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L'un des enjeux majeurs de la recherche anti-cancéreuse est de développer de nouvelles thérapies en direction des tumeurs réfractaires aux traitements conventionnels. Dans ce contexte, l’identification récente de l'activité PPARγ-indépendante des thiazolidinediones ouvre de nouvelles perspectives. En effet, à partir de ces composés, on peut envisager la synthèse de dérivés n’activant pas PPARγavec des modifications structurales qui augmentent leur action anti-cancéreuse tout en diminuant leur toxicité hépatique. Le laboratoire s’intéresse ainsi à la compréhension des mécanismes impliqués dans les effets anti-cancéreux des TZD ainsi qu’au développement de nouveaux dérivés plus actifs et moins toxiques. En 2008, il a montré que certains composés de la famille des TZD induisent une dégradation protéasome-dépendante du récepteur α aux œstrogènes de manière PPARγ -indépendante (Lecomte J., et al. 2008). A partir de ces données, les objectifs de ma thèse ont été i) de mieux comprendre les mécanismes PPARγ-indépendants mis en jeu dans l’effet anti-cancéreux des TZD ii) de participer à l’étude de nouveaux composés moins toxiques et plus efficaces à inhiber la prolifération des cellules cancéreuses mammaires. Pour effectuer ces travaux, la synthèse de l’ensemble des molécules a été réalisée dans le cadre d’une collaboration avec une équipe de chimiste de l’UMR 7565 CNRS UL (Dr. Michel Boisbrun, Groupe S.U.C.R.E.S.). Pour l’aspect biologique, deux modèles cellulaires de cancers mammaires ont été utilisés : une première lignée hormono-dépendante MCF-7 et une seconde lignée hormono-inhormono-dépendante MDA-MB-231.

La première partie de mon travail a consisté à mieux comprendre les mécanismes impliqués dans l’action PPARγ-indépendante de la ∆2-TGZ. Pour cela, nous avons ajouté un groupement biotine à la

∆2-TGZ puisqu’il a été décrit que la biotinylation des composés permet d’augmenter leur incorporation dans les cellules par un récepteur spécifique à la biotine. Nous nous sommes ensuite interessés aux mécanismes de mort cellulaire impliqués dans l’effet anti-prolifératif PPARγ -indépendant des TZD. Nous avons notamment étudié l’effet de la ∆2-TGZ sur les voies de signalisation du stress du réticulum endoplasmique et de l’apoptose. Cette dernière partie a été réalisée en collaboration avec le laboratoire Luxembourgeois du Dr. Diederich. Enfin, nous avons étudié l’effet de la biotinylation du ligand naturel PGJ2. Nous avons aussi étudié l’effet de la 15d-PGJ2 biotinylée sur le stress du réticulum et l’apoptose des cellules cancéreuses mammaires. L’ensemble de ce travail a conduit à une publication acceptée (Colin C., et al. Breast Cancer Research and Treatment, 2010), une soumise et une en préparation.

La deuxième partie de mon travail a porté sur l’étude de la relation structure-activité de nouveaux dérivés de la TGZ. L’effet anti-prolifératif de ces différents composés ont été étudiés sur nos deux lignées cellulaires. En parallèle, des études d’hépatotoxicité ont été réalisées par la société Kaly-Cell à Besançon. Nous avons ainsi mis en évidence de nouveaux composés plus efficaces sur l’inhibition de la prolifération des cellules cancéreuses mammaires et moins cytotoxiques. Ces travaux ont donné lieu à deux publications de chimie dont une acceptée (Salamone S., et al. European Journal of Medicinal Chemistry, 2012) et une soumise.

Les résultats obtenus au cours de la thèse sont présentés sous forme d’articles. Chaque article est précédé d’une introduction brève situant les principales données bibliographiques et les principaux résultats obtenus. Enfin, ces résultats sont discutés dans une dernière partie « Discussion et Perspectives ».

