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Pour expliquer la nécessité de la présente recherche, disons d’abord que la recherche de Mathes se situe dans une certaine tradition européenne des études orientales qui s’est affirmée au début du XXe siècle. Selon Lopez (2003), ces études visent principalement la collecte d’informations et l’accumulation de données (p. 180-206). Cette orientation permet à Mathes de faire ressortir les préoccupations et les défis auxquels ont fait face les penseurs tibétains entre le VIIe et le XIXe siècle. À cet effet, des traducteurs comme Robertson et Brunnhölzl s’affairent présentement à compléter cette collecte de données. Le problème que l’on détecte ici est que le type de recherche que propose Mathes ne touche pas aux préoccupations principales du DhDhV, c’est-à-dire que son aspect pratique n’apparaît pas clairement, et cela même si Brunnhölzl (2012), par exemple, insiste aussi sur cet aspect pratique dans la présentation de son livre.

La recherche de Cha se situe dans une tradition nord-américaine d’études bouddhiques souvent intégrées aux programmes en sciences des religions, une tradition qui s’est affirmée depuis les années 60. Selon Lopez (2003), ces études ont tendance à se concentrer sur des questions de signification et d’interprétation (p. 180-206). En cela, la recherche de Cha est fort utile pour les chercheurs qui s’intéressent à l’interprétation que propose l’école YogƗcƗra. Elle pose toutefois un problème puisque le contexte historique suggère que cette école ne s’était pas encore formalisée à l’époque de la composition du DhDhV. Le défi qui se présente alors

est de replacer la composition du DhDhV dans son contexte historique, un contexte très spécifique, soit avant qu’une division entre Madhyamaka et YogƗcƗra se formalise.

Pour aborder un tel défi, il faudrait déjà en identifier le thème central. Dans son dictionnaire, Cornu (2006) indique que le DhDhV analyse les trois dimensions de l’expérience (une notion propre à l’école YogƗcƗra : 173). Même si cette notion est au cœur du débat de la plupart des commentateurs, les termes techniques (les dimensions imaginaire, dépendante et parfaitement présente) n’y sont pas mentionnés, Vasubandhu ne les utilise pas et Mipham n’y voit aucun intérêt. On est alors en droit de se demander si cette notion est vraiment le thème central de l’œuvre.

Pettit (1999) propose que le DhDhV élucide la théorie et la pratique du cheminement en référence aux concepts de l’école YogÁcÁra (p. 55). Or, la classification du DhDhV n’est pas aussi simple. D’ailleurs, comme la recherche de Mathes le montre, certains commentateurs y voient l’expression de la pensée Madhyamaka. Mathes (1996 : 17-25) et Davidson (1985: 288) suggèrent plutôt que le DhDhV tente de clarifier la notion de transformation (les changements d’appuis), alors que Mipham suggère qu’il porte sur l’intention de l’ensemble des textes du MahƗyƗna, c’est-à-dire la sapience. Cha suggère aussi qu’il porte sur le MahƗyƗna en posant une relation entre les phénomènes du monde mondain et la sphère supramondaine de l’ainsité dans le contexte d’une sotériologie60. Thrangu (2001) indique que le DhDhV est un ĞƗstra d’instruction orale, c’est-à-dire qu’il correspond à une pratique (p. 3-6). Pour Tsultrim Gyamtso (dans Scott 2004), les propos du DhDhV s’accordent avec le rgyud bla ma (RGV) et la pratique de MahƗmudrƗ (le grand sceau) et du Dzogchen (tib. rdzogs chen ; la grande perfection – p. 6). Pour Shek-wing (dans Robertson 2008), il y a là un lien étroit avec les pratiques du Dzogchen.

Alors comment le DhDhV fait-il le pont entre la « théorie » bouddhique et sa pratique, et à l’aide de quelle notion le fait-il ? Le problème dans la situation actuelle des recherches est

60 « […] it stresses an overtly MahƗyƗna perspective on the relationship between the mundane world of

qu’autant l’auteur du DhDhV, les commentateurs tibétains, que Mathes, Cha, Robertson et même Brunnhölzl, supposent que le lecteur ou la lectrice possède une connaissance approfondie des écrits canoniques et post-canoniques. Or, ce n’est pas toujours le cas et il est indéniable que les questions complexes que soulève le DhDhV ne peuvent être résolues par la simple lecture de ses diverses éditions ou traductions, ni par la comparaison de ses commentaires. De plus, dans ces travaux, la logique interne du texte n’apparaît pas.

