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Introduction bibliographique

Partie 1 : Le cancer du sein

II. Le cancer du sein

2. Classification des cancers du sein

Le choix d’une stratégie thérapeutique adaptée à chaque patiente est basé sur la caractérisation détaillée des tumeurs mammaires. L’évaluation tumorale au cas par cas permet une prise en charge optimale tout en évitant l’utilisation de traitements inutiles et potentiellement délétères. Plusieurs classifications sont actuellement utilisées dans ce but.

A.

T Extension locale TX T0 Tis T1 T2 T3 T4

Détermination de la tumeur primitive impossible Pas de signe de la tumeur primitive

Carcinome in situ

Tumeur ≤ 2cm dans sa plus grande dimension

Tumeur > 2cm et ≤ 5cm dans sa plus grande dimension Tumeur > 5cm dans sa plus grande taille

Tumeur de toutes tailles avec extension directe à la paroi thoracique ou à la peau N Envahissement des ganglions

NX N0 N1 N2 N3

Appréciation impossible de l’atteinte ganglionnaire

Absence de signes d’envahissement ganglionnaire régional Ganglions axillaires cliniquement suspects homolatéraux mobiles

Ganglions axillaires homolatéraux fixés entre eux ou à d’autres structures Ganglions mammaires internes homolatéraux

M Développement de métastases

MX M0 M1

Détermination impossible de l’extension métastatique Absence de métastases à distance

Présence de métastases à distance

B.

Extension locale Envahissement des ganglions Développement de métastases Stade 0 Tis N0 M0 Stade I T1 N0 M0 Stade IIA T0 T1 T2 N1 N1 N0 M0 M0 M0 Stade IIB T2 T3 N1 N0 M0 M0 Stade IIIA T0 T1 T2 T3 N2 N2 N2 N1, N2 M0 M0 M0 M0 Stade IIIB T4 N0, N1, N2 M0

Stade IIIC Tous T N3 M0

Stade IV Tous T Tous N M1

Figure 5 : Classification simplifiée TNM (Tumor Node Metastasis) des cancers du sein. A. Caractéristiques morphologiques des tumeurs correspondantes aux lettres chiffrées de l’Union

Internationale Contre le Cancer (UICC). B. Classification par stade des tumeurs par l’American Joint Committee on Cancer (AJCC).

a.La classification TNM (Tumor Node Metastasis)

La classification clinique dite TNM pour Tumor Node Metastasis (tumeur ganglion métastases) de l’Union Internationale Contre le Cancer (UICC) est la plus communément utilisée. Elle permet de caractériser une tumeur selon trois critères : la masse tumorale en place et son extension locale (T), son extension locorégionale avec l’envahissement des ganglions (N) et à distance avec le développement de métastases (M). Chaque critère est associé à un chiffre dont la valeur augmente avec la gravité (Figure 5A). Lorsque la détermination est impossible, la lettre X est associée au critère TNM. Ces tumeurs ainsi caractérisées sont ensuite regroupées par stade : du stade 0 pour les cancers

in situ au stade IV pour les cancers métastatiques (Figure 5B).

Il existe d’autres critères intervenant dans la détermination de la gravité de la tumeur ; par exemple la présence d’emboles vasculaires et la mesure de la marge d’exérèse sont pris en compte afin d’assurer une qualité d’exérèse optimale et de réduire le risque de rechute.

b.La classification histologique

Les tumeurs malignes les plus fréquentes sont les adénocarcinomes (98%). Pour ce type de tumeurs, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a proposé une classification basée sur leur aspect morphologique. Elle classe donc les tumeurs en deux types distincts en fonction de leur nature anatomopathologique.

Les carcinomes non infiltrants

Ces tumeurs épithéliales non infiltrantes peuvent envahir les canaux (carcinome intracanalaire ou canalaire) ou les lobules (carcinome lobulaire). Le premier représente 4% des cancers et montre le plus souvent des microcalcifications mammographiques et une multicentricité. Le second correspond à une prolifération de cellules de petite taille au niveau des canalicules intra-lobulaires. Il représente environ 2,5% des cancers et se caractérise par son caractère multicentrique et sa tendance à la bilatéralisation. Ces deux carcinomes non infiltrants sont caractérisés par un non-envahissement du tissu conjonctif voisin.

