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VI. OBLIGATIONS ET DILIGENCES DES PROFESSIONNELS DE L’IMMOBILIER

VI.2 Les obligations et diligences à mettre en œuvre face aux risques

Le dispositif ivoirien de lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux institue des obligations à la charge des professionnels de l’immobilier. Ces obligations, s’analysent en des diligences à accomplir ou des mesures à prendre par les personnes assujetties, en vue de prévenir ou de faire face aux risques de blanchiment identifiés, catégorisés et évalués, suivant la méthode expliquée supra.

Les diligences à la charge des professionnels de l’immobilier renvoient essentiellement à l’obligation de vigilance à l’égard des clients et des opérations à passer, à l’obligation de formation et d’information, et à la déclaration de soupçon. Etant entendu que l’inexécution de cette série d’obligations peut faire l’objet de sanctions.

VI.2.1. L’obligation de vigilance

Les obligations de vigilance des professionnels de l’immobilier, à l’égard de leurs clients et des opérations ou transactions conclues consistent concrètement en des obligations de faire.

L’expression est prise dans son sens juridique, et induit l’accomplissement de faits positifs, à l’exclusion de toute abstention.

L’obligation de vigilance comprend, d’abord, l’obligation d’identification du client. Celle-ci est, ensuite, complétée par une obligation d’information sur la relation d’affaires et le client. Des obligations de vigilance renforcée et complémentaires viennent parfois s’ajouter aux deux premières à la charge des professionnels. Parfois encore, les professionnels de l’immobilier peuvent moduler leurs obligations.

VI.2.1.1. L’obligation d’identification du client

Cette phase est essentielle pour le professionnel de l’immobilier ou la personne assujettie, car elle apparait comme la première étape du processus de récolement des informations.

L’obligation d’identification revient à relever, d’abord, l’identité du client, c’est-à-dire à vérifier ses nom et prénoms, date et lieu de naissance, profession, lorsqu’il s’agit d’une personne physique.

L’identification de la personne morale consistera à établir notamment sa dénomination sociale, les noms, prénoms, date et lieu de naissance de ses représentants légaux, dirigeants.

L’obligation d’identification du client s’exécute dans les conditions prévues par la loi, notamment

« avant d’entrer en relation d’affaires» avec un client, c’est-à-dire au seuil même de la relation ou au moment de nouer celle-ci.

La notion de «  relations d’affaires17 » mérite d’être précisée  : il s’agit techniquement d’une relation professionnelle ou commerciale nouée, laquelle est censée s’inscrire dans la durée.

Ainsi, une relation d’affaires est nouée lorsque le professionnel de l’immobilier ou la personne assujettie engage une relation commerciale ou professionnelle pour une certaine durée, même s’il ne s’agit pas d’une période prolongée.

A la «  relation d’affaires » s’oppose celle nouée avec «  un client occasionnel 18». Le client occasionnel s’affiche comme toute personne qui s’adresse à la personne assujettie- à l’obligation d’identification- dans le but exclusif de préparer ou de réaliser une opération ponctuelle ou d’être assistée dans la préparation ou la réalisation d’une telle opération. La qualification du

« client occasionnel » ne change pas, même si les actes susvisés se réalisent en une seule opération ou en plusieurs opérations liées entrent-elles.

L’obligation d’identification du client comprend également le « client occasionnel », avec une intensité différente. En effet, l’obligation d’identifier son client occasionnel ne s’impose au professionnel de l’immobilier ou à la personne assujettie que dans les conditions ci-après19:

- Lorsque le montant de l’opération ou des opérations liées excède dix millions de francs CFA, pour les personnes autres que les agrées de change manuel ou les représentants et directeurs des opérateurs de jeux ;

- Lorsque le montant de l’opération ou des opérations liées excède cinq millions de francs CFA pour les agréés de change manuel ;

