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1.2 Présentation et objectifs

1.2.2 Objectifs et résultats des AMP

1.2.2.2 Les objectifs socioéconomiques

L’accès libre à l’exploitation des ressources halieutiques mène dans la plupart des cas à la situation de tragédie de communs (Hardin, 1968). Cette dernière caractérise les cas d’exploitation excessive de ces ressources. Selon la FAO, qui évalue régulièrement la si- tuation mondiale de pêches et de l’aquaculture, en 2007, 17% des principaux stocks de poissons étaient exploités excessivement (Food and of the United Nations, 2007). L’établis- sement des aires marines protégées vient d’être reconnu comme un nouvel outil proposant une solution à la surexploitation et assurant une gestion durable des ressources halieu- tiques (Worm et al., 2006; Claudet et al., 2008; Guidetti and Claudet, 2010). Cet outil permet la reproduction et la régénération de stocks des poissons. À ce niveau, les aires

6. Il y a plusieurs traductions pour le mot « spillover ». La traduction qui fut utilisée pour ce mot anglais, pour certaines disciplines telles que l’écologie et la biologie, est bien « retombée ». Dans notre cas, nous utilisons le mot retombée comme traduction libre au mot « spillover » qui signifie les effets de l’AMP en dehors de la zone protégée.

marines protégées constituent ainsi une assurance contre l’effondrement total des stocks halieutiques et permettent de diversifier les sources de revenus. De plus, l’amélioration de l’état des écosystèmes marins contribue au développement de certaines activités telles que les activités récréatives comme la plongée sous-marine et l’écotourisme. L’industrie pharmaceutique, qui utilise certaines plantes marines comme les algues, peut bénéficier de cette amélioration à long terme.

Les retombées des AMP sont nombreuses et diverses, et influencent l’environnement naturel de zones marines protégées et plusieurs activités humaines. Elles concernent, à la fois, les activités extractives (exemple : la pêche) et celles non extractives (exemple : écotourisme).

1.2.2.2.1 Les retombées extractives

Les avantages tirés de la création d’une aire marine protégée sont divers (protection de la biodiversité, gestion des ressources halieutiques, développement du tourisme durable. . .) et demeurent dépendants des caractéristiques biologiques et géographiques de cette der- nière. Ils diffèrent d’une aire marine protégée à une autre. En analysant ces avantages et effets, une relation de causalité est distinguée entre les volets économique et écosysté- mique des AMP. En effet, l’amélioration des écosystèmes marins est liée à la diminution des pressions anthropiques causées par certaines activités dont principalement celles de pêche. Par contre, l’amélioration de certaines activités comme la pêche et le tourisme sont dépendants de l’amélioration des écosystèmes marins et côtiers.

Les AMP influencent beaucoup l’activité de pêche. Elles régénèrent et améliorent les stocks de poissons à l’intérieur de la zone protégée. Ces stocks peuvent se déplacer vers les zones avoisinantes en augmentant la quantité et la qualité des captures de poissons. En effet, l’impact réel sur la pêcherie dépend de l’importance relative de la zone protégée dans la capture totale avant la fermeture et l’état de stocks de poissons. Par exemple, si la zone contribue à une part importante des captures totales, il est moins probable que la capture totale va augmenter, parce que le niveau de seuil que les effets de « spillover » biologiques doivent surmonter est plus élevé. Au contraire, si le niveau de capture dans la zone est faible peut être à cause de la surexploitation avant la protection, la probabilité d’augmentation de la capture totale est plus élevée. Dans le cas où les stocks de poissons sont surexploités et ayant une mobilité faible, les niveaux de captures totales à long terme vont augmenter après l’établissement d’une AMP (Sanchirico and Wilen, 1998; Sanchirico and Emerson, 2002). Les AMP peuvent hisser la valeur marchande de la pêche avec le changement de la composition des captures et la modification de la sélectivité. Quand l’AMP s’établit dans une zone où la grande proportion des stocks de poissons est jeune, la sélectivité pourrait être modifiée. Dans ce cas, l’effort de pêche sera déplacé vers d’autres zones et les captures vont s’orienter vers les poissons de grande taille. Ceci contribue à la

hausse des prix sur le marché ainsi que les revenus suite au changement dans la composi- tion des captures.

À côté des effets positifs, l’établissement des AMP a des retombées négatives sur cer- taines activités extractives comme la pêche. À court terme, la fermeture de certaines zones peut générer une congestion élevée dans les zones de pêche. La congestion peut inciter à l’utilisation excessive du carburant et à l’augmentation des coûts d’investissement. De plus, une baisse significative des revenus de pêche peut créer un conflit entre les usagers de ressources. Un conflit peut se produire, par exemple, à partir d’un chalutier déplacé par une AMP dans une zone occupée par les pêcheurs à engins fixes seulement. Dans cet exemple, les coûts liés à la pêche augmentent non seulement pour le chalutier déplacé, mais aussi pour les pêcheurs à engins fixes qui pourraient ne pas avoir été impactés direc- tement par la mise en place de l’AMP. Cette dernière peut changer la pression de pêche d’une espèce à une autre, ce qui augmente la concurrence pour la prise de cette seconde espèce (Sanchirico, 2000; Sanchirico and Emerson, 2002).

