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2.2 Les champs d’origines dynamo

2.2.3 La dynamo dans les zones radiatives

Je me concentrerai ici sur la possibilité de génération d’un champ magnétique de grande échelle dans les zones radiatives par un processus dynamo, à l’œuvre (i) dans une zone convective adjacente à la zone radiative, ou bien (ii) au sein même de la zone radiative. Pour fixer les idées, un graphique présentant les extensions des zones radiatives et des zones convectives en fonction de la masse est donné en Fig. 2.6.

Notons que dans le cas du Soleil si un champ magnétique est susceptible de jouer un rôle sur son évolution séculaire, il s’agit manifestement du champ magnétique présent dans la zone radiative : en effet si celle-ci s’étend jusqu’à environ 70% du rayon, elle représente plus de 98% de la masse solaire en raison du contraste de densité entre les couches internes et externes.

Figure2.6 – Extension des zones radiatives et convectives (en fraction de masse de l’étoile) en fonction de la masse de l’étoile (en masse solaire). Crédit : R. Kippenhahn & A. Weigert, 1990 [30].

Les champs magnétiques d’origine dynamo diffusant vers les zones radiatives à partir d’une zone convective adjacente (l’enveloppe convective d’une étoile de type so- laire ou bien le cœur convectif du fait des cycles nucléaires CNO d’étoiles plus massives) peuvent-ils reproduire les champs observés dans le cas typique d’étoiles Ap ou d’étoiles plus massives ? Peuvent-ils être à l’origine d’un champ magnétique global dans la zone radiative

solaire ?

En 1999, Pascale Garaud [24] étudie le processus de diffusion d’un champ magnétique variable initialement dans la tachocline solaire vers la zone radiative. En particulier, elle s’intéresse à la longueur de pénétration ainsi qu’à l’amplitude du champ diffusé à partir du champ magnétique d’origine dynamo dans la zone convective Pour cela elle considère un champ initialement poloïdal, dipolaire (les contributions de multipôles d’ordre supérieur étant plus faibles) dans la base de la zone convective, qui va être « pompé » vers l’inté- rieur par des mouvements turbulents dans la région de pénétration convective7. Le champ poloïdal va ensuite être cisaillé pour former un champ toroïdal (selon l’effet Ω décrit pré- cédemment). En négligeant la diffusivité magnétique l’équation d’induction se transforme en équation d’advection :

∂tB = ∇ × (u × B) . (2.29)

À partir de la vitesse de rotation dans cette région déduites des données héliosismolo- giques, une relation entre le champ latitudinal Bθet le champ longitudinal Bϕest obtenue. Connaissant une estimation de l’amplitude du champ magnétique toroïdal d’origine dy- namo Bϕ ≃ 5 × 104G, elle en déduit l’amplitude du champ Bθ, puis la valeur du champ magnétique radial est obtenue par nullité de la divergence du champ magnétique. Cela mène à une amplitude du champ magnétique total B0 de l’ordre de 103 G. En prenant un profil de diffusivité magnétique réaliste pour la zone radiative solaire, elle trouve fina- lement que l’intensité du champ décroît d’environ 10−1 G juste sous la base de la zone convective (à 0.69 R⊙) jusqu’à environ 10−3 G à 0.35 R⊙. Ainsi un champ magnétique d’origine dynamo serait très peu susceptible de générer un champ magnétique de grande échelle d’intensité suffisamment élevée pour modifier de manière substantielle la structure solaire interne.

En ce qui concerne la diffusion d’un champ magnétique d’origine dynamo dans le cœur vers une zone radiative supérieure, peu de résultats ont été obtenus (voir essentiellement [11, 20, 19]) ; il semble peu probable que ce mécanisme soit seul à l’origine des champs magnétiques avec des intensités en surface de plusieurs kG observés notamment dans les étoiles Ap, d’autant plus que dans certaines d’entre elles l’extension de ce cœur convectif est très limitée (parfois moins d’un dixième du rayon de l’étoile). Soulignons que les tra-

7. Cette région communément appelée région d’overshoot correspond à un régime d’extension de la zone convective dans la zone radiative : en effet le critère de convection n’est plus vérifié si l’accélération des structures convectives est nulle, mais ce critère ne dit rien quant à leur vitesse. Ainsi il est possible que des cellules convectives en accélération nulle mais à vitesse non-nulle pénètrent dans la zone radiative en formant des structures locales appelées « plumes » en raison de leur géométrie effilée. Cet effet a notamment permis un meilleur accord entre les isochrones théoriques et observées (voir par exemple les travaux de Maeder, 1975 [32]), ainsi qu’une meilleure correspondance entre le profil de vitesse du son déduit des observations héliosismologiques avec celui issu de modèles d’évolution. Toutefois il y a lieu de distinguer deux régimes (voir la revue de Zahn, 2002 [51]) : celui de l’overshoot de celui de la pénétration convective. Le premier se produit à faible nombre de Peclet tandis que le second se produit à haut nombre de Peclet. Le nombre de Peclet , défini par P ec = vd/K, où v correspond à la vitesse verticale de la structure convective, d à la taille de la plume et K à la diffusivité thermique, détermine si la diffusion radiative doit être prise en compte (P ec < 1) ou non. Ainsi dans le cas de la pénétration convective (à l’œuvre dans la base de la zone convective solaire), les mouvements du fluide retiennent leur contenu calorifique et tendent à établir une stratification adiabatique au-delà de la zone instable, où ils sont ensuite ralentis par instabilité de flottaison. En revanche dans le cas de l’overshoot (à l’œuvre dans les couches superficielles d’étoiles de type A par exemple), les cellules convectives en mouvement ne conservent plus leur contraste de température et de densité. Ne ressentant pas l’instabilité de flottaison, elles peuvent pénétrer plus en profondeur dans la zone radiative, qui demeure en stratification radiative.

