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Observation libre versus Observation guidée

CHAPITRE II : L’apprentissage en danse : mises en œuvre

1. L’apprentissage par Observation : mise en œuvre pratique

1.4. Observation libre versus Observation guidée

Les travaux présentés jusque là montrent les prémisses des interrogations portant sur l’efficacité de l’apprentissage par observation. Même si de nombreux travaux ont confirmé les bénéfices de la démonstration, ils n’en restent pas moins controversés. En effet, il semble que certains éléments du modèle observé sont totalement oubliés par les apprenants, alors que d’autres sont au contraire détaillés ou déformés à outrance (Bekkering et al, 2000 ; Wohlschlager et al, 2003 ; Brindley et al, 2006, Desmurget, 2006). Dans le même ordre d’idée, Yando, Seitz et Ziegler (1978) sont partis du constat que les enfants peuvent aussi bien se focaliser sur des éléments pertinents que non pertinents de la tâche. Ainsi, la sélection de l’information que l’observateur doit opérer lors de l’observation apparaît être une tâche difficile, particulièrement lorsque l’habileté motrice est elle-même complexe, contenant bien plus d’informations que le sujet ne peut en traiter (Sheffield, 1961, Simonet, 1985, Desmurget, 2006).

Ainsi, d’autres études se sont davantage centrées sur l’effet de l’observation guidée par des consignes, puisqu’il s’agit de focaliser l’attention des observateurs sur des éléments précis de la tâche (Yando, Seitz et Ziegler, 1978). Cette procédure d’apprentissage répond au nom d’observation guidée (Simonet, 1985), de démonstration explicitée (Winnykamen, 1990 ; Lafont, 1994, 2002). Deux catégories de guidage sont présentées dans la littérature : les instructions décrivant les actions à observer et à reproduire, qui relève de la démonstration explicitée, et les connaissances de la performance relevant de l’écart entre le modèle et la réalisation effective de l’apprenant, utilisées lors de l’imitation-modélisation interactive.

Yando, Seitz et Ziegler (1978), qui postulaient qu’une procédure de guidage verbal pouvait aider les apprentis à focaliser leur attention sur les déterminants de l’action, ont mis en place un protocole dans lequel des consignes verbales accompagnent la démonstration qui a effectivement révélé l’importance du guidage. Ces résultats sont en accord avec une précédente étude réalisée par Weiss et al. (1961) qui soulignait déjà l’intérêt de recourir à des informations concomitantes de la démonstration, particulièrement avec des enfants d’âge scolaire (6-15 ans). Plus récemment, les travaux de Lafont (1994), Cadopi (1995) et Laugier (1995) ont mis en évidence l’efficacité de la démonstration explicitée lors des phases précoces de l’apprentissage de tâches morphocinétiques.

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Magill et Schoenfelder-Zohdi (1995) se sont davantage centrés sur la connaissance de la performance. Suite à leur expérimentation, ils ont mis en évidence la complémentarité de la démonstration et de la connaissance du résultat lors de l’acquisition d’un enchaînement de gymnastique rythmique. Un second concept, celui d’imitation-modélisation interactive ou d’imitation interactive de Winnykamen (1990), permet d’éclairer l’efficacité de la connaissance du résultat. Dans le cas de l’imitation interactive, le modèle (l’enseignant ou l’expérimentateur), après avoir observé et évalué la production du sujet imitant, modifie sa production en fonction de la réalisation momentanée de celui-ci. Cela permet d’insister, d’une part, sur les caractéristiques de la tâche à réaliser ou, d’autre part, sur les éventuelles omissions du novice. Lafont (1998, 2002) précise que les informations délivrées par le modèle peuvent concerner des informations rétroactives (après la réalisation) ou proactives (avant la réalisation).

Qu’en est-il de l’efficacité de ces méthodes d’apprentissage ? L’étude exploratoire de Lafont (2002) nous apporte des éléments de réponses. L’objectif de son étude était de comparer l’influence, chez des adolescentes (12 et 14 ans), de deux modalités démonstratives : la démonstration explicitée et l’imitation-modélisation interactive lors de l’acquisition d’une séquence de danse. Les sujets devaient apprendre une séquence dansée lors de 7 essais d’observation et de pratique physique. Les participantes ont été réparties en deux groupes ayant bénéficié, pour l’un de démonstration explicitée – démonstration accompagnée de descriptifs verbaux des différents éléments à réaliser – et pour l’autre de la méthode d’imitation-modélisation interactive – démonstration accompagnée de descriptifs verbaux des éléments à réaliser, réalisation, puis adaptation des consignes au regard de la production des sujets. Les résultats de cette étude ont montré que la condition imitation-modélisation interactive s’est avérée supérieure à la condition démonstration explicitée (Lafont, 2002). Ces résultats sont en accord avec les constatations de d’Arripe-Longueville et al. (1995) concernant l’acquisition du salto avant en gymnastique. Un autre résultat intéressant peut être souligné : l’augmentation des performances des deux conditions d’apprentissage est surtout significative lors des quatre premiers essais. Lafont (2002) précise que c’est donc au début de l’apprentissage que l’effet des deux procédures est le plus important, ce qui rejoint les résultats de Carroll et Bandura (1982). Il faut toutefois nuancer ces résultats, comme le reconnaît Lafont (2002), puisque la durée des deux conditions n’est pas comparable : la condition imitation-modélisation interactive, au vue des interactions entre

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l’apprenant et l’enseignant, nécessite plus de temps, ce qui pourrait en partie justifier les résultats obtenus.

L’influence de l’apprentissage par observation reste néanmoins contestée. En effet, selon Desmurget (2006), les approches démonstratives supposent qu’il existe une forme motrice idéale à enseigner. Si certaines disciplines, dites morphocinétiques - telles que la danse, la gymnastique ou le plongeon - se réfèrent à un ensemble de formes corporelles précises à apprendre et à reproduire, ce n’est pas le cas de la majorité des pratiques physiques et sportives. Ainsi, si le gymnaste s’écarte de la norme technique imposée, son évaluation se verra pénalisée. En revanche, pour les activités topocinétiques, l’objectif n’est pas d’atteindre une forme de corps précise mais davantage d’orienter les actions vers un point de l’espace défini (le panier, la ligne…) et ainsi de s’adapter aux contraintes à l’environnement.

L’observation et l’imitation serait, dans ce cas, plutôt néfaste puisqu’elles inciteraient le sujet à se centrer sur lui plutôt que l’environnement (partenaires, adversaires, but spatialement défini…). Il s’agit donc, avant de s’interroger sur l’efficacité de la démonstration, de savoir si l’activité considérée se réfère à des formes de corps. C’est le cas de la danse.

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2. L’apprentissage par simulation mentale