Chapitre 2

Résultats

I.Compréhension des mécanismes PPARγγγγ-indépendants 1.Effet de la biotinylation de la ∆∆∆∆2-TGZ

a.Introduction

Les recherches pré-cliniques montrent que les thiazolidinediones (TZD) présentent in vitro un fort potentiel pour le traitement des cancers mammaires (Fenner MH., et al. 2005 ; Blanquicett C., et al. 2008). Cependant, leur faible indice thérapeutique dans le traitement de cette maladie nécessite l'utilisation de molécules à effet plus ciblé. Depuis quelques années, un nombre croissant d’études a montré que l’effet anti-cancéreux de ces composés ne nécessite pas l’activation du récepteur PPARγ

(Weng JR., et al. 2006). L’implication de PPARγ a été écartée par différentes techniques : l’utilisation d’antagoniste de PPARγ, la transfection d’un dominant négatif de PPARγ, l’interférence ARN ciblant PPARγ et l’utilisation de la ∆2-TGZ, une molécule dérivée de la TGZ n’activant pas le récepteur PPARγ

(Clay CE., et al. 2002 ; Shiau CW., et al. 2005 ; Lecomte J., et al. 2008). Ce composé ∆2-TGZ a été obtenu par l’introduction d’une double liaison accolée au cycle thiazolidinedione ce qui rigidifie sa structure et l’empêche d’activer PPARγ (Shiau CW., et al. 2005). Ceci a été vérifié par transfection en utilisant un gène rapporteur contenant un élément de réponse PPRE. Au laboratoire, il a été démontré sur deux lignées hormono-dépendantes MCF-7 et ZR-75 que la ∆2-TGZ induit une dégradation protéasome-dépendante du récepteur ERα de manière PPARγ-indépendante (Lecomte J., et al. 2008). De plus, sur des cellules cancéreuses de prostate, la ∆2-TGZ ainsi que la ∆2-CGZ induisent la dégradation protéasome-dépendante de la cycline D1 de manière PPARγ-indépendante (Huang JW., et al. 2005). Par ailleurs, ils ont observé que les composés ∆2 sont plus efficaces sur l’inhibition de la prolifération cellulaire et la dégradation de la protéine cycline D1 que les composés parents. Néanmoins, les doses de composés sont encore élevées puisque la dégradation de la cycline D1 est obtenue pour une dose de 30µM de ∆2-TGZ ou ∆2-CGZ (Huang JW., et al. 2005).

New troglitazone derivatives devoid of PPARγγγγ agonist activity display an increased anti-proliferative effect in both hormone-dependent and hormone-independent breast cancer cell lines.

Christelle Colin, Stéphane Salamone, Isabelle Grillier-Vuissoz, Michel Boisbrun, Sandra Kuntz, Julie Lecomte, Yves Chapleur, Stéphane Flament. Breast Cancer Research and Treatment, 124(1):101-10, 2010.

Figure 33 : Effet de la b∆∆∆∆2-TGZ sur les cellules MCF-7 et MDA-MB-231. A. Structure de la molécule b∆2-TGZ. La biotine est ajoutée sur le phénol du cycle chromane (entouré en bleu). B. Mesure de la prolifération des cellules MCF-7 et MDA-MB-231 traitées à la b∆2-TGZ. La prolifération a été mesurée après 24 heures de traitement avec des doses croissantes de ∆2-TGZ et b∆2-TGZ. On observe une diminution dose-dépendante de la prolifération des cellules MCF-7 et MDA-MB-231 en présence des deux composés. La b∆2-TGZ a une efficacité plus accrue avec des EC50 significativement plus faible de 11,3±1,8µM et 3,4±0,1µM pour les cellules MCF-7 et MDA-MB-231 respectivement. Les EC50 sont de 29,7±2µM et de 16,6±0,9µM pour la ∆2-TGZ. C. Etude de l’expression de la cycline D1 par western blot dans les cellules MDA-MB-231 traitées à la b∆2-TGZ. Après 24 heures, une diminution du taux de la protéine cycline D1 est détectée dès une dose de 3µM de b∆2-TGZ. Cette dégradation est protéasome-dépendante puisque l’epoxomycin, un inhibiteur du protéasome, bloque la protéolyse de cette protéine. D. Etude de l’expression de l’ERα par western blot dans les cellules MCF-7 traitées à la b∆2-TGZ. Après 24 heures, une diminution du taux de la protéine ERα est détectée dès une dose de 5µM de b∆2-TGZ. Cette dégradation est protéasome-dépendante puisque l’epoxomycin bloque la protéolyse de cette protéine.

