussi dégagé plusieurs remarques concernant l’ordonnancement de projet chez notre partenaire industriel. Premièrement, la planification et l’ordonnancement de projet ne tiennent pas tout le temps en compte directement les contraintes de ressources et le suivi du projet s’attarde alors principalement sur les activités critiques. Pour l’ingénierie, on examine si on a suffisamment de ressources humaines pour exécuter le calendrier de projet, et celui-ci peut être modifié si ce n’est pas le cas. Il s’agit donc d’un processus itératif qui ne tient pas compte directement des contraintes de ressources dans le problème d’ordonnancement. Il existe pourtant des contraintes de ressources importantes puisqu’il s’agit de ressources humaines hautement qualifiées, qu’il y a une contrainte sur la disponibilité des bureaux et qu’il est impossible d’ajouter des quarts de travail supplémentaire. Pour la construction, les activités de construction sont généralement sous-traitées à des entrepreneurs qui effectuent leur gestion des ressources humaines. Il y a plus de flexibilité en construction pour augmenter le nombre de travailleurs ou ajouter des quarts de travail. Cependant les contraintes de ressources en construction existent souvent sous la forme de contraintes d’espace pour éviter l’encombrement et prendre en compte les consignes de sécurité. Afin de faciliter la gestion de ces contraintes, les corps de métier ne travaillent généralement pas au même moment à un endroit donné.

Dans la pratique de planification et d’ordonnancement, de nombreuses stratégies pratiques telles que celles décrites dans la section 2.3 sont déjà utilisées à différents degrés dans les projets de construction en « fast-tracking » chez notre partenaire industriel. Par exemple, l’utilisation d’outils collaboratifs et de système d’information facilite la communication et la coordination dans un contexte de retouches et de changements d’ingénierie et de construction. Également, les

équipes de constructions sont souvent impliquées assez tôt dans l’ingénierie afin de s’assurer qu’une analyse de constructibilité ait été effectuée et de coordonner l’ingénierie et la construction.

L’estimation des durées d’activités dans le calendrier de projets ne prend pas en compte les durées possibles de retouche. La principale raison est que pour des projets composés parfois de plusieurs milliers d’activités, il est difficile de récolter des données fiables à ce sujet. Un certain équilibre entre la granularité des détails, la fiabilité des informations et le temps nécessaire pour les estimer doit être fait. L’analyse du chevauchement devrait prendre en compte le processus de planification en pratique notamment au niveau du découpage du projet et des données d’estimation et de suivi des durées et coûts associés. Ainsi, l’estimation de ces données et le recueil des informations lors du suivi de l’exécution ne sont font pas nécessairement au niveau de détail des activités, mais parfois au niveau supérieur des lots de travaux, car un projet d’envergure peut comporter des milliers d’activités. Il est également compliqué d’examiner le chevauchement au niveau des lots de travail puisque chez notre partenaire industriel le découpage de l’ingénierie par lot de travail n’a pas de correspondance systématique avec le découpage de la construction qui s’effectue par contrats. Le chevauchement pourrait être examiné à des niveaux supérieurs, par exemple entre les disciplines (génie civil, mécanique, électrique,…), ou globalement entre l’ingénierie, l’approvisionnement et la construction. Par exemple, quel doit être l’avancement global de l’ingénierie et de la définition du projet quand débute la construction ?