A

Profils

moléculaires Fréquence Status ER/HER

Luminal A 50-60 % ER+ PR+ HER2-

Luminal B 10-20 % ER+/- PR+/- HER2-/+

HER2+ 10-15 % ER- PR- HER2+

Basal-like 10-20 % ER- PR- HER2-

Claudin-low 12-14 % ER- PR- HER2-

Normal-like 5-10 % ER-/+ PR- HER2-

B

Profils

moléculaires Status ER/AR Status prolifération

LumA ER+ AR+ Faible

LumB ER+ AR+ Forte

LumC ER+/- AR+ Forte

normL ER+ AR+ Faible

mApo ER- AR+ Forte

BasL ER- AR- forte

Figure 6 : Tableaux récapitulatifs des profils moléculaires des tumeurs mammaires. A. Profils moléculaires basés sur la classification de Perou et Sorlié (Perou CM., et al. 2000 ;

Herschkowitz JI., et al. 2007). La fréquence observée de ces différents profils est présenté dans la deuxième colonne. La troisième colonne montre leurs statuts ER (Récepteur des œstrogènes), PR (Récepteur de la Progestérone), HER2 (Human Epidermal growth factor Receptor 2). B. Profils moléculaires déterminés par Guedj M et ses collègues (Guedj M., et al. 2012). Les statuts ER et AR (Récepteur aux Androgènes) ainsi que le statut lié aux gènes de prolifération sont respectivement indiqués dans la deuxième et troisième colonne.

Les carcinomes infiltrants

Contrairement aux précédents, ce type de carcinome se distingue par la capacité des cellules cancéreuses à envahir le tissu conjonctif voisin. Ce groupe est constitué de plusieurs entités. Le premier type est le carcinome canalaire infiltrant. Il est le plus fréquent des tumeurs malignes soit environ 70% des cancers du sein. L’autre type est le carcinome lobulaire infiltrant représentant 5 à 15% des cancers. De nombreux autres carcinomes plus rares sont également décrits.

Cette classification des tumeurs mammaires est actuellement remise en question par des études transcriptomiques à haut débit. En effet, les cancers du sein représentent une pathologie complexe et hétérogène, résultant de multiples altérations moléculaires. L’étude de cette hétérogénéité est cruciale pour le développement de thérapies plus efficaces ciblant spécifiquement la tumeur de chaque patiente.

c.La classification moléculaire

L’hétérogénéité transcriptomique des tumeurs est actuellement étudiée et a conduit à l’établissement d’une troisième classification dite « intrinsèque » ou « moléculaire ». C’est en 2000 que Perou et Sorlié ont proposé le premier modèle de taxonomie permettant de catégoriser les cancers du sein. Les variations de profil d’expression de 1 753 gènes humains ont été obtenues par une étude transcriptomique à haut débit réalisée sur 65 échantillons prélevés sur 42 patients (Perou CM., et al. 2000). Cette analyse a mis en évidence différents profils basés sur l’expression des gènes ER, PR (récepteur à la progestérone), HER2 (récepteur au facteur de croissance épidermique humain de type 2). Par ailleurs, ces profils d’expression sont maintenus après 16 semaines de traitement à la doxorubicine ainsi que dans les métastases, ce qui démontre leur stabilité. Ainsi, Perou et Sorlié ont publié la première classification moléculaire des cancers mammaires. Elle est la base fondatrice de la biologie moléculaire des cancers du sein. Dès lors de nombreuses études ont été menées dans le but de toujours mieux caractériser les profils d’expression des tumeurs mammaires. En 2007, un nouveau groupe de tumeurs nommé « claudin-low » à été isolé par Perou et ses collègues (Herschkowitz JI., et al. 2007). Cette étude a été réalisée à la fois sur des échantillons de tumeurs mammaires humaines (n=232) et murines (n=108).

Depuis la publication de la première classification moléculaire des cancers du sein, il est maintenant établi que les cancers du sein se répartissent en six groupes bien définis (Figure 6A): les tumeurs luminales A et B, les tumeurs surexprimant HER2, les tumeurs « basal-like », les tumeurs « claudin low » ainsi que les tumeurs « normal-like ».

