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1.3 Jeux d’acteurs et Gouvernance

1.3.1 La gouvernance des AMP

1.3.1.3 L’ensemble des systèmes interactifs

Les deux systèmes que gèrent les AMP, le système de gouvernance et le système à gouverner, sont considérés comme divers, complexes, dynamiques et vulnérables (Jentoft, 2007; Jentoft et al., 2007; Kooiman et al., 2008). La diversité concerne les variations spa- tiale et organisationnelle ainsi que les différences entre les caractéristiques des systèmes social et écosystémique qui varient d’une zone à une autre. La complexité porte sur l’inter- connexion et les interactions entre les différents éléments de systèmes (espèces, habitats, acteurs, la gouvernance) qui forment les AMP. Le dynamisme concerne les processus et les changements dans le temps qui peuvent causer des déséquilibres entre les différents systèmes inclus dans la gouvernance. Et la dernière caractéristique est la vulnérabilité qui est liée aux risques (fortes pressions anthropiques, endommagement, détérioration, baisse de la résilience) qui accompagnent le fonctionnement de ces systèmes.

Les AMP font partie d’un système de gouvernance large qui gère plusieurs activités socioéconomiques (pêche, écotourisme, activités récréatives...). Elles sont établies dans des zones là où des activités humaines et des systèmes écologiques et biologiques existent déjà. En effet, les AMP sont censées capables de gérer tous les systèmes environnemen- taux et sociaux existant en assurant leur bon fonctionnement à travers une gouvernance adaptative et intégrée (Scott, 1992; Jentoft, 2004). La gouvernance s’intéresse à l’inter-

action des AMP avec leur environnement correspondant à une panoplie d’interactions et d’interconnexions entre les différents systèmes. Ces systèmes doivent être gérés efficace- ment pour assurer la survie ainsi que la pérennité des AMP. Leur réussite dépend de leur intégration et leur parfaite interaction avec leurs systèmes biologiques, écosystémiques et socioéconomiques (Kelleher and Recchia, 1998; Kelleher, 1999; Jentoft et al., 2007; Dud- ley, 2008).

La théorie de la gouvernance admet la complexité de gestion simultanée des systèmes écologique, biologique, économique et social. Elle propose l’analyse des AMP de différents angles et tient compte de spécificités de leurs systèmes en les intégrant dans un cadre institutionnel clair et cohérent qui n’exclut aucun membre (Kooiman et al., 2005; Jentoft et al., 2007; Kooiman et al., 2008). Les AMP englobent des environnements influencés par les perceptions du système à gouverner et le fonctionnement du système de gouvernance. Ces environnements sont classés selon les aspects institutionnel et technique. L’environ- nement institutionnel regroupe les organisations qui gèrent les AMP, les règlements et les outils de gestion. Par ailleurs, l’environnement technique se compose des acteurs ainsi que les impacts sur les activités humaines (Scott, 1992; Kooiman et al., 2005). À ce niveau, les AMP doivent intégrer les acteurs et la communauté locale dans le processus de décision pour assurer plus de communication entre les différents membres et leur bon fonctionne- ment. Dans le cas d’absence d’information et de communication quant au fonctionnement des AMP, les acteurs concernés vont avoir le sentiment d’être marginalisés et ils vont résister à leur mise en place. Les AMP ne peuvent pas fonctionner sans l’acceptabilité et le support de la population locale. Pour cela, l’intégration des acteurs ainsi que de la population locale est importante dans la gouvernance des AMP. De plus, la coordination et le développement de collaborations entre les chercheurs scientifiques, les gestionnaires et les acteurs impliqués sont largement recommandés pour la durabilité de gestion des AMP (Mikalsen et al., 2007; Pieraccini and Cardwell, 2016; Lopes et al., 2015; Havard et al., 2015).

L’implication des acteurs dans le processus de gestion permet d’avoir une acceptabi- lité des AMP qui modifie le déroulement de leurs activités. De ce fait, les acteurs locaux se sentent partenaires et décideurs, à côté des institutions et de décideurs publics, dans la gouvernance et ils vont volontairement s’impliquer dans le fonctionnement des AMP. Ceci conduit à leur réussite dans la plupart des cas surtout que les acteurs ont des contri- butions importantes et positives dans la gouvernance des AMP (Pomeroy et al., 2004; Jentoft et al., 2007).

Les effets de la mise en place d’une AMP ne concernent pas seulement la zone d’in- tervention, mais ils concernent aussi les zones en dehors de la protection parce que les services écosystémiques se déplacent librement. Parfois, les zones qui se trouvent à côté

des AMP sont largement fréquentées et surexploitées à cause de perceptions des acteurs (surtout les pêcheurs). Dans ce cas, la protection d’une zone crée et exerce des pressions sur d’autres. Ainsi il est préférable de créer un réseau cohérent d’AMP plutôt que d’en créer d’une manière isolée. La convention sur la diversité biologique et les organismes internationaux (UICN, WWF, PNUE, CAR/ASP) ne cessent d’inciter les pays et les États à mettre en place d’AMP connectées et gérées collectivement. L’objectif final est la création d’un réseau des AMP global connecté et fonctionnant d’une manière cohérente pour que tout le monde en profite et éviter la situation de « perdant - gagnant » (Jentoft et al., 2007; Gabrié et al., 2012; Tupper et al., 2015). En ce sens, les coûts de gestion des AMP sont assumés dans la plupart des cas par les autorités publiques vu que l’AMP est considérée comme une politique de conservation des ressources naturelles en usage commun. Dans certains cas, les coûts élevés de gestion d’AMP découragent les décideurs d’instaurer ces politiques de conservation. L’étude de Mozar et al (2013) montre bien la réduction de deux tiers des coûts de gestion d’AMP dans le cas d’une coordination totale entre les pays méditerranéens. Leur travail montre un gain de 1053 millions US$ pour l’Espagne et 197 millions US$ pour la Tunisie si elles coopèrent et coordonnent parfai- tement la gestion de leurs AMP avec les pays du bassin méditerranéen (Mazor et al., 2013). Comme indiqué ci-dessus, les deux tiers des AMP n’ont pas atteint leurs objectifs. Elles abritent et gèrent plusieurs systèmes (écosystèmes, biologie, activités humaines) complexes à cause de l’existence de plusieurs interconnexions et interactions entre eux. La littérature des AMP suggère l’intégration des acteurs concernés dans le processus de décision et la gouvernance d’une manière générale pour avoir des retombées positives et la réalisation de leurs objectifs. À ce niveau, l’étude du comportement des acteurs vis-à-vis de la mise en place d’AMP est importante pour garantir un bon fonctionnement de leur gestion. L’intégration des acteurs locaux dans la gouvernance des AMP représente un premier défi à relever. Un deuxième défi est bien la coopération des pays et états riverains pour en créer davantage afin de former un réseau large des AMP capable de restaurer les pertes en écosystèmes marins et côtiers, la protection de la biodiversité et l’amélioration des ac- tivités humaines (pêche, écotourisme, activités récréatives, éducation) (Sadio et al., 2015).