- Lorsque le montant de l’opération ou des opérations liées excède un million de francs CFA pour les représentants légaux et directeurs responsables des opérateurs de jeux ; - En cas de répétition d’opérations distinctes pour un montant individuel inférieur à cinq millions

ou un million de francs CFA ou lorsque la provenance licite des capitaux n’est pas certaine ; L’obligation d’identification s’étend, dans les mêmes conditions sus-décrites, pour la relation d’affaires et le client occasionnel, au « bénéficiaire effectif ». Celui-ci s’entend de toute personne physique qui, en dernier lieu, possède ou contrôle un client et/ou la personne physique pour le compte de laquelle une opération est effectuée. Le bénéficiaire effectif est, donc, la personne qui :

- soit contrôle en dernier lieu, directement ou indirectement, le client ; - Soit pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée.

17 La notion de « relation d’affaires » est notamment visée par les articles 18 et 19 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

18 La notion de « client occasionnel » est notamment visée par l’article 29 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

19 Voy. supra, note n° 18.

GUIDE DE DILIGENCE CONTRE LA CORRUPTION,

LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME DANS LE SECTEUR DE L’IMMOBILIER

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VI.2.1.2. L’obligation d’information sur la relation d’affaires et/ou le client L’obligation d’information sur la relation d’affaires et le client s’exécute ainsi qu’il suit :

- avant d’entrer en relation d’affaires avec un client, le professionnel de l’immobilier ou toute personne intervenant dans ce secteur recueille et analyse les éléments d’information, parmi ceux figurant sur la liste dressée à cet effet par l’autorité de contrôle, nécessaire à la connaissance de leur client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires, pour évaluer le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

- Pendant toute la durée de la relation d’affaires, ces personnes recueillent, mettent à jour et analysent les éléments d’information qui permettent de favoriser une connaissance appropriée de leur client.

- La collecte et la conservation de ces informations doivent être réalisées en adéquation avec les objectifs d’évaluation du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de surveillance adaptée à ce risque.

Du point de vue pratique, l’obligation d’information impose aux professionnels du secteur de l’immobilier de recueillir, d’une part, des informations pertinentes sur le client, et d’autre part, des informations concernant la nature et l’objet de la relation d’affaires, au sens où celle-ci a été définie supra.

Le professionnel doit s’acquitter de cette double obligation, tant au seuil de la relation d’affaires, avant d’entrer en relation d’affaires, que pendant toute sa durée. Il faut, ainsi, considérer qu’à l’égard des relations d’affaires, opérations et transactions établies avec le client, les professionnels assujettis sont tenus d’exercer une vigilance constante.

En d’autres termes, ils doivent effectuer un examen attentif de l’ensemble des opérations en présence, en veillant notamment à ce que celles-ci soient en cohérence avec la connaissance actualisée qu’ils ont de leur client. Par exemple, pourquoi le client change-t-il de domicile, de siège social, de représentant légal ou de préposé en permanence ? Pourquoi préfère-t-il particulièrement les paiements en espèce, alors même qu’il s’agit d’importantes sommes d’argent ?

Au total, si à l’égard de l’opération effectuée, les professionnels doivent recueillir ou récoler en permanence des informations relatives à la nature et à l’objet, l’obligation d’information exige une surveillance constante du client. On comprend, alors que l’identification du client constitue une première étape nécessaire, qui sera complétée par sa surveillance.

Et de cette surveillance en permanence du client découle, pour le professionnel, l’actualisation, la mise à jour des informations qu’ils détiennent sur le client, dans un délai raisonnable. Ce faisant, des informations relatives au client étant devenues obsolètes ou erronées devraient être remplacées ou corrigées.

L’actualisation et la vérification des informations sur le client et la relation d’affaires par le professionnel présentent plusieurs avantages pratiques.

En premier lieu, en effet, elles intéressent les autorités compétentes de contrôle ou de poursuites, qui s’en serviront pour mieux orienter leurs investigations ou poursuites.

La mise à jour et la vérification régulière des informations sur le client et la relation d’affaires ont également ceci d’avantageux qu’elles peuvent couvrir le professionnel en cas de poursuites judiciaires engagées contre lui par le client, consécutivement à une déclaration aux autorités compétentes.

