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2. L’ATTRIBUTION DE LA COMPOSITION DU DhDhV À MAITREYA

2.4 Le débat sur l’attribution de la composition du DhDhV à Maitreya

L’attribution de la composition du texte à Maitreya, six cents ans après sa mort, est une question épineuse pour les spécialistes. En effet, comment formuler un discours raisonnable sur une activité terrestre après la mort physique de quelqu’un ? Et qui plus est, si cet auteur (futur buddha) n’est pas encore né ? Cette question, qui défie tous les repères de la pensée scientifique, ouvre des portes, on en convient, à des débats difficiles. En parcourant la littérature relative Maitreya en tant qu’auteur, on dénombre au moins six points de vue, énoncés au cours des cent dernières années. Il y a des points de vue évhémériste, positiviste, psychologique et sociologique. On examinera aussi les points de vue philologique et anthropologique (ou cognitiviste).

Chaque point de vue répond à une question formulée consciemment ou non. Chaque point de vue s’insère aussi dans un débat (ou une lutte) qu’il faudra tenter d’exposer. Il est à noter qu’aucune des positions énoncées n’est le fruit de recherches rigoureuses. Elles sont plutôt des réponses d’ordre secondaire, souvent trouvées en préface, en introduction, en bas de page, ou en annexe aux travaux des spécialistes. Seul le spécialiste japonais Ui (1929) fait de Maitreya, en tant qu’auteur, l’objet central d’un article. Mais, encore là, comme on le verra, il ne s’agit que d’un prétexte à l’exercice de datation d’une école de pensée.

Le point de vue évhémériste

En 1929, le Japonais Hakuju Ui publie un article intitulé Maitreya as a historical personnage. En s’inspirant du concept selon lequel les personnages mythologiques sont des êtres humains divinisés après leur mort, il écrit : « Maitreya, a worthy human philosopher,

wrote several works on his own idealism, and taught Asaɋga probably personally » (1929 : 100). Selon lui, il est évident que Maitreya est un personnage historique, qu’il est le maître d’Asaɋga. Pour écrire cet article, Ui ne se demande pas si Maitryea est l’auteur, il se demande plutôt si cet auteur est un être humain et il répond par l’affirmative.

Ui est un des premiers à énoncer une position sur la question de l’auteur. Il serait donc l’initiateur du débat sur l’attribution du texte à Maitreya. Il écrit :

I presume that scholars will generally believe with me in the historical existence of Maitreya; yet nobody from our side until to-day has set forth his opinion expressly on this point, and consequently the authorship of many a work assigned to Maitreya, or Asaɋga, is not quite settled. (1929 : 100)

Il est difficile de déterminer ce que Ui entend par « our side ». Il explique, plus loin dans son article, qu’il suppose que, derrière les propos de la tradition indo-tibétaine, se cachent des faits historiques. Tucci (1930), E. Frauwallner (1951) et R. Ynjki (dans Demiéville 1951) ainsi que d’autres chercheurs aborderont la question de Maitreya dans le même sens.

Notons aussi que, dans les années trente, pour distinguer ce personnage historique du bodhisattva Maitreya, on ajoute le terme sanskrit nƗtha qui signifie protecteur, seigneur, refuge. Les chercheurs indiens, comme M. Bagchi (date ? dans Limaye, 1992 : xi-xii) et S.V. Limaye (1992), attribuent certains des écrits de tendance yogƗcƗra à Maitreya, le bodhisattva, et d’autres à MaitreyanƗtha, l’être humain.

Cela dit, si Ui est le seul chercheur qui traite spécifiquement de la question de l’auteur, ce n’est que de façon secondaire. Ce qui préoccupe vraiment cet auteur, c’est la datation de la fondation de l’école YogƗcƗra : si Maitreya est un être humain, la fondation de l’école se situe cinquante ans avant la naissance d’Asaɋga.

Pourtant, en postulant que Maitreya est un être humain, Ui pose aussi « La » question fondamentale : qu’est-ce qui existe ? Et par conséquent, qu’est-ce qui n’existe pas ? Comme on se le rappellera, pour comprendre les fondements de la position des spécialistes

universitaires (pt. 38-40), selon Farouki (2008a – en ligne), il faut remonter jusqu’à Parménide. En ce sens, Ui établit comme point de départ que ce qui existe est Maitreya en tant qu’être humain, et du coup, élimine ce qui n’existe pas, le bodhisattva supra-mondain. Il procède alors au développement de son raisonnement sur une hypothèse de datation de l’école YogƗcƗra.