Il a été décrit récemment que l’ajout d’un groupement biotine sur des molécules transporteuses permet d’augmenter l’incorporation de composés anti-cancéreux dans les cellules tumorales (Russell-Jones G., et al. 2004 ; Yang W., et al. 2009). En effet, la biotine appartient à la famille des vitamines (vitamine H) dont l’un des rôles est d’induire la prolifération cellulaire. Dans les cellules cancéreuses, le récepteur à la biotine est plus fortement exprimé comparé aux tissus sains. Il est localisé à la membrane plasmique. Le ciblage des molécules d’intérêts par l’ajout d’un groupement biotine permettrait d’augmenter leur incorporation dans les cellules cancéreuses. Dans cette optique, un groupement biotine a été ajouté sur la ∆2-TGZ au niveau du groupe hydroxyle du cycle chromane (Figure 33A). Nous avons ensuite étudié l’effet de la biotinylation de la ∆2-TGZ (b∆2-TGZ) sur les cellules cancéreuses mammaires hormono-dépendantes (MCF-7) et hormono-indépendantes (MDA-MB-231).

b.Principaux résultats

Dans un premier temps, nous avons analysé l’effet de la TGZ et ∆2-TGZ sur la prolifération de nos deux lignées cancéreuses mammaires MCF-7 et MDA-MB-231 et déterminé les EC50. Après 24 heures de traitement, nous avons observé une diminution dose-dépendante de la prolifération des cellules en réponse à la ∆2-TGZ. Les cellules MDA-MB-231 apparaissent plus sensibles que les cellules MCF-7 : après 24 heures de traitement à la ∆2-TGZ, les EC50 sont de 29,7±2µM et de 16,6±0,9µM pour les MCF-7 et MDA-MB-231 respectivement. Cette inhibition de prolifération n’est pas différente du composé parent TGZ pour les cellules MDA-MB-231 avec une EC50 de 15,8±0,3µM. Par contre, l’effet anti-prolifératif de la ∆2-TGZ est significativement plus fort que la TGZ sur les cellules MCF-7 avec une EC50 de 35,4±1,3µM pour la TGZ.

Dans un deuxième temps, nous avons étudié l’effet de notre nouveau composé ∆2-TGZ biotinylé (b∆2-TGZ) sur la prolifération de nos deux lignées cellulaires. Ce composé montre une efficacité accrue sur l’inhibition de la prolifération avec des EC50 significativement plus faible de 11,3±1,8µM et 3,4±0,1µM pour les cellules MCF-7 et MDA-MB-231 respectivement (Figure 33B). L’action PPARγ -indépendante de la b∆2-TGZ a été vérifiée par transfection d’un vecteur d’expression pPPRE3tk-luc dans les cellules MCF-7 démontrant que la biotinylation ne modifie pas les propriétés de la molécule d’origine ∆2-TGZ. Par ailleurs, la molécule b∆2-TGZ induit la dégradation de la cycline D1. Dans les cellules MCF-7, la b∆2-TGZ diminue le niveau de cycline D1 dès une dose de 5µM et le signal disparait complètement à 25µM. Dans les cellules MDA-MB-231 qui sont plus sensibles à la b∆2-TGZ, la cycline D1 est complètement protéolysée dès une dose de 3µM qui correspond à EC50 (Figure 33C). Cette

Figure 34 : Rôle de la biotine dans l’inhibition de la prolifération de la b∆∆∆∆2-TGZ. A. Test de compétition de b∆2-TGZ vs biotine libre. Les cellules MCF-7 et MDA-MB-231 ont été traitées avec 0, 5, 10, 25µM de b∆2-TGZ en présence ou non de biotine libre (0, 5 et 25µM). La prolifération cellulaire a été mesurée après 24 heures de traitement. On observe que l’ajout de biotine libre ne modifie pas l’inhibition de prolifération induite par la b∆2-TGZ. B. Etude de trois nouveaux dérivés sur la prolifération des cellules MCF-7 et MDA-MB-231. Trois nouveaux dérivés ont été synthétisés. Ils présentent une substitution (R) au niveau de l’hydroxyle terminal porté par le cycle chromane. Cette substitution se situe à la même position que le groupement biotine de la b∆2-TGZ. Ces trois composés sont aussi actifs que la b∆2-TGZ pour inhiber la prolifération des cellules. Dans les cellules MCF-7, les EC50 pour les composés 1, 2 et 3 sont respectivement de 7,7µM, 13µM et 3,2µM. Dans les cellules MDA-MB-231, les EC50 pour les composés 1, 2 et 3 sont respectivement de 3,3µM, 3,2µM et 5µM.