vaux de Featherstone et al. mettent en évidence un phénomène assez intéressant : la prise en compte d’un champ magnétique de grande échelle dans l’enveloppe radiative semble accroître l’efficacité de la dynamo à l’œuvre dans le cœur. Il y a deux autres arguments en la défaveur de la théorie basée uniquement sur un champ dynamo central. D’une part l’orientation du champ magnétique global, incliné par-rapport à celle de l’axe de rotation, est assez stable dans le temps ; cela favorise un scénario tel que la rotation et le champ magnétique soient moins intriqués que dans le cas dynamo. D’autre part la vitesse de rota- tion et l’intensité du champ magnétique de grande échelle ne montrent pas de corrélation, alors que le taux de rotation est un ingrédient déterminant de la théorie dynamo.

Les champs magnétiques d’origine dynamo dans les zones radiatives ont été

longtemps suspectés être responsables des champs magnétiques de surface décrits plus haut. Un scénario pour ce modèle a été proposé en 2002 par H. Spruit [46]. Dans son article germinal de 1999, Hendrik Spruit mettait en évidence que la première instabilité à se déclencher dans une zone radiative en présence de champ magnétique azimutal est l’in- stabilité de Pitts-Tayler [45]. En 2002, Spruit exploite cet effet comme mécanisme capable d’amplifier le champ magnétique toroïdal au point d’empêcher sa diffusion. Le concept est similaire à celui de la dynamo conduite par la MRI dans les disques d’accrétion ; ici l’insta- bilité de Tayler joue le rôle de l’instabilité magnéto-rotationnelle. Appliqué au problème du transport de moment cinétique, le champ se retrouve advecté et génère un champ à composante majoritairement horizontale, susceptible d’expliquer pourquoi la zone radia- tive solaire est en rotation quasi-uniforme (cf. Eggenberger, 2005 [18]).

Spruit propose qu’un champ magnétique initialement poloïdal BP se retrouve advecté en un champ purement toroïdal Bϕ, la zone radiative étant supposée être en rotation diffé- rentielle « shellular » (de l’anglais « shell », coquille), i.e. ne dépendant que du rayon : Ω = Ω(r). Cela se produit en un temps τa = τdrBϕ/BP, où l’échelle de temps de la rotation différentielle est donnée par τdr = (rdΩ/dr)−1. Dans le cas où la vitesse de ro- tation de l’étoile est inférieure à la vitesse de rupture et supérieure à la vitesse d’Alfvén (N ≫ Ω ≫ ωA), l’instabilité de Pitts-Tayler se développe alors avec le taux de croissance σ = ωA2/Ω donné précédemment et génère un champ magnétique à composantes radiale, latitudinale et azimutale. Cependant la composante radiale est faible en raison de la forte stratification du milieu (la fréquence de Brunt-Väisälä N = (g/HP)1/2(∇ad− ∇)1/2 ≫ 0, g étant la gravité, HP l’échelle caractéristique de hauteur de pression, et ∇ et ∇ad sont respectivement le gradient de température logarithmique usuel et sa valeur adiabatique). Ce champ magnétique radial de petite échelle est à moyenne nulle. La rotation différentielle agit néanmoins sur ce champ en l’advectant en une nouvelle contribution au champ ma- gnétique azimutal. Celui-ci est alors à nouveau instable, ce qui maintient la boucle dynamo.

