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Comme montré dans les paragraphes précédents, la compensation per-opé-ratoire du brain-shift est un sujet très étudié mais également non résolu. Partant de ce constat,l’objectif de cette thèse est de proposer une nouvelle méthode de compensation prenant en compte les limitations actuelles de la littérature. En particulier, celle-ci devra satisfaire trois critères essentiels :

intégrabilité: l’acquisition des données per-opératoires doit être facilement intégrable dans le flux de travail chirurgical. Celle-ci doit notamment limiter l’ajout de dispositifs et d’outils externes ainsi que l’augmentation du temps et du coût de l’intervention.

pertinence: la méthode de compensation (i.e.recalage) doit être pertinente en terme de temps d’exécution et aussi automatique que possible. Ce critère est valide pour toutes les étapes de la méthode proposée, incluant les pré-traitements des données ainsi que les calculs per-opératoires.

validation: la précision et la robustesse de la méthode doivent évidemment avoir été validées sur des cas cliniques dont les données ont été acquises dans des conditions correspondant aux conditions chirurgicales réelles.

Le but de ce manuscrit est donc de proposer une méthode de compensation du brain-shift, utilisable tout le long de la procédure clinique, répondant à l’ensemble des critères énoncés ci-dessus.

Dans les paragraphes suivants, les grands choix techniques réalisés pour par-venir à ce but sont présentés avant de décrire brièvement la méthode proposée.

1.5.1 Grands choix techniques

Pour rappel, les méthodes de compensation du brain-shift reposent sur l’ac-quisition de données per-opératoires. Ces données sont ensuite recalées avec l’IRM pré-opératoires afin de fournir au chirurgien des images navigables de bonne qualité, correspondant à la configuration actuelle du cerveau du patient. Deux grands choix techniques sont alors cruciaux : le type des données acquises pendant l’opération ainsi que la méthode générale de recalage utilisée. Cette partie détaille et justifie les choix réalisés dans ce manuscrit.

Tout d’abord, nous avons choisi d’acquérir desimages per-opératoires échogra-phiques. Comme évoqué dans le paragraphe 1.3.3, ces images médicales permettent de visualiser des informations dans toute la région de la tumeur, au niveau de la surface corticale mais également en profondeur dans les tissus. De plus, à l’inverse des autres systèmes d’imagerie, un échographe est un système léger, peu cher, com-patible avec les autres équipements cliniques et déjà disponible dans la plupart des blocs opératoires. Pour finir, acquérir des images échographiques ne nécessite de changements importants ni dans la salle d’opération ni dans le protocole clinique ni de la durée de la chirurgie. Ainsi, tandis qu’une procédure d’ablation de tumeur cérébrale est une intervention longue nécessitant plusieurs d’heures, seulement quelques minutes sont nécessaires pour acquérir de telles images.

Ensuite, la méthode de recalage IRM/échographie proposée dans cette thèse repose sur la simulation d’un modèle biomécanique de cerveau. Ce modèle biomé-canique est alors déformé à partir d’éléments caractéristiques extraits des images médicales (dans notre cas les vaisseaux et la surface corticale). Le champs de défor-mation généré est ensuite utilisé pour mettre à jour les images IRM pré-opératoires. L’utilisation d’un modèle biomécanique comme outil de recalage présente plusieurs avantages. D’une part, la déformation résultante est obtenue à partir d’une énergie paramétrée par des grandeurs physiques. D’autre part, des informations anatomiques peuvent être facilement prises en compte sous forme de conditions aux limites. En effet, tandis que certaines zones du cerveau seront fixées, des contacts glissant

Fig. 1.11.:Méthode CRANIC de compensation du brain-shift

seront modélisés entre l’organe et la dure-mère. Pour finir, comme montré dans la littérature, la simulation biomécanique a été prouvée efficace à plusieurs reprises (voir Tableau 1.1) pour retrouver les déformations globales de l’organe à partir de

déplacements localisés et clairsemés.

1.5.2 Description de la méthode proposée

La méthode de compensation du brain-shift CRANIC (de l’anglais CRANiotomy-Induced brain-shift Compensation) proposée dans cette thèse est synthétisée Fi-gure 1.11. Elle comprend des étapes pré- et per-opératoires, brièvement décrites dans les paragraphes suivants.