Pour les érudits bouddhistes, cette thèse relève d’un excès de logique, elle ne prend pas en compte l’expérience vivante. Selon eux, on ne peut réduire le récit à un seul niveau de lecture. L’exercice qui cherche à établir l’existence de quoi que ce soit est le propre d’une analyse relative ou conventionnelle. La position évhémériste que Ui croyait unanime est non seulement contestée par les érudits bouddhistes (pt. 47-48), mais aussi, comme on le verra, par les spécialistes universitaires.

Le point de vue positiviste

En 1911, Lévi attribue le MadhyƗntavibhƗga (MAV), un autre des cinq traités, à Asaɋga, et énonce que, selon ce dernier, Maitreya est l’inspiration de la composition (p.15). En 1935, dans la préface de sa traduction du Saɉdhinirmocanasnjtra, Lamotte fournit les précisions suivantes au sujet du corpus de texte dont le DhDhV fait partie : « Ces ouvrages sont l’œuvre d’un auteur unique, Asaɋga, écrivant seul ou sous l’inspiration du bodhisattva Maitreya » (p. 25). Il poursuit en disant que la théorie selon laquelle MaitreyanƗtha serait un être humain n’a pas reçu l’approbation des meilleurs chercheurs (i.e. L. de La Vallée Poussin et E. Obermiller). Lamotte sans le mentionner réfute ici la position de Ui.

Parallèlement, dans ce débat, Ruegg (1969) prend en compte les travaux du Tibétain Pawo Tsug (tib. dpa’ bo gtsug). Celui-ci estime que le séjour en TuɃita eut lieu sous le signe d’un adhiɅɃhƗna (tib. byin rlabs), terme que Ruegg traduit par résolution déterminante ou inspiration. Ruegg ne considère pourtant pas qu’Asaɋga soit l’auteur (p. 54-55). Quoi qu’il en soit, selon ces chercheurs, la question est de savoir si Maitreya a inspiré la composition du DhDhV.

Mais examinons cette position d’un peu plus près en se questionnant sur ce qu’on entend par la composition d’un texte. Est-il question de la mise par écrit ou considère-t-on aussi l’élaboration des concepts ? Si on entend la mise par écrit du DhDhV, la tradition bouddhique considère aussi qu’Asaɋga a mis le texte par écrit (sur feuille de palme ou écorce de bouleau à cette époque en Inde). Par contre, si on entend que la composition concerne l’élaboration de concepts, on doit ici considérer que les concepts s’élaborent dans un environnement intellectuel particulier et dans une communauté particulière114. Et si on analyse ce processus chez un individu sans nécessairement considérer son environnement, la composition d’un texte implique l’ensemble de l’activité mentale associant des termes à un sens. D’un point de vue bouddhique, ce processus est impersonnel et interdépendant. NƗgƗrjuna n’écrit-il pas : « Si l’on pose un agent réel, il est sans activité. Y aurait-il donc un agent sans acte ? Si l’on pose un acte réel, il est sans agent. Y aurait-il donc un acte sans agent ? » (IIe siècle, dans Bugault, 2002 : 119). Difficile alors pour une personne de s’identifier en tant qu’auteur. En cela, l’attribution traditionnelle de la composition du DhDhV se confronte ici à plusieurs problèmes, dont les notions modernes d’une individualité au sens strict, de propriété privée et de droit d’auteur115.

Cela dit, lorsque les spécialistes parlent d’inspiration, ils font davantage référence à l’influence provenant d’entités extérieures au monde présent qu’à l’influence d’une interprétation philosophique. En ce sens, Ruegg (1969) suggère plutôt qu’il est plausible de penser qu’Asaɋga se soit inspiré, au moins dans certains cas, de matériaux plus anciens (p.54). D’un point de vue bouddhique, l’inspiration implique inévitablement une lignée de transmission et une lignée de transmission implique toute la vie de l’esprit. Cette attribution prend donc compte du domaine de l’expérience vivante beaucoup plus vaste et beaucoup plus difficilement vérifiable. Quoi qu’il en soit, la position de Lévi et de Lamotte reste vague sur la question (de l’existence) du bodhisattva Maitreya. Et c’est justement ce point que Demiéville tente d’expliquer.