Il s’impose donc de procéder à une nouvelle recherche se proposant premièrement, de faire une lecture plus directe du DhDhV qui tienne davantage compte du contexte historique dans lequel il a été composé ; et deuxièmement de faire une analyse qui accorde une importance primordiale au fait que ce texte possède une dimension pratique. En partant du principe que le DhDhV se situe dans le contexte des réflexions qu’ont provoquées les PrajñƗpƗramitƗsnjtra, l’applicabilité du constat de vacuité devient alors un élément incontournable de cette recherche. Jusqu’à présent, l’applicabilité pratique d’un tel constat demeure souvent absente des réflexions universitaires qui s’intéressent davantage aux débats dits « philosophiques ». De plus, si comme on le soupçonne, la pratique que propose le DhDhV est adaptable à la réalité contemporaine des pratiquants et pratiquantes « occidentales », la présente recherche trouvera d’autant plus sa raison d’être.

Pour aborder la question de l’applicabilité du constat de vacuité dans le DhDhV, on propose deux étapes : une traduction originale en langue française (se trouvant au chapitre 4) et un examen minutieux (se trouvant aux chapitres 5 à 10).

Les aléas de la traduction

Le mot français « traduire » vient du terme latin traducere qui signifie « conduire au-delà » d’où l’idée de « faire passer de l’autre côté ». Certains spécialistes évoquent un jeu de mots entre « traduire » et « trahir », ce qui laisse entendre que le travail de traduction ne peut prétendre être le lieu d’une correspondance exacte. On ira jusqu’à dire que la traduction est une tâche impossible. Toutefois, comme l’indique Paul Ricœur (2004), la traduction a lieu et elle a une fonction importante en recherche.

On conçoit donc ce projet de traduction dans l’optique de la notion de « réception » développée par Jauss (2005). Un texte, une idée, un mythe, disait en substance Jauss, même s’ils proviennent d’un passé lointain, ne s’inscrivent dans une culture qu’à condition d’être reçus ou appréciés par de nouveaux lecteurs et lectrices. Dans cette perspective, une traduction implique nécessairement une interprétation. Les propos de Jauss (2005) ne sont pas étrangers à ceux de Gummer (2005), spécialiste en études bouddhiques. Dans l’Encyclopedia of Religion, Second Edition, elle écrit que la traduction a servi d’instrument dans la réinterprétation et la transformation de la tradition bouddhique à travers les âges. Les traductions révèlent souvent les intérêts et valeurs des cultures qui traduisent. Une traduction, dit-elle, est nécessairement une période déterminante dans la continuité d’un texte (p. 1265-1268). Mais c’est aussi un processus d’acculturation.

Au Tibet, l’histoire de la traduction des textes comme le DhDhV commence avec le roi Songtsen Gampo (song tsen gam po : 609 ?-650). Ses épouses, la princesse népalaise Bhrikuti (tib. khri btsun) et la princesse chinoise Wencheng Gongzhu (ch. wen ch’eng), sont toutes deux adeptes du bouddhisme61. Sous cette influence, le roi envoie un groupe d’étudiants tibétains en Inde. Leur mandat est de se familiariser avec les textes bouddhiques. Parmi ces étudiants, Tumi Sambhota (thon mi sam bho ta62, aussi connu sous le nom de blo gros phra ba : VIIe siècle), se démarque. Celui-ci s’inspire de l’alphabet indien, la devanƗgarƯ, et de la langue sanskrite pour créer l’alphabet (tib. yi ge’i dpe) et une grammaire tibétaine. Deux vagues de traductions suivent cet événement : la première à l’époque de Sambhota, au VIIe siècle, puis une autre, lors d’un renouveau, au Xe siècle.

Gummer (2005) souligne qu’au Tibet, la notion de traduction dépasse l’acte d’établir une équivalence entre les termes de langue source (sanskrit) et les termes de langue cible

61 Voir Jacques Bacot dans Une grammaire tibétaine du tibétain classique. Les Ğlokas grammaticaux de Thonmi

Sambhota, avec leurs commentaires publiés par les Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études – 37, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, 1928.

