• Aucun résultat trouvé

5. La connaissance dans le projet d’urbanisme tactique

5.2 Les modalités de production de connaissances dans la démarche d’urbanisme tactique

5.2.1 Un objet mesurable

D’abord, il ressort des entretiens que l’introduction d’un prototype dans la démarche de conception de projet offre une occasion de mener des évaluations telles que des études de circulation, des comptages et des études d’accessibilité universelle et des sondages. Ces évaluations portent alors sur une réelle occupation de l’espace. Elles permettent de mieux comprendre le fonctionnement du projet en fournissant des données sur le lieu, les usagers, les usages, etc. L’introduction d’un objet mesurable avec l’UT rejoint ce que d’autres auteurs ont déjà souligné comme une opportunité de cette démarche (Douay et Prévot, 2016; Marshall et al., 2016; Sadik-Khan et Solomonow, 2016).

5.2.1.1 Les études de circulation

Dans un premier temps, les professionnels ont mentionné que plusieurs projets pilotes du PIRPP ont bénéficié d’études de circulation afin de considérer les impacts du nouvel aménagement (P05; P08; P10). Plus que tester les répercussions sur la fluidité de la circulation (savoir empirique), la phase d’expérimentation a aussi — et surtout — la capacité de tester

l’opinion et la perception de la population face à cet impact (savoir normatif). C’est ce qu’explique le professionnel ayant travaillé sur le projet du carré Notre-Dame des Victoires :

aussitôt que l’on ferme une rue c’est sûr que ça va engendrer des impacts au niveau du débit de circulation sur les rues, la déviation de ces débits-là aussi, du trafic de transit, où est-ce qu’il va être dévié, etc. Dans notre cas, c’est principalement ça que l’on voulait tester à l’an un, parce que l’on s’attendait à une grogne immense des citoyens dû à la fermeture des rues. Et finalement, ça été tout le contraire. On a eu en grande majorité des commentaires très très positifs de la part des citoyens qui vivaient sur ces rues-là […] Les rues étaient devenues super paisibles depuis qu’on les avait fermées […] Je dirais que ça c’était le gros succès de l’an un. (P09)

5.2.1.2 Le comptage

Conjointement aux études de circulation, sur les projets du PIRPP, des données sont amassées sur le nombre de passages piétons et cyclistes grâce à l’utilisation de compteurs de type PYRO-

Box54 installés aux entrées des sites. Ces données ajoutent à la compréhension du site en ce qui a trait à sa popularité et sa « marchabilité » (P05).

5.2.1.3 L’évaluation de l’accessibilité universelle

L’évaluation de l’accessibilité universelle est aussi réalisée systématiquement dans les projets du PIRPP. Cette étude a pour objectif de déterminer si les aménagements sont accessibles à toute personne, quelles que soient ses capacités. Les résultats de l’évaluation de l’accessibilité universelle peuvent révéler des informations qui entraînent à leur tour des modifications sur la configuration de l’aménagement pour les phases subséquentes du projet. Par exemple, la professionnelle de l’arrondissement Le Sud-Ouest raconte que sur le projet du parvis De Biencourt (voir figure 21), l’arrondissement avait « acheté des bacs [pour faire de l’agriculture urbaine] adaptés [aux personnes à mobilité réduite], mais la distance théorique qui convenait entre les bacs, ne convenait pas nécessairement dans la pratique pour le virage des chaises. Donc ça aussi c’est un des apprentissages de la première année à la deuxième année » (P07). Cet exemple montre que l’expérimentation dans les conditions réelles a permis de rectifier un aménagement qui était pourtant « théoriquement » adéquat en ce qui a trait à l’accessibilité universelle.

91

Figure 21 : Les bacs d’agriculture urbaine sur le Parvis De Biencourt. Source : Ville de Montréal. 5.2.1.4 Les sondages

Ensuite, des évaluations par les citoyens sous la forme de sondages sont également une méthode privilégiée dans les projets menés par les professionnels rencontrés. En effet, la professionnelle de la Ville de Montréal explique que la méthodologie d’évaluation développée dans le cadre du PIRPP inclut un sondage et des recensions de terrain pour déterminer le profil des usagers. Cette dernière précise qu’avec l’ajout de données provenant d’autres sondages effectués sur les rues commerciales, les chargés de projets sont en mesure de colliger plusieurs informations dont :

la vision qu’ont les utilisateurs ou les commerçants d’un site, pourquoi ils se sont installés ? Où ils vont ? Les motifs de visite ? La fréquence ? Les modes de transports l’été, l’hiver ? Toutes les habitudes de fréquentation, la provenance ? De consommation ? Si vous venez, vous venez pour quoi sur la rue commerciale ou ailleurs ? Si c’est une rue commerciale, [pour] combien vous achetez ? À quelle fréquence vous revenez ? Qu’est-ce que vous appréciez le plus, le moins ? Qu’est-ce que vous voudriez voir ? Quels types de commerce ? (P05)

5.2.1.5 Le déneigement et l’entretien

Finalement, outre les évaluations en bonne et due forme, des connaissances sur le design des aménagements peuvent provenir d’une confrontation de ce dernier avec la réalité, une fois matérialisé. Ainsi, d’un point de vue fonctionnel, des apprentissages ont pu être tirés de l’expérience des cols bleus qui doivent entretenir et déneiger les sites de projets (P05; P10). Pour la professionnelle de la Ville de Montréal, il ne s’agit pas d’ailleurs d’apprentissages fortuits, ils seraient plutôt le fruit d’« une logique de travail multipartite plus grande dès le départ » (P05). La professionnelle poursuit en expliquant que l’« on pourrait faire des concepts pendant un an, un an et demi, si on ne sortait pas sur le terrain, sans parler aux gens de la voirie ou des travaux publics… quand l’on teste sur le terrain, ils vont déneiger le site : c’est impossible » (ibid).