• Aucun résultat trouvé

2.4 MEC : critiques et améliorations

2.4.1 Les critiques de la MEC

La MEC fut largement critiquée à cause du nombre élevé de biais16 qui accompagne

sa réalisation. Les données recueillies peuvent être erronées suite à des réponses fausses volontairement ou involontairement par les individus interrogés. Ces derniers peuvent consciemment ne pas déclarer la vraie valeur accordée au bien non-marchand afin d’im- pacter les résultats de l’étude en leur faveur, ou bien ils ne trouvent pas d’intérêt dans l’étude contingente. Les critiques de la MEC portent sur sa fidélité (reliability) et sa vali- dité (validity) (Venkatachalam, 2004; Voltaire, 2011). La fidélité concerne la cohérence des résultats obtenus après des processus répétitifs sans changement. La validité s’intéresse à la crédibilité des évaluations obtenues.

15. Voir notamment Van de Ven and Van Pragg (1981).

2.4.1.1 La fidélité de la MEC

Pour apprécier la fidélité de la MEC, nous pouvons utiliser la méthode de répétition qui consiste à effectuer une comparaison entre les résultats des deux évaluations contingentes identiques menées durant deux périodes différentes. Les deux évaluations peuvent utiliser le même échantillon ou bien plusieurs échantillons homogènes faisant partie de la même population. Dans le cas de ressemblances des résultats de deux évaluations, les préférences des individus interrogés sont considérées comme stables dans le temps (Bonnieux et al., 1995; Júdez et al., 1998; Venkatachalam, 2004; Voltaire, 2011).

La critique adressée à la fidélité de la MEC n’est autre que la violation de l’invariance des préférences révélées. L’hypothèse d’invariance des préférences signifie que les préfé- rences des individus interrogés ne changent pas dans le temps même avec une variation de l’information. Pour certains praticiens, la violation de cette hypothèse est due au fait que l’individu peut adopter des stratégies qui prennent de la distance des préférences exis- tantes pour se relier aux préférences construites17. L’absence d’hypothèse de l’invariance

des préférences s’inscrit dans une vision de formalisation des préférences bien différente de la vision néoclassique dont les préférences sont déconnectées de la structure informa- tionnelle.

La violation de l’hypothèse de l’invariance représente une critique constructive. Le non-respect de cette hypothèse18 est considéré comme une critique de la MEC, mais peut

aussi en être bien vu comme une défense, car les individus sont sensibles aux informations qui leur sont présentées (Belloumi, 2000; Brouwer and Bateman, 2005).

Il existe une divergence parmi les praticiens, qui utilisent la méthode de répétition, quant à la période de temps nécessaire pour le maintien de l’hypothèse de l’invariance des pré- férences. Cette période change d’un praticien à un autre, allant d’une période de deux semaines à cinq ans19 (Voltaire, 2011).

2.4.1.2 La validité de la MEC

La validité de la MEC est liée à sa capacité réelle pour estimer la valeur des biens non-marchands, notamment dans les cas où il n’existe aucune autre alternative pour le faire (Bateman et al., 2002). Elle est abordée à travers trois cadres d’analyse : la validité de contenu (content/face validity), la validité de critère (criterion validity) et la validité

17. Les préférences existantes sont fixes et n’évoluent pas dans le temps. Par contre, les préférences construites évoluent et changent dans le temps et suite à la variation des informations. Donc, les individus construisent leurs préférences en fonction du temps et les modifient en cas de variation d’information.

18. Le changement et l’évolution des préférences des individus avec le temps et suite à une variation de l’information.

19. Pour la période nécessaire pour maintenir l’hypothèse de l’invariance des préférences, Kealyet al (1990) suggèrent deux semaines, Júdez et al (1998) : deux saisons touristiques (Printemps/Été), Teisl et al (1995) : cinq mois, Loomis (1990) : neuf mois, Carson et al (1997) :deux ans, Whitehead et Hoban (1999) : cinq ans (Voltaire, 2011).

construite (construct validity) (Mitchell and Carson, 1989).

La validité de contenu est liée à la qualité du questionnaire et à son administration.

Les résultats obtenus de la MEC sont dépendants de la qualité du questionnaire puisque la méthode se base sur la révélation directe des préférences des individus interrogés. Ces derniers accordent des valeurs au bien non-marchand sur la base des informations et le scénario contingent présentés dans le questionnaire. En effet, la validité des résultats est très sensible à la qualité du questionnaire et son déroulement. L’administration nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA) avait proposé à ce titre un protocole d’utilisa- tion de la MEC qui privilégie les enquêtes directement avec les individus, l’estimation du consentement à payer (CAP), la technique du référendum, et la clarté du scénario proposé (Arrow et al., 1993).

