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1. Généralités

2.4. Discussion

2.4.1. Interprétations des résultats

2.4.1.3. Objectifs secondaires

v L’âge.

La présence d’IgG anti-VHE a augmenté avec l’âge, atteignant une prédominance chez la tranche des 50- 59 ans dont 62,5% de VHE positifs avaient plus de 50 ans. Résultats également retrouvé dans l’étude toulousaine en 2016 (69) et dans deux études espagnoles en 2014 (106) et 2015 (96), chez des PVVIH. L’association de l’exposition au VHE avec l’âge est attendue, devant la persistance présumée des IgG anti- VHE après une infection aiguë. L’atteinte des personnes de plus de 50 ans, suggère une exposition cumulative permanente au virus tout au long de la vie. Ceci est soutenue par les résultats retrouvés par la régression logistique ajustée au VDRL, qui mettent en évidence un âge de plus de 50 ans comme variable indépendante, associé à la présence d’anticorps anti-VHE (OR=1,87 ; IC95 : 1,01-3,46) (p=0,04).

v Le sexe, l’origine ethnique et l’IMC.

L’exposition au VHE semble être légèrement plus fréquente chez les sujets masculins malgré l’absence d’association significative établie. Effectivement, 21,8% des séropositifs VHE étaient de sexe masculin versus 18,4% de femmes séropositives.

Concernant l’origine ethnique, aucun lien de causalité n’a pu être mis en évidence avec le VHE. Les patients nés au Pays Basque ne sont pas plus à risque d’être exposés au VHE vis à vis du reste de la population française.

Enfin, l’indice de masse corporelle de chaque patient a été recherché afin de diagnostiquer un risque de stéatose hépatique et d’évolution vers une fibrose sévère indépendamment d’une hépatite virale sous- jacente. Cependant, un IMC similaire a été retrouvé quel que soit le statut sérologique VHE des patients.

74 2.4.1.3.2 Facteurs extrinsèques.

v L’orientation sexuelle.

Concernant l’orientation sexuelle, les études actuelles divergent sur ce point. F. Keane en 2011 (68) et F. Abravanel en 2016 (69) conclu que l’orientation sexuelle n’est pas un facteur de risque de VHE. En revanche, une étude anglaise en 2013 rapporte que les hommes ayant des rapports avec des hommes sont plus à même de développer la maladie (70) et une étude italienne publiée en 2015 que la transmission du VHE semble possible via les rapports oro-anaux (41). Dans ce travail, il n’a pas été mis en évidence de significativité entre l’orientation sexuelle et le VHE, bien que 53,1% de MSM étaient séropositifs VHE versus 45,3% de séronégatifs (p=0,26).

v Transmission alimentaire et lieux d’achat de la viande.

La principale voie d’acquisition du VHE, dans les pays développés, est d’origine alimentaire. Il a été démontré, que la consommation de viande porcine ou de gibier peu ou pas cuite est un facteur prédisposant au VHE. JM. Mansuy, en 2015, retrouve les saucisses de foie de porc et les abats comme aliments à risque (4) ; A. Rivero-Juarez, le sanglier (57) et F. Abravanel, le lapin (62).

Dans ce travail, il a été retrouvé 4,7% de VHE + se désignant végétariens vs 1,2% de séronégatifs (p=0,10). 1,56% de séropositifs VHE ont déclarés ne pas manger de porc versus 4,5% VHE - (p=0,24). De plus, il a été reconnu qu’une cuisson à cœur de la viande à 71 degrés pendant 20 minutes, était nécessaire pour désactiver le virus (151). Ces habitudes alimentaires dont la cuisson bien cuite de la viande de porc ou de gibier, ne se sont pas révélées protectrices vis à vis du virus.

Concernant le porc à proprement parler, aucun lien de causalité entre le VHE et ces différentes préparations telles que la charcuterie, le foie de porc, les abats, saucisses et lardons n’a été démontré. Pour le boudin, directement produit à partir de sang du cochon, 57,8% de séropositifs VHE en consommaient versus 45,7% de séronégatifs. La puissance statistique était néanmoins, non significative (p=0,08).

Enfin, le sanglier (56), le cerf (58), et le lapin (59), étant également répertoriés comme réservoirs de VHE, n’ont pas été décelés comme aliments à risque. Il est donc difficile de mettre en évidence la consommation de viande de porc ou de gibier, comme facteur de risque d’exposition au virus, chez les PVVIH au Pays Basque. La prévention auprès de cette population sur ce point, ne peut pas être développée.