114 En contexte universitaire, les sciences cognitives cherchent aussi à éclaircir les mystères de cette capacité à

comprendre, à formuler, à associer un sens à un symbole. La linguistique, par exemple, met en lumière le processus de symbolisation qu’exigent toutes formes de discours, mais là n’est pas l’objet de ce travail. Toutefois, l’impersonnalité n’y est pas un objet de débat.

115 Gauchet (1985) observe que, dans nos sociétés actuelles, l’individualisation est de plus en plus marquée, et

Le point de vue psychologique

En 1930, La Vallée Poussin s’appuie sur un passage de l’AA-loka pour soutenir l’intervention de bodhisattva dans la composition du DhDhV (p. 14). De même, Demiéville, en 1951, se positionne contre le point de vue de Ui, Tucci et Frauwallner. Il écrit : « c’est par une surprenante méconnaissance des données les plus élémentaires de la psychologie religieuse (et littéraire), aussi bien que de la notion d’historicité, qu’on ait voulu faire de Maitreya un "personnage historique" » (p. 381). La question pour ces chercheurs concerne donc la relation que l’on peut établir entre Maitreya et Asaɋga.

R. Hatani (dans Demiéville 1951) et Rahula (1971) formulent des questions semblables, alors que Nattier, en 1988, aborde ce problème dans le sens d’une rencontre mystique. Demiéville (1951) soutient l’idée de la « psychologie religieuse » en dressant une liste de comparaisons d’expériences mystiques dans les contextes islamique, chrétien et taoïste. Pour Demiéville (1951), l’expérience mystique correspond à une psychologie particulière. Il y a bien là matière à réflexion, mais il faut aussi savoir placer le discours dans son contexte (p. 381).

Au premier abord, la notion d’inspiration divine, d’être céleste, évoque une relation de verticalité, qui place, par exemple, Dieu et les anges au ciel, les hommes et femmes sur terre. Cette verticalité qui, soit dit en passant, est elle-même relativisée dans le christianisme, se trouve bien dans le récit de la composition du DhDhV. En effet, on parle du ciel de TuɃita. Il n’y a aucun doute que, dans l’anthropologie traditionnelle indienne et bouddhique, cette notion de verticalité est présente, toutefois, dans la cosmologie bouddhique, le ciel de TuɃita est aussi considéré comme un mode de cognition, c’est-à-dire comme un état d’esprit. Dans cette perspective, il faut prendre en compte le rapport de dépendance entre ce qui apparaît (TuɃita) et l’esprit qui perçoit (l’individu Maitreya) et cela, dès les écoles les plus anciennes.

Cela dit, l’idée de psychologie religieuse peut peut-être mieux se comprendre sous l’angle du modèle d’explication de Kitagawa (1988) qui distingue trois niveaux de sens dans le discours sur Maitreya : theos, mythos et logos. Il entend par theos, le domaine de l’expérience sacrée ; par mythos, la narration qui est utilisée pour communiquer cette expérience ; et par logos, le discours que les philosophes et les théologiens tirent du mythos (p. 19). Cette approche lui permet aussi de tisser des correspondances entre diverses traditions.

En considérant le modèle de Kitagawa, l’expérience d’Asaɋga correspondrait au theos (expérience sacrée), le récit, au mythos et les discours incluant les débats au logos. Toutefois, l’idée de sacré116 mérite ici quelques éclaircissements. Dans le contexte bouddhique, l’expérience spirituelle ne se comprend pas en un rapport au divin, mais en un rapport au développement de ĞƯla, samƗdhi et, plus particulièrement ici, du développement de la prajñà dont la compassion fait partie. L’utilisation du terme « sacré » ici se comprend au sens de propice, bénéfique, voire même efficace. Une mise en contexte est donc requise.