62 Dans leur traduction d’archives royales (dba’ bzhed), Passang Wangdu et Hildegard Diemberger précisent que

le nom SambhoɁa s’apparente à Sambhadra. On l’aurait aussi appellé Thon mi ‘bring sto re a nu. Pour plus d’informations sur son nom, voir le travail de Sørensen intitulé The Mirror Illuminating the Royal Genealogies, publié en 1994 (p.167-168).

(tibétain)63. Dans ce contexte de recherches contemplatives, on ajoute le souci de transmission orale, le souci d’authenticité. Un texte n’y a de réelle valeur que s’il conserve son efficacité à mener à l’Éveil. On dit aussi que l’efficacité d’un texte n’est transférable que si celui-ci est accompagné de méditation. Et la méditation implique un accompagnement par des maîtres qualifiés. La relation de maître à disciple s’inscrit donc ainsi dans l’histoire de la traduction tibétaine.

L’exigence de la transmission orale découle d’une considération linguistique et de circonstances historiques. D’une part, on considère que les textes ne peuvent exprimer la réalité ultime, à moins que le ou la lectrice ait une capacité hors du commun à comprendre instantanément les implications d’un texte. Selon la tradition, les mots parlés ou écrits sont à l’image du doigt pointant vers la lune. On comprend donc que, d’une part, les textes sont des lieux d’échange et de communication et que, d’autre part, le changement que provoque la pratique contemplative qui s’appuie sur cet échange devient le baromètre d’authentification. On dit alors que, si une parole juste est d’or, l’expérience du sens de cette parole est d’une valeur inconcevable.

L’exigence d’une transmission orale remonte probablement à l’Inde ancienne alors que la mémoire humaine était considérée comme beaucoup plus fiable que l’écriture. Cette fiabilité s’associe à la notion de préservation, d’authenticité et de continuité de sens64. Aujourd’hui encore, l’authenticité de la traduction de textes fondamentaux comme le DhDhV exige parfois trois étapes préliminaires :

x l’étude qui doit inclure une transmission orale nommée « lung », puis l’apprentissage par cœur du texte et l’étude d’un commentaire ;

x la réflexion qui comporte des périodes de questions-réponses et de débats ainsi qu’une période indéterminée d’intégration ;

x la méditation est constituée de périodes de calme mental (sk. Ğamatha), et de vue imminente profonde (sk. vipaĞyanƗ). La méditation analytique peut se faire par la récitation du texte, par le rappel à l’esprit des points essentiels des commentaires et des instructions reçues, ainsi que par des périodes indéterminées d’intégration.

63 Le mot tibétain bsgyur ba correspond à la combinaison des termes sanskrits pari et nam qui signifie : changer,

tourner, plier.

64 Selon Nakamura (1980), il y a aussi une traduction japonaise de Yamaguchi d’une des versions du DhDhV

Pour illustrer ce processus, dans l’introduction de son commentaire, Mipham relate un récit d’une des traductions tibétaines du DhDhV :

Lorsque le traducteur Zhama Senge Gyaltsen demanda à traduire La distinction entre les phénomènes et la nature des phénomènes, le Paɕɇita [maître érudit] ne lui donna les pages qu’une à une. Afin de montrer l’extrême importance de ce texte, il dit ainsi : « Attention ! Prends garde ! Ce texte est précieux, sa transmission rare ; s’il venait à disparaître, c’est le corps même du vénérable Maitreya qui passerait dans le nirvÃɕa. » (voir chapitre 4 : 113).

Aux yeux des érudits, les textes marquent la présence des maîtres du passé. La transmission de maître à disciple vise la préservation d’un héritage, d’un patrimoine. Cet héritage de la famille bouddhique est constitué de biens matériels (les stnjpa, les lieux de pèlerinage, etc.), de textes (les canons), mais plus encore, il repose sur la capacité d’un texte à opérer une transformation chez un individu. Et puisque la signification d’un texte se déploie à travers la communication, on parle de tradition orale vivante. Ce travail minutieux des maîtres indiens et des traducteurs tibétains a permis d’assurer la continuité de transmission de nombreux textes bouddhiques jusqu’à nos jours. Cela est d’autant plus remarquable lorsqu’on constate que beaucoup des originaux sanskrits ont disparu et que certains d’entre eux n’ont été traduits en chinois que très récemment à partir du tibétain, comme c’est le cas du DhDhV65. Il semble donc utile à cette étape de la recherche de considérer l’histoire des traductions qui rendent cette recherche possible.

