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CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.6 Analyse critique de la littérature

Tel que mentionné dans les sections 2.3 et 2.4, si le chevauchement des activités au sein d’un projet permet généralement de minimiser la durée d’un projet, il a pour principaux défauts une augmentation de la complexité et de l’incertitude du projet, du nombre d’informations échangées, et de la quantité de retouches. Peu de chevauchement ne réduit pas suffisamment la durée du projet; trop chevaucher peut entraîner plus de retouches que de gain de temps (Terwiesch & Loch, 1999). La détermination du degré de chevauchement qui permet de faire un compromis et la compréhension entre les interactions des activités sont des problèmes cruciaux, alors que les organisations cherchent en pratique de plus en plus à accélérer la durée d’exécution des projets. Ce constat a mené plusieurs auteurs à développer des modèles mathématiques visant à quantifier l’effet de différents degrés de chevauchement sur les performances d’un projet. Ces travaux présentés à la section 2.4, souffrent cependant de plusieurs lacunes relatives aux points suivants:

La modélisation des durées de retouches en fonction de la durée de chevauchement:

Les modèles peuvent être classés en deux catégories. La première catégorie propose une représentation détaillée des interactions entre les échanges d’information et l’avancement interne des activités en fonction de l’évolution de l’information et de la sensibilité des activités (section 2.4.3), mais ils ne prennent pas en compte les contraintes de ressource et se limitent généralement à des réseaux de projet simples (activités en série par exemple) ou au mieux à des réseaux complexes de projet de moins de 20 activités (Carrascosa, 1999; Lim, T.-K. et al., 2014; Wang, J. & Lin, 2009). L’application de tels modèles détaillés à des projets complexes de grande taille, avec un réseau d’activités complexes et des contraintes de ressources, semble être une voie sans issue.

La seconde catégorie de modèles regroupe les modèles déterministes et stochastiques de projets avec des réseaux complexes d’activités incluant plusieurs couples d’activités chevauchables pour lesquels on pose l’hypothèse que la relation entre degré de chevauchement et quantité de retouches est préalablement connue (sections 2.4.4 et 2.4.5). La principale faiblesse de ces travaux réside dans le fait qu’ils considèrent de façon non réaliste que la durée totale des retouches est supposée être une fonction linéaire de la durée de chevauchement.

Prise en compte des contraintes de ressources :

À l’exception de quelques travaux (Cho & Eppinger, 2005; Gerk & Qassim, 2008; Huang & Chen, 2006), la vaste majorité de la littérature scientifique actuelle ignore les contraintes de ressources. Pourtant Huang et Chen (2006) et Cho et Eppinger (2005) ont montré que les contraintes de ressource ont un impact sur les décisions de chevauchement et peuvent retarder la date de fin du projet. De plus, les contraintes de ressources sont une caractéristique fondamentale des projets complexes en pratique (section 2.1) et forment la principale cause de difficulté à résoudre les problèmes classiques d’ordonnancement de projet (section 2.2). Alors que de nombreux travaux suggèrent d’appliquer le chevauchement spécifiquement aux activités sur le chemin critique (Bogus et al., 2006; Khoueiry et al., 2013; Lim, T.-K. et al., 2014; Wang, J. & Lin, 2009), cette règle ne peut pas s’appliquer dans le cas de contraintes de ressources.

Méthodes de résolution du problème d’ordonnancement déterministe avec chevauchement d’activités:

À notre connaissance, seuls Gerk et Qassim (2008) ont proposé un seul modèle d’ordonnancement déterministe de projet avec chevauchement d’activités qui prennent en compte des durées de retouches et les contraintes de ressources, qui considère toutefois de façon non réaliste que la durée totale des retouches est supposée être une fonction linéaire de la durée de chevauchement. Dans ce papier, le problème de minimiser le coût du projet est résolu avec une méthode de résolution exacte. Cependant, étant donné que le problème d’ordonnancement avec chevauchement d’activités est une extension du RCPSP standard qui est NP-difficile, on peut s’attendre à ce que les méthodes de résolution exactes pour l’ordonnancement avec chevauchement d’activités souffrent des mêmes limitations que le RCPSP standard quant à leur

capacité à résoudre des problèmes de grande taille. Il paraît essentiel de développer des méthodes de résolution approchées efficaces pour le problème d’ordonnancement avec chevauchement d’activités dans le but d’ordonnancer des projets de grande taille tels que rencontrés en pratique.

Modèles d’ordonnancement stochastique avec chevauchement d’activités:

Les travaux présentés à la section 2.4.4 sur les modèles d’ordonnancement stochastique avec chevauchement d’activités visent plus à effectuer une analyse de risque basée sur la distribution de probabilité de la durée ou du coût de projet qu’à proposer une action pour faire face aux incertitudes. À partir de la revue de littérature sur le problème standard d’ordonnancement stochastique de projet présentée à la section 2.2.2, on s’aperçoit pourtant que des approches visant à faire face aux incertitudes existent. En particulier, plusieurs de ces approches se basent sur le développement au préalable d’un calendrier de base déterministe, et utilisent des méthodes approchées dérivées du problème déterministe (par exemple, le choix des tampons de temps pour un ordonnancement proactif). Dans le but de développer dans le futur des approches visant à faire face aux incertitudes dans le problème d’ordonnancement stochastique avec chevauchement d’activités, il apparaît crucial de développer aux préalables des méthodes de résolution efficace pour le problème déterministe.

Stratégies pratiques pour améliorer l’efficacité du chevauchement :

La plupart des travaux d’ordonnancement de projet avec chevauchement d’activités illustrent leur modèle et leur méthode de résolution sur un nombre restreint d’instances de projet. En conséquence, l’analyse des décisions de chevauchement reste spécifique à leurs exemples et il n’est pas possible ni de dériver des enseignements ou des règles généraux sur les meilleures décisions de chevauchement, ni d’analyser l’effet de différentes caractéristiques de projets sur l’efficacité du chevauchement. Nous appelons dans cette thèse à un changement de paradigme afin de proposer des règles générales pour décider du chevauchement d’activités dans des projets avec réseaux complexes d’activités, en se basant sur l’analyse d’un nombre important d’instances de projet. Une telle approche permettrait en outre de contourner le problème de comment acquérir les données nécessaires aux modèles pour une application industrielle, en particulier lorsque le projet à modéliser est nouveau pour l’organisation qui le mène.