75 L’une des principales découvertes de ce travail est la recherche des lieux d’achats de la viande. L’approvisionnement auprès des particuliers, était indépendamment associé à l’exposition au VHE (32,8% VHE+ vs 23% VHE - ; p=0,04), contrairement à la grande distribution mais aussi chez l’artisan. Résultats également décelés dans la régression logistique, avec ajustement au VDRL (OR=2,05 ; IC95 :1,07-2,93) (p=0,03). Ces données semblent logiques. En effet, en France, une enquête nationale a indiqué que plus de 90% des fermes possédaient entre 2,5% à 80 % de porcs infectés par le virus (153). L’acquisition du VHE au Pays Basque, chez les PVVIH, peut être considérée comme d’origine locale.

v Transmission hydrique.

Dans les pays développés, des souches de VHE ont été identifiées dans les eaux usées non traitées (52), l’eau des rivières (44) et dans les coquillages. A l’heure actuelle, aucune analyse n’a été répertoriée dans le département des Pyrénées Atlantiques. Cette transmission hydrique est probablement liée au risque d’ingérer le virus via des mollusques crus tel que le confirme, B. Said en 2009 (60). Dans cette présente étude, la consommation de fruits de mer au moins une fois par semaine, aurait tendance à être associée à la présence des anticorps sériques anti-VHE (23,5% VHE vs 15,6% VHE - ; p=0,05). Résultats que l’on retrouve également dans l’analyse multivariée (OR=2,12 ; IC95 : 0,96-4,67) (p=0,06). A noter que le type de fruits de mer ingérés n’a pas été demandé, mais les spécialités les plus souvent consommées dans le pays basque sont les moules et les chipirons. A l’avenir, il serait intéressant de rechercher les mollusques les plus à risque.

Enfin, il n’a pas été retrouvé de corrélation entre l’usage de l’eau du robinet quotidien ou l’eau d’un puits extérieur et la présence d’anticorps anti-VHE.

v Alcool et drogues IV.

L’utilisation de cannabis et de drogues en intraveineuse ainsi que la consommation d’alcool de plus de 4 verres/ jour, ne semble pas constituer un facteur de risque d’infection par le VHE. La consommation d’alcool à risque a été estimée à plus de 4 verres par jour. Cette donnée a été indiquée directement par le patient dans l’auto-questionnaire et n’a pas été détaillée en fonction du type d’alcool utilisé. Il est possible, qu’il existe un biais de prévarication sur cette variable. Pour l’utilisation de drogues, la recherche a été faite à travers les dossiers médicaux des patients ou devant la présence d’un traitement substitutif actuel ou ancien. Malgré l’absence d’une puissance évocatrice, l’usage de drogues IV aurait tendance à être un facteur de risque de VHE (OR=2,21 ; IC95 : 0,75-6,5) (p=0,15). Cependant, ces résultats ne permettent pas de soutenir que la drogue IV est une voie de transmission du virus au Pays Basque.

76 v Milieu rural et habitation à proximité d’une ferme.

Récemment, A. Rivero-Juarez a décrit qu’être domicilié en milieu rural était un facteur de risque potentiel à l’exposition au VHE (108). Dans la présente étude, bien que la taille de l’échantillon ne soit pas très représentative (21,2% de PVVIH vivant dans un lieu de moins de 2000 habitants dont 29 ont déclaré une ferme à moins de 500 mètres), les sujets basques vivant en milieu rural et proche d’une ferme, ne sont pas plus à risque d’être infectés par le VHE, que ne le sont les citadins. D’autant plus qu’il semblerait, après analyse multivariée, que le milieu rural soit un facteur protecteur à l’exposition au VHE chez les PVVIH (OR=0,41 ; IC95 : 0,18-0,93) (p=0,03). Toutefois ces résultats interpellent en regard des connaissances actuelles du VHE et notamment sa transmission zoonotique à travers le porc.

v Contacts rapprochés avec des porcs ou gibiers et participation à la fête locale du « tue le cochon ».

D’après S. Montagnaro en 2015, la chasse et le contact rapproché avec des porcs ou gibiers sont associés à la présence d’anticorps anti-VHE (61). En effet, les professions à risque (vétérinaires, forestiers et employés d’élevage de porcs), sont considérées comme métiers prédisposants au VHE (63)(64). Le faible nombre de chasseurs auto-déclaré dans la population de l’étude, ou de personne en contact avec des porcs, ne permet pas de conclure sur une éventuelle association avec le VHE.

L’ancestrale pélère ou communément appelée le « tue le cochon », est une fête traditionnelle qui se déroule au mois de mars, dans les communes rurales des Pyrénées Atlantiques. Elle réunit amis, voisins et curieux autour d’un cochon afin de le sacrifier et d’en faire de la charcuterie et autres mets. Sur l’ensemble des 17 patients ayant répondu présents à cet événement, seulement 3,1% étaient séropositifs VHE versus 6,2% négatifs (p=0,16). Cette tradition n’a pas été retenue comme facteur de risque de contact avec le VHE chez les PVVIH.

