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1.2 Revue des objets célestes magnétiques

1.2.6 Les objets compacts

Les naines blanches forment le résidu des étoiles de petite masse (dont le Soleil) en fin de vie. À ce stade, ces étoiles ont fusionné la plus grande partie de leur hydrogène en hé- lium. Privées de combustible, elles s’effondrent sur elles-mêmes sous l’effet de la gravitation. La pression et la température du cœur augmentant, la fusion de l’hélium en élément plus lourds, en particulier en carbone, commence. Cette énergie nouvelle fait gonfler l’étoile, qui devient une géante rouge. Cependant, l’hélium est consommé très rapidement et lorsque sa fusion s’arrête, la contraction de l’étoile reprend. Sa faible masse ne permettant pas d’at- teindre des températures et des pressions suffisantes pour démarrer la fusion du carbone, le cœur s’effondre jusqu’à former un objet dégénéré12 appelé naine blanche, tandis que les couches externes de l’étoile viennent rebondir sur cette surface solide et sont projetées dans l’espace. Le résultat de ce processus est un astre très chaud entouré d’un nuage de gaz composé essentiellement de l’hydrogène et de l’hélium non consommés dans la fusion (ainsi que d’un peu de carbone) : c’est ce que l’on appelle une nébuleuse planétaire13. Cette naine blanche se refroidit ensuite très lentement en naine noire.

Babcock tenta après son observation sur Vir78 de démontrer l’existence de champs ma- gnétiques dans le cas des naines blanches mais cet essai se solda par un échec (notamment en 1948 dans le cas de la naine blanche 40 Eridani B [6]). Deux décennies plus tard, la découverte de champs magnétiques d’intensités colossales dans les pulsars (voir la section suivante sur les pulsars et voir la section du chapitre suivant consacrée à la théorie des champs fossiles) a suscité un renouveau d’intérêt pour la recherche de naines blanches magnétiques [47, 23]. En 1970 enfin, Kemp rapporte la première détection d’un champ magnétique en provenance d’une naine blanche [35]. Depuis, il a été recensé plus d’une centaine de naines blanches magnétiques (MWDs), avec des champs dont l’intensité varie de la dizaine de kilogauss à quelques gigagauss [65]. Quelques faits notables méritent notre attention.

Premièrement, la topologie du champ magnétique est très similaire à celle des étoiles Ap, avec une contribution dominante des multipoles de bas ordre [19]. Le dipôle est générale- ment écarté de 10 à 30 % du rayon par rapport au centre de l’étoile (« offset »). Deuxième- ment, l’on constate qu’une proportion en naines blanches magnétiques équivalente à celle des étoiles Ap parmi les étoiles du même type est observée, celles-ci représentant envi- ron 5 % de toutes les naines blanches connues. Troisièmement, seules quatre d’entre-elles possèdent des champs dans la gamme du kilogauss, laissant suggérer une distribution en intensité du champ magnétique homothétique à celle des étoiles Ap. Finalement, les naines blanches magnétiques possèdent toutes une masse supérieure à 0.95 M⊙ (la masse limite,

12. On parle de dégénérescence de la matière lorsque celle-ci atteint une densité telle que son équation d’état est régie par le principe d’exclusion de Pauli : les électrons ne pouvant être en nombre supérieur à leur nombre prévu par la théorie quantique (2 n2 par niveau d’énergie n). Dans la matière ordinaire, les

électrons s’organisent autour du noyau de manière à voir leurs spins alignés (un peu comme des boussoles que l’on placerait à une certaine distance et qui indiqueraient toutes le Nord) ; dans la matière dégénérée, les spins tendent à être anti-alignés afin de remplir au mieux les couches les plus proches du noyau, i.e. tous les niveaux de plus basse énergie (pour reprendre l’analogie, il faut s’imaginer à présent deux boussoles mises contre à contre, celles-ci vont s’aligner mais en sens opposé). Ainsi apparaît une pression dite « de dégénérescence quantique » modifiant la traditionnelle équation d’état reliant la pression à la densité pour un gaz parfait, en introduisant une densité critique.

dite de Chandrasekhar, étant située aux alentours de 1.4M⊙), preuve que le champ magné- tique agit notoirement sur la perte de masse et le transport de moment angulaire durant les phases de post-séquence principale.