VI.2.1.3 L’obligation de vigilance complémentaire

A côté des obligations d’identification et d’information déjà traitées, qui participent de l’obligation de vigilance constante, les professionnels de l’immobilier sont tenus de prendre des mesures de vigilance complémentaires. Et comme dans l’obligation traditionnelle de vigilance constante, les mesures de vigilance complémentaires doivent porter tant sur le client que l’opération contractée.

Mais ces mesures complémentaires, qui s’appliquent, en sus de l’obligation de vigilance constante- leur nom est suffisamment évocateur- ne doivent être prises par le professionnel de l’immobilier que lorsque :

- Le client ou son représentant légal n’est pas physiquement présent aux fins de l’identification ;

- Le client est une personne résidant dans un autre Etat étranger exposé à des risques particuliers, en raison des fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives qu’elle exerce ou a exercées pour le compte d’un autre Etat ou de celles qu’exercent ou ont exercées des membres directs de sa famille ou des personnes connues pour lui être étroitement associées ;

- Le produit ou l’opération favorise l’anonymat de celle-ci ;

- L’opération est effectuée pour compte propre ou pour compte de tiers avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans un Etat ou un territoire dont les insuffisances de la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Mais c’est la responsabilité des autorités compétentes de contrôle que de préciser la liste des produits et des opérations objet de mesures de vigilance complémentaires ainsi que lesdites mesures.

L’application des mesures de vigilance complémentaires suppose alternativement  que le professionnel est face à :

- Des relations à distance: c’est le cas lorsque le client ou son représentant légal n’est pas physiquement présent pour permettre au professionnel de l’identifier et le surveiller ; - Le client est une personne politiquement exposée (PPE) étrangère résidant dans un autre

Etat  : Il s’agit de personnes physiques qui exercent ou qui ont exercé d’importantes fonctions publiques dans un Etat autre que la Côte d’Ivoire. La qualité de PPE étrangère du client, qui oblige le professionnel de l’immobilier à prendre des mesures de vigilance complémentaires, renvoie aux Chefs d’Etat ou de Gouvernement, les ministres, les ministres délégués, les secrétaires d’Etat, les membres des familles royales, les directeurs généraux des ministères, les parlementaires, les membres des Cours suprêmes, des Cours constitutionnelles ou d’autres hautes juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, sauf circonstances exceptionnelles, les membres des Cours des Comptes ou des Conseils ou Directoires des banques centrales, les ambassadeurs, les chargés d’affaires et les officiers supérieurs des forces armées, les membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance des entreprises publiques, les hauts responsables des partis politiques. La définition de PPE étrangère s’étend aux membres de la famille du client concerné, en l’occurrence le conjoint, toute personne considérée comme conjoint, les enfants et leurs ou partenaires et les autres parents.

- Des intervenants à l’opération sont liés à un pays faisant obstacle à la lutte contre le blanchiment de capitaux: pour s’assurer de cette situation des intervenants à l’opération en

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cause, il est recommandé au professionnel du secteur de l’immobilier de se référer à la liste de tels pays publiés soit par une instance internationale ou nationale de lutte. Les listes ou sanctions régulièrement mises à jour du GAFI pourraient être utilement consultées.

- Le produit ou l’opération en présence favorise l’anonymat de celle-ci : le professionnel assujetti est encore astreint à prendre des mesures de vigilance complémentaires, s’il s’aperçoit que la transaction effectuée tend dissimuler, à empêcher l’identification de son produit ou de sa véritable nature.

VI.2.1.4. La modulation des obligations de vigilance

L’obligation de vigilance à la charge des professionnels est portée à connaître des aménagements, qui tiennent compte du niveau de risque de blanchiment constaté. Plus, le risque est élevé, plus les mesures à prendre seront corsées. Corrélativement, si le risque est faible ou inexistant les mesures seront allégées ou le professionnel pourrait en être dispensé.

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