En 2006, Braithwaite [3] rapporte les résultats d’une expérience numérique mettant en évidence une telle dynamo à l’œuvre. Dans cette expérience, il s’intéresse à une portion d’étoile cylindrique au voisinage de l’axe de rotation, la rotation de celle-ci n’est donc plus qu’une fonction de la hauteur z du cylindre, dans un set-up « cylinder in a box », en coordonnées cartésiennes. Le champ magnétique initial est de la forme B = B0 ˆez. Braithwaite étudie les effets indépendants de la présence de stratification et de la rotation rapide. Dans le cas non-stratifié, avec rotation, l’amplification du champ est bien observée, la saturation est atteinte après un ou deux temps d’Alfvén τA ≃ 10 τs, où τs = cs/L, cs

étant la vitesse du son et L la hauteur du cylindre. La rotation est mise en œuvre par l’intermédiaire d’une force azimutale massique appliquée sur tout le volume du cylindre et de la forme

F (̟, z) = (v0− v) /τf, (2.30)

où ̟ est le rayon, v0 = z̟ dΩ/dzˆeϕ et τf est le temps d’amortissement arbitraire. Dans le cas stratifié, la saturation du champ magnétique se met en place dans un laps de temps environ cinq fois plus long. De plus le champ magnétique poloïdal est lui aussi amplifié, bien que celui-ci demeure bien plus faible que le champ toroïdal qui le dépasse rapidement (voir Fig. 2.7a). En accroissant la rotation différentielle, le champ de saturation devient plus élevé, plus ou moins en proportion du taux de rotation différentielle imposé. Lorsque les deux effets (rotation et stratification) sont présents, un effet intéressant apparaît : pour une rotation différentielle suffisamment élevée, lorsque le champ est arrivé à saturation il se met à osciller, les champs poloïdaux Bz et toroïdaux Bϕ s’inversant (voir Fig. 2.7b).

Figure 2.7 – À gauche (a), évolution de Bϕ2/8π (ligne pleine) et BP2/8π (en pointillés). À droite (b), évolution de B2/8π pour τ

f/τs= 1 (ligne pleine), τf/τs = 10 (en pointillés) et τf/τs= 100 (tirets). Crédit : J. Braithwaite [3].

En 2007, J.-P. Zahn, A.-S. Brun et S. Mathis [52] remettent en question la capacité de l’instabilité de Pitts-Tayler à entretenir une dynamo dans les zones radiatives. Tout d’abord ceux-ci examinent les conditions sous lesquelles cette instabilité se déclenche ef- fectivement, pour des perturbations appliquées au champ magnétique toroïdal de la forme exp [i(l̟ + mϕ− nz − σt)] en coordonnées cylindriques (̟, ϕ, z). En présence de strati- fication due à la fois au gradient d’entropie et à celui de composition chimique, dont les paramètres de stratification ont été introduits de sorte que

At= l2 n2 N2 T ω2 A , Aµ= l2 n2 N2 µ ω2 A , (2.31)

où NT est la fréquence de Brunt-Väisälä définie ci-dessus et Nµ= (g/HP) (d ln µ/d ln P ), un critère général d’instabilité est dérivé. Celle-ci se déclenche lorsque Bϕ excède la valeur donnée par

[A∗S(A∗)] ωA4 = 2Ωηl2εNT2+Nµ2, (2.32) où ωA= m2Bϕ2/4πρ̟2, ε est le nombre de Roberts (ε = η/κ, η et κ étant respectivement les diffusivités ohmique et radiative), A∗ = εA

diffusivité ohmique mise à l’échelle en fonction des autres variables du problème. Cela a permis de préciser les nombres d’onde verticaux n pour lesquels les déplacements sont instables : ceux-ci le sont pour des valeurs de n vérifiant

(l/n)2∼ ω2A/N2, (2.33)

une condition moins restrictive que celles originalement données par Spruit, ω2

A> (l/n)2N2 et ω2

A/Ω > n2η. Finalement, il est montré que le processus de régénération du champ ma- gnétique toroïdal invoqué par Spruit ne peut conceptuellement pas marcher. Si l’on écrit le champ magnétique et le champ de vitesses comme la somme de leur contribution axisy- métrique ( ¯B, ¯v) et de leurs contributions non-axisymétriques (b, v), l’équation d’induction se réécrit

d ¯B

dt = (̟BP · ∇ Ω) ˆeϕ+∇ × (v × b) − ∇ × (η∇ × ¯B). (2.34) Le premier terme du membre de droite représente l’effet Ω, le champ magnétique toroïdal étant créé par advection du champ poloïdal par la rotation différentielle. Le deuxième terme représente l’effet α, supposé régénérer le champ magnétique à la fois poloïdal et toroïdal. Enfin le dernier terme représente le terme de dissipation ohmique. Comme on le voit les seules contributions susceptibles d’amplifier le champ sont les deux premiers termes du membre de droite. Or le premier ne peut contribuer à la régénération d’un champ purement axisymétrique à partir de fluctuations du champ magnétique poloïdal non-axisymétriques, le gradient de vitesse angulaire étant lui-même axisymétrique. Le seul terme susceptible de régénérer le champ magnétique est donc le rotationnel de la force électromotrice moyenne < v×b > du membre de droite : cela ne correspond pas au scenario décrit par Spruit, bien que ce terme là puisse être produit par l’instabilité de Pitts-Tayler engendrant un champ de vitesses à petites échelles. Notons que de surcroît la dynamo doit régénérer le champ poloïdal afin que celui-ci puisse « nourrir », via la rotation différentielle, le champ toroïdal. La manière de clore la boucle dynamo est décrite en Fig. 2.8.