dégradation est protéasome-dépendante puisque l’epoxomycine, un inhibiteur du protéasome, bloque la protéolyse de la cycline D1 dans les deux lignées cellulaires (Figure 33C).

La dégradation du récepteur ERα en réponse à la b∆2-TGZ a été étudiée dans les cellules MCF-7. Nous avons observé comme pour la ∆2-TGZ une diminution dose-dépendante du récepteur ERα : le signal est plus faible dès une dose de 5µM de b∆2-TGZ et le signal disparait complètement à 25µM. Ce nouveau composé b∆2-TGZ est plus efficace que la ∆2-TGZ sur la dégradation d’ERα mais aussi plus rapide car pour une dose de 25µM le marquage disparait complètement après 8 heures de traitement en présence de b∆2-TGZ alors qu’aucun changement n’est détecté avec la ∆2-TGZ (Figure 33D).

Nous nous sommes ensuite intéressés à comprendre les mécanismes d’action anti-prolifératif de la b∆2-TGZ. Nous avons supposé que l’efficacité accrue de cette molécule pourrait être liée à l’amélioration de son internalisation via sa fixation sur des récepteurs à la biotine. Pour tester cette hypothèse, nous avons réalisé une expérience de compétition avec de la biotine libre. Les résultats montrent que l’ajout de biotine libre jusqu’à une dose de 25µM ne diminue pas l’inhibition de prolifération induite par la b∆2-TGZ dans nos deux lignées cellulaires MCF-7 et MDA-MB-231 (Figure 34A). Par conséquent, ces résultats montrent que l’effet anti-prolifératif de la b∆2-TGZ sur les cellules cancéreuses mammaires est indépendant de la fixation à un récepteur à la biotine.

Dans le but de mieux comprendre l’effet anti-prolifératif accru de la b∆2-TGZ, trois nouveaux dérivés présentant une substitution (R) au niveau de la même position que la biotine ont été produits et testés sur la prolifération des cellules MCF-7 et MDA-MB-231 (Figure 34B). Après 24 heures de traitement, ces trois composés inhibent la prolifération des deux lignées cellulaires. Dans les cellules MCF-7, les EC50 pour les composés 1, 2 et 3 sont respectivement de 7,7µM, 13µM et 3,2µM et sont aussi faibles voir plus faibles que celles de la ∆2-TGZ (29,3µM) et b∆2-TGZ (11,3µM). Dans les cellules MDA-MB-231, les EC50 pour les composés 1, 2 et 3 sont respectivement de 3,3µM, 3,2µM et 5µM et sont plus faibles que la ∆2-TGZ (16,6µM) mais pas différents de la b∆2-TGZ (3,4µM) (Figure 33B). Ces résultats suggèrent que la présence de la biotine n’est pas responsable de l’efficacité accrue de la molécule. Celle-ci semble en fait être liée à la substitution du phénol porté par le groupement chromane.

c.Conclusion

Nous avons montré que la ∆2-TGZ, un dérivé de la TGZ à activité PPARγ-indépendante, inhibe la prolifération des cellules hormono-dépendantes mais aussi hormono-indépendantes. La biotinylation de la ∆2-TGZ augmente son effet anti-prolifératif et la dégradation protéasome-dépendante de la cycline D1. Cette efficacité accrue n’est pas liée à l’ajout d’un groupement biotine mais à une modification de la ∆2-TGZ sur le phénol du groupement chromane. Ces résultats sont très prometteurs pour l’optimisation de molécules anti-cancéreuses plus efficaces basées sur la ∆2-TGZ et capables de cibler les lignées cancéreuses mammaires hormono-dépendantes et indépendantes.

P R E C L I N I C A L S T U D Y

New troglitazone derivatives devoid of PPARc agonist activity