Les étoiles à neutrons

La physique des étoiles à neutrons classe celles-ci parmi les objets les plus extrêmes de l’univers connu : leurs densités, taux de rotation et champs magnétiques sont plus élevés que n’importe quel autre objet astrophysique. Une étoile à neutron condense une masse de 1.4 M⊙ dans une boule de 20 km de diamètre. Celles-ci se forment à partir d’étoiles de masses comprises entre 8 M⊙et 20 M⊙(étoiles de type B et O). Pour des masses moindres, les étoiles terminent leur vie en naines blanches ; pour des masses supérieures, elles donnent lieu à un trou noir. Elles résultent de l’implosion-explosion de supernovæ de type Ib, Ic ou II : lorsque l’étoile progénitrice atteint la fin de fusion de tout son combustible nucléaire (qui s’arrête à la synthèse du 56Ni au cœur, qui se désintègre en fer), elle se contracte à nouveau sous l’effet de la gravité. La matière présente dans l’enveloppe va alors entrer en collision avec la matière dégénérée du cœur, entraînant une explosion au mécanisme complexe (qui ne sera pas détaillé ici). Au centre, la pression est telle que les électrons dégénérés et les protons se recombinent en donnant lieu à un neutron ainsi qu’à un neu- trino électronique participant au processus d’explosion. Soulignons que c’est au cours de cette explosion que les éléments plus lourds que le fer sont synthétisés et disséminés dans l’Univers (tels que le cuivre, le zinc, ou l’iode, nécessaires à notre organisme). Il subsistera éventuellement au centre une étoile à neutrons.

Ce sont des objets dégénérés, dans lesquels interviennent des effets physiques exotiques telles que la superfluidité et la supraconductivité à très haute température, et à grande échelles. Les champs magnétiques typiques des étoiles à neutrons sont d’intensité de l’ordre de 1012− 1013G ; ceux des magnétars allant jusqu’à 1015G. Aussi les observations de ces objets sont d’un intérêt extrême, puisqu’elles permettent de dévoiler des secrets sur des phénomènes physiques dans des régimes qui ne pourront jamais être reproduits sur Terre et enrichissent nos connaissances notamment sur l’interaction entre l’électromagnétisme et la gravitation, dont on sait qu’il s’agit là de la pierre d’achoppement de la physique moderne, où s’affrontent le modèle standard et la théorie de la relativité générale.

Les observations des champs magnétiques de surface des étoiles à neutrons ont mis en évidence une corrélation entre l’âge et l’intensité du champ. Par exemple, les jeunes pul- sars radio14 et les binaires X massives15 possèdent des champs magnétiques de l’ordre de 1012G, alors que les pulsars millisecondes ainsi que les binaires X de faible masse, plus an- ciens, possèdent des champs de l’ordre de 108G. Ces observations indiquent que le champ magnétique est certainement sujet à un processus dissipatif, même si certains scénarios indiquent qu’il pourrait s’agir de conséquences de l’accrétion.

14. Un pulsar est une étoile à neutrons en rotation rapide, présentant un champ magnétique dont l’angle est incliné par rapport à l’angle de rotation, comme dans le modèle du rotateur oblique décrit en page 13. Plus de 2 000 pulsars sont connus à l’heure actuelle ; parmi ceux-ci on dénombre 12 magnétars. Ceux-ci sont vraisemblablement responsables des « soft gamma repeaters » (SGRs) et des « anomalous X-ray pulsars » (AXPs).

15. Une binaire X est formée d’une étoile normale orbitant autour d’une étoile à neutrons ou d’un trou noir avec une courte période. Le rayonnement X provient de l’énorme quantité d’énergie dégagée par l’accrétion de la matière de l’étoile autour de l’objet compact.