Avant l’opération, un modèle anatomique patient-spécifique du cerveau est construit à partir des images pré-opératoires. Ces images étant la plupart du temps ac-quises un jour avant la procédure chirurgicale, plusieurs heures sont alors disponibles

pour construire ce modèle. Cependant, ce processus doit être le plus automatique possible.

Segmentation et maillage des tissus mous : Les tissus mous du cerveau sont segmentés à partir de l’IRM pré-opératoire de manière semi-automatique. Plusieurs maillages sont alors extraits de ces volumes de segmentation qui serviront à calculer les déformations biomécaniques du cerveau et/ou les contacts avec les structures anatomiques environnantes.

Détermination des conditions aux limites: Les conditions aux limites telles que les contacts avec la dure-mère (incluant la faux du cerveau et la tente du cervelet) sont déterminées de manière automatique à partir des volumes de segmentation extraits à l’étape précédente. Pour la simulation, elles sont ensuite transférées aux différents maillages de cerveau.

Segmentation et squelettisation des vaisseaux: Les vaisseaux autour de la tumeur sont extraits automatiquement à partir de l’ARM acquis avant l’opéra-tion.

Pendant l’opération et après l’ouverture du crâne et de la dure-mère, des images échographiques sont acquises avec une sonde 2D localisée directement au contact des tissus [Rei+14]. Un balayage de la région de l’organe exposée par la craniectomie est alors réalisé. Les signaux Power Doppler et mode B sont enregistrés de manière simultanée. Une unique acquisition échographique est donc nécessaire pour obtenir toutes les données per-opératoires. Des volumes 3D sont ensuite reconstruits à partir des images 2D Doppler et mode B. Afin d’être compatible avec un processus chirurgical, tous les traitements découlant de ces images et visant à corriger le brain-shift observé doivent être rapides et limiter les interactions avec les utilisateurs.

Segmentation et squelettisation des vaisseaux: Les vaisseaux sont extraits automatiquement à partir des images échographiques Doppler per-opératoires. Extraction de l’empreinte de la sonde échographique: L’empreinte de la

sonde échographique est extraite de manière automatique des images mode B acquises pendant l’opération.

Simulation biomécanique sous contraintes: Pendant la simulation biomé-canique, des contraintes de déplacement sont appliquées sur le cerveau afin de modéliser les contacts avec la dure-mère, de recaler les arbres vasculaires pré-et per-opératoires pré-et de contraindre la surface corticale avec l’empreinte de la sonde échographique. Les déformations des vaisseaux autour de la tumeur et de la surface de l’organe exposée par la craniectomie sont alors transférées aux tissus mous.

Mise à jour de l’examen IRM pré-opératoire : Les images IRM pré-opéra-toires sont finalement mises à jour en utilisant les déformations du modèle biomécanique, dans le but de fournir au chirurgien des images IRM navigables correspondant à la configuration actuelle du cerveau du patient.

Pendant la résection, le cerveau continue de se déformer. Il est donc nécessaire de mettre à jour les IRM tout au long de la chirurgie. Des images échographiques sont alors acquises à différents moments de la résection puis recalées avec l’examen pré-opératoire suivant le processus décrit dans le paragraphe précédent. Cepen-dant, dans le cas de tumeurs profondes, le chirurgien doit créer une voie d’accès transcorticale ou le long d’un sillon (i.e.écarter les tissus sains) afin d’atteindre les tissus malades. Cela engendre alors des déformations latérales que notre modèle ne parvient pas à prendre en compte. La méthode CRANIC décrite précédemment a donc été adaptée pour devenir la méthode RETIC (de l’anglaisRETraction-Induced brain-shift Compensation), nécessitant deux étapes supplémentaires :

Définition du planning chirurgical: Avant l’opération, le chirurgien indique dans l’examen IRM pré-opératoire la trajectoire chirurgicale (i.e.la trajectoire d’accès jusqu’à la tumeur) au moyen d’un trait à main levée. Ce dernier est ensuite converti en un ensemble de points.

Segmentation de la cavité réséquée: Pendant l’opération, la cavité réséquée est segmentée manuellement dans les images échographiques mode B per-opératoires.

Pendant la simulation biomécanique, la trajectoire chirurgicale est contrainte à l’intérieur de la cavité réséquée. Cette information de recalage supplémentaire permet de trouver de meilleurs appariements lors du recalage des vaisseaux et ainsi de compenser efficacement le brain-shift même pendant la résection de tumeurs profondes.