Plusieurs techniques20 ont été suggérées pour améliorer la qualité du questionnaire.

Parmi celles-ci, nous trouvons la pre enquête qui consiste à effectuer le questionnaire avec les mêmes conditions que l’enquête finale, pour un petit échantillon afin de déterminer les différentes difficultés rencontrées par les interrogés en répondant aux questions (Des- vousges et al., 1996; Berthier, 2006). Les prétests proposés sont nécessaires pour améliorer la qualité du questionnaire et ne sont pas forcement en mesure de juger la validité de continu de la MEC. D’autres tests ont été proposés pour tester la validité de contenu comme le taux des zéros de protestation21.

La validité de critère s’intéresse à la comparaison des valeurs déclarées par les in-

dividus interrogés par rapport aux prix du marché réel. Elle consiste à vérifier s’il existe une différence entre les déclarations des interrogés dans le cas du marché hypothétique (MEC) et dans le cas d’un marché réel. De plus, elle s’interroge sur la compatibilité entre les montants déclarés et les préférences réelles des individus interrogés. Devant l’absence d’un marché réel pour les actifs non-marchands, il est difficile de connaître s’il existe un écart significatif entre les préférences des individus et leur vrai comportement sur un marché réel (Voltaire, 2011). Cependant, des analyses pour tester la validité de critère de la MEC ont été faites en laboratoires sur des biens publics. Elles ont bien montré la divergence entre les montants réels et ceux déclarés par les individus interrogés (Venka- tachalam, 2004). Par ailleurs, d’autres travaux considèrent que ces résultats doivent être pris avec précaution. Le bien en question est un bien public dont la valeur déclarée par les interrogés n’intègre pas la valeur de non-usage qui a été ignorée comme dans le cas d’un site historique (Chambers et al., 1998). Dans le cas d’un bien privé, certains travaux ont montré que la MEC fournit des résultats valides après avoir prouvé qu’il n’existe pas une divergence significative entre les montants déclarés par les individus interrogés et les prix réels (Boyle, 2012).

20. Pour plus de détails, voir (Bateman et al., 2002).

21. Si le taux des zéros est élevé dans l’échantillon, le questionnaire est mal administré et rencontre plusieurs lacunes affectant le réalisme du scénario contingent (Desvousges et al., 1996).

La validité construite se partage en deux catégories ; la validité théorique (expectation-

based validity) et la validité de convergence (convergent validity) (Bateman et al., 2002). La validité théorique s’intéresse à la compatibilité des résultats obtenus avec ceux prouvés

par la littérature. Pour ce faire, plusieurs tests ont été formulés pour vérifier la validité théorique. Parmi ces derniers, nous trouvons le « test d’envergure » qui cherche à vérifier la

non saturation des préférences. Plusieurs scénarios sont présentés aux individus interrogés

concernant un seul bien non-marchand dont les caractéristiques (par exemple la variation de la taille d’une zone protégée : 100, 200, 300 hectares) varient d’un scénario à un autre. Les résultats obtenus par ce test sont divergents. Certains travaux ont mentionné la non corrélation du consentement déclaré avec les caractéristiques socioéconomiques des inter- rogés (Heberlein et al., 2005). Par ailleurs, d’autres travaux ont trouvé une relation positive entre les déclarations des individus et leurs caractéristiques (Smith and Osborne, 1996). Un autre test consiste à vérifier si les variables exogènes qui déterminent le consentement (CAP / CAR) des individus interrogés sont compatibles avec la littérature. Dans le cas d’absence des modèles théoriques, ce test vise à comparer les résultats obtenus aux tra- vaux empiriques validés pour s’assurer de la validité du travail contingent (Voltaire, 2011).

La validité de convergence consiste à comparer les résultats obtenus de la MEC aux

méthodes indirectes. L’un des tests de la validité de convergence est la méta-analyse faite sur des études qui comparent entre le ratio des consentements moyens déterminés par la MEC et les méthodes indirectes. La MEC est valide quand ce ratio est égal à 0,89 (Carson et al., 1996). Toutefois, ce test n’est possible que dans le cas d’application des méthodes indirectes. Or dans certains cas, ces dernières ne sont pas applicables. Plusieurs solutions ont été proposées comme alternatives telles que la comparaison des consentements déclarés à l’aide de plusieurs moyens de paiement (Morrison et al., 2000).

Figure 2.7 – Les éléments critiques de la MEC (source : (Voltaire, 2011)).