Selon Sanchirico et al (2002), la décision d’un pêcheur de l’endroit où pêcher dépend de nombreux facteurs tels que la saison, les espèces ciblées, le temps prévu à la mer, les taux de capture attendus, les coûts de transport, les coûts spécifiques à l’emplacement, les prix de vente, et les événements liés aux conditions météorologiques. Avec la mise en place d’une AMP, les bateaux passent plus de temps vers et à partir des lieux de pêche et la consommation de carburant sera plus grande. Ceci incite les pêcheurs à investir plus en améliorant leurs équipements et matériels de pêche. L’AMP peut contribuer à l’augmen- tation des dépenses en capital dans la pêche à un moment où les gestionnaires des pêches tentent au contraire de trouver des moyens pour réduire la capacité.

Dans le cas d’effet de « spillover » significatif, c’est-à-dire un transfert net élevé de stocks de poissons, l’AMP peut impacter l’activité de pêche en diminuant ses coûts. Dans ce cas, les pêcheurs se concentrent autour de la zone protégée et leurs coûts vont être faibles. Dans le cas contraire, c’est-à-dire un transfert net faible, les coûts liés à la pêche vont augmenter parce que les zones avoisinantes ne seront pas rentables vu les faibles captures. Devant ces deux cas, il parait primordial de faire l’évaluation de ce transfert net pour mieux choisir l’emplacement et la taille de l’AMP qui se caractérise par des interactions entre les aspects économique, écosystémique et biologique. Son évaluation doit intégrer tous ses aspects pour qu’elle soit pertinente. Dans ce sens, plusieurs travaux ont fait des analyses biologiques et économiques conjointes pour évaluer les effets des AMP.

1.2.2.2.2 Les retombées non extractives

Les AMP permettent l’amélioration de la biologie et la restauration des écosystèmes (exemple : la régénération des habitats marins et de stocks de poissons) (Boersma and Parrish, 1999; Sanchirico and Emerson, 2002; Sadio et al., 2015). Ce changement dans les écosystèmes marins peut développer des activités non extractives telles que la plongée sous-marine, les visites écotouristiques, etc. L’amélioration de l’état de l’environnement marin peut attirer des personnes qui n’investissaient pas la zone avant la mise en place de l’AMP. En attirant de nouveaux visiteurs, l’AMP peut conduire à la création des emplois, des revenus et des recettes fiscales pour la communauté locale. L’augmentation potentielle des revenus du tourisme pourrait compenser les pertes potentielles dues à la diminution des prises commerciales ou récréatives en raison de la fermeture.

Les caractéristiques des AMP telles que la zone de leur mise en place, leur taille, leur type et leur degré de protection, jouent un rôle important quant à leur fonctionnement et la réalisation de leurs objectifs. Par exemple, une AMP établie dans une zone qui est principalement occupée par des espèces benthiques n’aura pas un potentiel touristique im- portant. Par contre, quand son établissement s’est fait dans une zone abritant des récifs coralliens, l’AMP peut développer plusieurs activités récréatives non extractives. D’une manière générale, l’AMP assure une protection des ressources qui génère des impacts positifs sur plusieurs secteurs de l’économie qui ne sont pas directement liés à la pêche commerciale.

Certains travaux ont recensé les retombées non extractives des AMP à l’intérieur et à l’extérieur de la zone protégée. Celles à l’intérieur de la zone concernent les activités récréatives comme la plongée, la photographie, et la recherche scientifique. Les retombées à l’extérieur de la zone protégée concernent la valeur d’existence de la biodiversité marine qui sera préservée pour les générations futures (Carter, 2003). En effet, une AMP contri- bue à l’augmentation de la demande pour les activités liées à la zone protégée dans le cas où les ressources sont en meilleures conditions biologiques et naturelles. Ceci permet d’avoir une plus-value importante parce que l’activité humaine n’agit pas négativement sur les écosystèmes. En ce sens, il convient de se demander si une AMP fournira des améliorations marginales ou prévenir des dommages marginaux en référence à l’exercice des activités dans la zone protégée (plongée, écotourisme, recherche scientifique, etc.). À l’extérieur de la zone protégée, les retombées non extractives sont liées à l’existence des ressources marines et la possibilité de les préserver dans le temps pour l’usage ultérieur.

Le manque de détermination des capacités réelles d’une AMP en termes de soutien aux activités non extractives soulève des questions importantes sur son utilisation du- rable. Par exemple, si les activités touristiques exercées dans la zone protégée ne sont pas contrôlées, les ressources marines vont subir des pressions supplémentaires. Ceci va

aboutir à la baisse des bénéfices biologiques (exemple : amélioration des écosystèmes et de stocks de poissons) et socioéconomiques (exemple : la pêche) qui devraient être amé- liorés, à long terme, à la suite de l’interdiction des activités extractives à court terme. L’attractivité d’une AMP de nouveaux visiteurs pourra créer un problème de congestion dans la zone protégée. En fait, il y a une relation entre la demande de visite d’un site et la qualité de ce site (par exemple, voir un écosystème particulier des récifs coralliens). Dans ce cas, la congestion pourrait conduire à attirer moins de visiteurs et réaliser des avantages économiques inférieurs. Donc, les retombées positives de l’AMP pourraient être réduites avec des activités touristiques incontrôlées, ce qui incite les décideurs à limiter l’impact des activités non extractives.

La conversion des certaines activités extractives (exemple : la petite pêcherie côtière) en activités non extractives (exemple : tourisme local) est proposée comme une seconde opportunité en réponse à la fermeture de zones marines devant l’usage extractif. Si cette conversion a des effets positifs sur les acteurs locaux (principalement les pêcheurs) en leur créant une source de revenu alternatif, elle contribue à la congestion de la zone protégée et la perte des traditions culturelles (exemple : pêcherie) des communautés locales (San- chirico and Emerson, 2002).