Le profil luminal est caractérisé par une forte réceptivité aux hormones corrélée avec une forte expression du récepteur ERα. Il possède également une expression relativement forte de nombreux gènes des cellules luminales telles que les cytokératines 8, 18 et 19 ainsi que GATA3, un gène impliqué dans le développement et la différenciation des tumeurs ER+. Dans cette catégorie, deux sous-types sont observés : les profils luminaux A et B représentant respectivement une fréquence de 50-60% et 10-20% des tumeurs mammaires. Les tumeurs luminales A n’expriment pas HER2. Les tumeurs luminales du groupe B se distinguent par une expression plus faible du récepteur ERα et une prolifération plus forte. De plus, il existe des sous-types HER2+ et HER2-. Les lignées cancéreuses mammaires MCF-7 et ZR-75-1 sont de type luminal A (Subik K., et al. 2010).

Le profil tumoral HER2+ est diagnostiqué dans 10 à 15% des cancers du sein. Il montre une amplification du gène HER2 (erb-B2) ainsi qu’une prolifération forte (forte expression du Ki67). HER2 est un récepteur du facteur de croissance épidermique et joue un rôle dans la stimulation des cellules à se diviser de manière incontrôlable. Ces tumeurs peuvent aussi exprimer faiblement le récepteur hormonal ERα. Elles présentent également l’expression de marqueurs de cellules basales comme les cytokératines 5/6, 17 et 14, EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor), c-kit, la myosin, la caveolin et NGFR/p75 (Nerve Growth Factor Receptor/p75).

Le profil « basal-like » correspond à des tumeurs dites « triple négative » c'est-à-dire qui n’expriment pas les trois marqueurs ERα, PR et HER2. Ce type de tumeurs est le plus agressif et présente un phénotype invasif. Ces tumeurs expriment les marqueurs des cellules épithéliales basales comme les tumeurs de type HER2+. La lignée cancéreuse mammaire MDA-MB-231 est de type basal-like (Kao J.,

et al. 2009).

Le profil « claudin-low » correspond à des tumeurs triples négatives présentant une faible expression de marqueurs luminaux tels qu’ER, PR et HER2 ainsi que GATA3 et les cytokératines 18/19. Elles diffèrent des tumeurs basal-like du fait de la faible expression de l’occludine et des claudines 3, 4, 7 qui sont impliquées dans les jonctions cellulaires de type serré. Ce groupe présente également une faible expression de l’E-cadhérine, et une forte expression de gènes impliqués dans la transition épithélio-mésenchymateuse des cellules (Prat A., et al. 2010). L’ensemble de ces données classe ce type de profil comme un cancer de mauvais pronostique (Eroles P., et al. 2012).

Le profil « normal-like » correspond à des tumeurs dont l’expression est similaire à celle de cellules normales.

En 2011, une analyse transcriptomique sur 537 tumeurs mammaires a permis de définir des profils d’expression partiellement divergeant de la classification de Perou et Solié. Elle découle de l’étude de

gènes liés (i) au récepteur aux œstrogènes (ii) au récepteur aux androgènes (AR) et (iii) aux gènes de prolifération. Ainsi six profils d’expression ont été déterminés. Les profils LumA et NormL sont les seuls à présenter une prolifération faible et un profil ER+ alors que LumB (ER+) et LumC (ER+/-) présente une prolifération forte. Ces quatre profils expriment le récepteur AR. Les deux profils restants mApo et BasL (prolifération forte et ER-) se distinguent par l’expression d’AR qui n’est détectée que dans le profil mApo. De manière surprenante le gène HER2 est surexprimé dans 40% des profils LumC et 72% des BasL (Figure 6B). Cette étude a ensuite été validée sur plus de 3 000 tumeurs (Guedj M., et al. 2012).

Toutes ces études permettent de mieux caractériser les tumeurs. Cependant, les marqueurs ciblés par les stratégies thérapeutiques actuelles sont principalement ER et HER2. La classification de Perou et Sorlié restent donc la plus couramment utilisée.