En cela, on pose une mise en garde face au modèle que propose Kitagawa (successeur d’Eliade à Chicago) issu d’un contexte théiste. Dans la tradition universitaire, il y a d’autres modèles qui sont issus d’un contexte athée (ex. suivant la pensée de Schopenhauer). Le bouddhisme, quant à lui, n’est ni tout à fait l’un, ni tout à fait l’autre. Dans cette tradition, les modèles d’explication privilégiés s’inspirent plutôt du principe de causalité. Le modèle plus utilisé comporte aussi trois niveaux : la base (tib. gzhi), le chemin (tib. lam), et le résultat (tib. ‘bras bu). Un modèle tellement large qu’il peut s’appliquer à toute situation d’apprentissage.

116 Le terme « sacré » signifie littéralement ce qui est mis à part [pour Dieu]. Dans son livre intitulé Sur la

piste des dieux, Couture (1990) souligne qu’en Inde, on ne retrouve pas la paire sacré vs profane, mais plutôt la paire pur vs impur, propice vs défavorable, ou encore la paire ordre vs désordre. Pour plus de détails voir aussi « De l’abus du sacré dans l’étude des religions de l’Inde » [en ligne] http://www.enseignerͲ ecr.org/ressources/enjeuxͲetͲperspectives.aspx.En contexte bouddhique, l’utilisation du terme « sacré » est donc issue d’un métissage (Occident-Indien), c’est-à-dire d’un phénomène d’acculturation. Notons toutefois que son utilisation est tellement fréquente, qu’elle doit alors se comprendre au sens de « ce qui est propice, bénéfique, infiniment respectable ».

D’un point de vue de la compréhension spirituelle, ce modèle est utilisé principalement pour donner des pistes sur la voie. Par exemple, dans le cas du récit de la composition du DhDhV, on peut dire qu’Asaɋga correspond à la base. C’est le potentiel de l’esprit humain, la capacité de se transformer. C’est l’effort (les douze années de retraite) qui permet d’accumuler des causes et conditions favorables. Dans ce récit, la vue et la méthode correspondent aussi à la base. La vue est illustrée par les PrajñƗpƗramitƗsnjtra, textes sur lesquels se penche Asaɋga avant de recevoir les cinq traités. La méthode est illustrée par la méditation. À cela s’ajoute le développement de la compassion (interaction avec le chien et les vers).

Le chemin, quant à lui, est illustré par l’état de bodhisattva de Maitreya. Avec la progression en dix terres (pt. 566-567), un bodhisattva se voue au dépassement de soi. Pour ce faire, il développe l’éthique, la détermination, la concentration, l’intelligence première, les moyens habiles, etc. La méthode utilisée est toujours la même : la méditation. Le résultat est illustré par l’état de buddha ; c’est l’aboutissement du chemin atteint inévitablement (prédiction), un état d’expérience inconcevable, la pleine maturation du potentiel de l’esprit nommée l’Éveil, l’état de buddha.

Cela dit, les modèles sont facilement interchangeables. La communauté d’érudits bouddhistes utilise couramment les concordances qu’elle trouve entre son propre discours et celui d’autres traditions, et cela depuis des siècles. Comme le suggère l’utilisation fréquente du mot « sacré » en contexte bouddhique contemporain, les concordances sont considérées comme des moyens, tout comme le sont les récits ou la pratique de la méditation117. C’est pourquoi les érudits trouvent certainement des parallèles intéressants entre le récit et l’hypothèse de la dimension psychologique proposée par Demiéville (1951 : 381).

Mais peut-on vraiment réduire Maitreya à une dimension psychologique ? À cette question, les érudits ont au moins deux réponses. Certains disent non ! Puisque Maitreya est un

117Par exemple, les effets de la visualisation du Bouddha ou d’un bodhisattva (qui semble avoir fait partie de

la pratique d’Asaɋga) sont des moyens qui visent le développement de qualités propices et l’élimination d’attitudes néfastes au cheminement.

bodhisattva de la dixième terre, il n’est pas un produit de l’imagination. La présence de Maitreya dans les textes les plus anciens fait autorité. D’autres répondent par une nuance. Du point de vue de l’école YogÁcÁra, dont Asaɋga est le représentant le plus connu, on dit que « tout est consciences118 », peu importe la réalité du référent dit « extérieur ». Pour mieux comprendre la nuance, disons que, dans tout processus de perception, il y a les informations que procure le domaine sensoriel (les consciences des sens) et il y a la conscience mentale qui organise ces données pour produire une idée générale. On peut donc dire que l’impression que provoque Maitreya sur Asaɋga fait partie du propre processus cognitif de ce dernier119. Dans cette analyse, toutefois, ce qui est surprenant, c’est que l’idée que « tout est consciences » ne réfute pas d’emblée l’attribution de la composition à Maitreya (extérieur à la conscience d’Asaɋga). L’école « tout est conscience » ne soutient pas que pour le sujet la seule réalité est lui-même (solipsisme), elle soutient fermement que le processus cognitif doit être considéré sérieusement dans toutes situations.