La nécessité de traduire ce texte et un de ses commentaires

La présente version tibétaine du DhDhV fut traduite du sanskrit au tibétain au XIe siècle sous la direction d’un maître indien, MahƗjana, par un de ses disciples, Senge Gyaltsen. Cette traduction fut préservée dans le canon tibétain. On trouve présentement une traduction originale en langue allemande (Mathes 1996) et quatre autres en langue anglaise (Cha 1996, Scott 2004, Robertson 2008 et Brunnhölzl 201266). Il n’en existe cependant aucune en langue française.

65 À l’exception d’une récente traduction.

La traduction de Mathes a la qualité de respecter, comme le permet la langue allemande, la technicité des concepts utilisés par la pensée philosophique bouddhique ; celle de Scott a la qualité de respecter la tradition en restant le plus près possible du texte original tibétain ; celles de Cha et de Robertson mettent en évidence le contexte philosophique et traditionnel. Celle de Brunnhölzl (2012) est plus actuelle, elle offre une terminologie contemporaine tout en correspondant à l’enseignement traditionnel de ce texte. Toutefois, malgré la rigueur de ces traductions, le texte reste difficilement compréhensible, même pour un public averti.

La présente recherche se propose donc de produire une version française aussi accessible que fidèle. Pour ce faire, les fragments sanskrits publiés par Mathes (1996) ainsi que les reconstitutions sanskrites du texte racine et du commentaire de Vasubandhu proposées par Phuntsok (1990) sont utilisés. Malgré certaines difficultés langagières, les reconstitutions offrent des pistes intéressantes de réflexion. Pour cette version française, le choix des termes s’oriente essentiellement vers l’aspect pratique du texte. On tente de mettre en lumière l’applicabilité d’un constat aussi déroutant que peut l’être celui de l’absence de fondement.

La tradition indo-tibétaine propose deux modèles de traduction : sgra ‘gyur et don ‘gyur, que Pettit (1999) désigne respectivement par canonical and interpretative (p. 187). Le premier modèle respecte la correspondance des termes (sgra), l’ordre des mots, la déclinaison, la syntaxe. Ces traductions sont des copies quasi conformes de textes sanskrits, si bien que la reconstitution des originaux sanskrits est possible. Les traductions interprétatives respectent davantage le sens (tib : don) des notions traduites et l’intelligence de la langue tibétaine. La plupart des traductions occidentales suivent ce deuxième modèle.

Dans le présent travail de traduction, la mise en contexte qui se présente souvent sous forme de clarification entre crochets répond au fait que, premièrement, le DhDhV a été composé à une époque particulière, il est imprégné d’informations linguistiques propres à cette époque ; deuxièmement, le commentaire de Mipham implique une interprétation particulière ; étant enseigné de manière traditionnelle à un public occidental depuis 1988 dans des centres bouddhiques en Europe et en Amérique du Nord, le langage utilisé doit être adapté à cette

nouvelle réalité ; et enfin, sa structure et son propos sont difficiles à cerner pour ce public contemporain occidental.

Ce texte n’est pas vu simplement comme un vestige du passé, ni simplement comme un reflet d’une communauté et d’une époque révolue, il est vu comme ayant encore quelque chose à apporter aux sociétés contemporaines. La question alors est de savoir ce qu’il a à dire et, dans ce discours, de déterminer ce qui appartient strictement à la communauté bouddhique et ce qui pourrait avoir un intérêt plus large. C’est donc dans un souci de compréhension rigoureuse du contexte dans lequel il a été composé, et dans un souci de répondre aux difficultés contemporaines que le DhDhV est vu ici comme lieu de communication, au sens où l’écriture permet une rencontre qui traverse les temps et les espaces. Cette communication implique des êtres vivants d’époques antérieures (auteur et commentateurs) et des êtres vivants actuellement (chercheurs et chercheuses, lecteurs et lectrices). On n’élimine pas non plus la possibilité que ce dialogue se poursuive éventuellement avec des êtres vivants dans un futur plus ou moins rapproché.