Encore là, il est évident que les propos de Demiéville (1951) sur la psychologie religieuse ne se situent pas dans ce type de débat philosophique. Demiéville (1951) lutte contre ce qu’il nomme la « manie historiciste » de son temps. Notons aussi que, durant les années cinquante, l’influence de la psychologie prend une place grandissante dans les milieux scientifiques. La position de Demiéville (1951), qui interprète l’expérience mystique en termes psychologiques, reflète donc le contexte de son époque. Certains chercheurs, à sa suite, verront éventuellement l’anthropologie bouddhique comme une « méthodologie

118 J’insiste pour mettre le terme conscience au pluriel pour souligner qu’en contexte bouddhique, il y a

plusieurs consciences : cinq consciences sensorielles, une conscience mentale. À cela s’ajoute, en contexte CittamƗtra, la conscience souillée (croyance en un « moi ») et la conscience fondamentale (entrepôt des semences). Les chapitres qui suivent amènent une réflexion à ce sujet.

119 Il est intéressant de constater que le développement de la phénoménologie en « Occident » (ou en

« Eurasia », comme le propose Lancaster), correspond à une période de traduction des textes indiens en langues européennes (voir chapitre 5, dans la section portant sur le terme dharma : 233). Mais, on note aussi que cette notion d’idée générale (tib. don spyi) trouve une certaine correspondance avec la notion de « statut » élaborée par Abélard (1079 - 1142).

psychosomatique »120. Toutefois, une chose est certaine, la question de l’auteur est liée aussi à la légitimation de l’école YogÁcÁra.

Le point de vue sociologique et légitimateur

En 1903, David Rhys écrit qu’à l’époque d’Asaɋga, un auteur ne signe pas personnellement ses œuvres (p. 179). Suivant cette logique, Obermiller (1931) s’oppose à la théorie d’Ui en faisant le parallèle entre NƗgƗrjuna, inspiré par MañjuĞri, et Asaɋga, inspiré par Maitreya. Il écrit à ce sujet :

The teacher NƗgƗrjuna, having been inspired by the Bodhisatva MañjuĞri, has laid the foundation to the MƗdhyamika system in accordance with the AkɅayamati-nirdeĞa- snjtra. The same has been done by the teacher AryƗsƗɋga in regard of the YogƗcƗra system through the inspiration of Maitreya and on the basis of the Saɋdhi- nirmocana-sĭtra (p. 92)

Il poursuit de la façon suivante

This might simply be interpreted in the sense that ÀryƗsaɋga and no other was the actual author of the 5 works. As the latter represent the foundation of the exegetical literature connected with the new conception of Buddhism, it is quite natural that the adherents of the conceptions ascribed 5 treatises a divine, supra mundane origin (p. 93).

Ces citations suggèrent qu’Obermiller tente de répondre non pas à la question de l’auteur en elle-même, mais plutôt à la question de l’émergence de la pensée YogÁcÁra. L’appel à Maitreya en tant qu’auteur sert-il à légitimer un courant de pensée ? Selon Obermiller, il y a effectivement un lien de légitimité entre l’attribution des cinq traités à Maitreya et l’émergence de l’école YogƗcƗra. Edward Conze (1968) est aussi d’avis que Maitreya, en tant qu’auteur, permet à l’école YogƗcƗra de prendre son essor (229-242).

On se rappelle peut-être que l’école la plus répandue à l’époque d’Asaɋga est celle des VaibhƗɃika121, une école du HënayƗna (Petit Véhicule ou Véhicule Individuel). Les

120 Cette expression fut utilisée par Alexandra David-Neel et reprise par quelques chercheurs. On note aussi à

titre d’information, que dans les travaux de spécialistes comme Varela (1993) Rosch (1992), le