Mais pour qu’il y ait rencontre, on doit savoir s’il y a un terrain commun, c’est-à-dire des préoccupations communes. À mon avis, le terrain commun se situe en trois domaines de questionnements : les questions portant sur l’absence de fondement, les questions portant sur le processus de cognition et enfin les questions ayant trait à l’expérience vivante. On ajouterait qu’à travers les âges, il y a un autre terrain commun entre civilisations : la quête de sapience (la transformation profonde).

Mais le dialogue est difficile, des textes aussi condensés que le DhDhV sont quasiment indéchiffrables sans l’aide de commentaire. On propose donc une traduction du commentaire de Mipham (XIXe). Ce commentaire est, de loin, le plus enseigné dans les centres bouddhiques en Occident présentement. Pour mieux saisir sa perspective, il semble que des précisions s’imposent. C’est ce qu’on tentera de mettre en lumière dans l’examen minutieux.

La nécessité d’un examen minutieux

Devant le constat de vacuité, on est pris de court. Si tout est vide, à quoi peuvent servir l’effort, l’éthique, la réflexion ? À quoi peut servir la recherche de connaissance ? À quoi peut servir la méditation ? Quel peut être le rôle de la pensée rationnelle devant une réalité sans fondement, devant un constat déjà établi ? En ce sens, le constat de vacuité met en lumière un dilemme : soit que la réalité possède un fondement fixe et stable, soit qu’on tombe dans la confusion ou le nihilisme. On sait que le Buddha soulève une mise en garde contre ces deux extrêmes que sont l’éternalisme et le nihilisme. On suppose alors que des écrits, comme le DhDhV, nécessairement influencés par les PrajñƗpƗramitƗsnjtra, propose une autre option, voire une autre approche face à ce dilemme. On suppose même que le constat de vacuité dans le DhDhV est utilisé comme une porte qui permet à la fois de rompre avec un mode habituel de fonctionnement et de provoquer l’expérience transformatrice, l’Éveil. En somme, il y est question « d’opérativité » ou, comme le formule Bugault (2002), une question de « fonction » (p. 23).

Mais ces questions posent un problème, celui de la méthode. Selon Kapstein (2008), Droit (1999) ou Bugault (2002), l’histoire des études bouddhiques en contexte universitaire montre que les recherches universitaires, jusqu’à très récemment, ont eu tendance à mettre de l’avant les présupposés qui appartiennent davantage à la pensée « occidentale » qu’aux particularités de la pensée bouddhique. On insiste donc sur la nécessité de trouver des méthodes qui permettent à cette pensée bouddhique de se dévoiler67.

67 En études bouddhiques, Gomez (1995) dénombre quatre types de recherches universitaires : les recherches de

type philologique pour lequel les mots « sanskrit, pali, chinois, tibétain ou japonais » sont l’objet principal ; les recherches de type philosophique pour lequel le système « abhidharmique » traditionnel du bouddhisme est essentiel ; les recherches de type doctrinal pour lequel le concept de vérité est au cœur des débats ; les recherches de type historique qui se construit principalement sur une analyse logique d’éléments historiques recueillis dans les textes. Comme toute typologie, ces types ne soulignent que des tendances. Il n’est pas dit, par exemple, qu’une recherche de type philologique n’inclut pas des questions doctrinales ou historiques. La présente recherche fait peut-être exception à la règle. Même si elle utilise la philologie, c’est-à-dire qu’elle a pour objet la connaissance des civilisations passées et de leurs langues par l’étude des documents écrits, même si elle contient des éléments abhidharmiques, doctrinaux et historiques, elle s’apparente davantage à une étude littéraire qui se penche sur l’organisation du contenu.

Une méthode d’examen inspirée des travaux de Vasubandhu

Le choix de la méthode s’inspire de la lecture des travaux de Cabezón (1992), Faure (1998), de Droit (1999), de Bugault (2002) et de Kapstein (2008). Kapstein (2008) comme Cabezón (1992) insiste entre autres sur la nécessité d’utiliser des approches qui permettent à la pensée