Pour conclure, mis à part l’achat de la viande chez des particuliers et la consommation de fruits de mer hebdomadaire, aucune autre voie de transmission n’a pu être identifiée. Cela laisse à réfléchir sur la possibilité d’une contamination non étudiée dans ce travail notamment une possible transmission sexuelle.

77 2.4.1.3.3 Facteurs immunitaires et biologiques des PVVIH.

v Statut immunitaire des PVVIH.

Le taux de CD4 et de CD8 retrouvés chez les patients co-infectés VIH/VHE était significativement plus faible (p<0.05) avec un rapport T4/T8 similaire. A noter que la moyenne des CD4 était de 703 cellules/mm3 chez les VHE + vs 816 cellules/mm3 chez les VHE -. Cela suggère que le VHE ne semble pas ou peu agir sur l’évolution à plus ou moins long terme du VIH. De plus, le nombre de CD4 et de CD8 aurait tendance à rester inférieur chez les patients VHE.

De même qu’après la régression logistique avec ajustement au VDRL, le taux de CD4 >800 cellules/mm3, est un facteur de risque d’absence d’anticorps anti VHE (OR=0,53 ; IC95 : 0,29-0,98) (p=0,04).

Deux études espagnoles, mettent en lien la présence du VHE chez les personnes fortement immunodéprimées avec moins de 200 cellules/mm3 (106)(109). Cette corrélation n’a pas été significative dans ce travail, même si la prévalence semble être plus forte avec des CD4 < 500 cellules/mm3 (25% vs 18,1% ; p=0,18).

Fait étonnant et non attendu, un score nadir inférieur à 200 cellules/mm3, après analyse multivariée, a été considéré comme facteur protecteur de VHE (OR=0,47 ; IC95 0,22-0,98) (p=0,04). Il peut s’agir d’un biais de détection avec une moindre séroconversion chez les plus immunodéprimés lors de la contamination, ou d’une disparition par altération du répertoire immunologique avant restauration immunitaire.

Pour finir, les différents traitements anti rétroviraux de chaque patient ont été récoltés afin d’éviter les facteurs de confusion lors du fibrotest notamment avec l’Atazanavir. Aucun lien de causalité n’a été retrouvé dans ce travail.

v Bilan de routine des PVVIH.

Une association significative entre le taux des transaminases des PVVIH et le VHE, a été décelée. Un taux moyen d’ASAT à 42 UI/L versus 37 UI/L (p<0,05) et d’ALAT à 46 UI/L versus 40 UI/L (p<0,05) a été décelé, respectivement chez les séropositifs et les exempts de VHE. Devant l’absence de formes aiguës retrouvées, l’absence de cytolyse hépatique marquée, bien qu’elle soit moins importante chez les immunodéprimés, est compréhensible.

78 Au sujet des lymphocytes, il a été retrouvé une légère lymphopénie chez les patients exposés au VHE (p<0,05). Association également retrouvée sur les triglycérides (p=0,001) avec maintien d’un cholestérol total identique dans les deux groupes.

En revanche, aucun lien entre l’hépatite E et les GGT, les phosphatases alcalines, l’hémoglobine, les plaquettes, la créatinine, la glycémie, la calcémie et le phosphore n’a été constaté.

2.4.1.3.4 Co-infections associées aux PVVIH.

v VHB/VHC/VHA.

Dans la littérature, l’incidence et les conséquences de la surinfection du VHE chez les PVVIH porteurs d’une hépatite chronique C ou autre maladie chronique préexistante sont peu claires. MF. Lopez en 2015, décrit que les patients VIH/VHC sont plus à risque d’être en contact avec le VHE vis à vis des mono-infectés (122). Il a été dénombré 172 patients co-infectés soit plus de la moitié de l’échantillon. Parmi ces patients, 7,5% ont été dépistés VIH/VHB/VHE ; 2,6% VIH/VHC/VHE et 1,63% VIH/VHB/VHC/VHE. Soit 10,1% des patients VHE sont co-infectés avec un autre virus hépatotrope, ce qui n’est pas négligeable. Cependant, aucune association significative n’a pu être mise en évidence même après l’analyse multivariée. Ces résultats concordent avec ceux de S. Pischke en 2010 (154), mais diffèrent de ceux de M. Riveiro-Barciela en 2014. Ce dernier conclut que le VHC est une variable indépendante à l’absence d’anticorps sériques VHE, probablement suite au traitement du VHC chronique par ribavirine, thérapie également efficace sur le VHE chronique (105).

Dans ce travail, le VHA n’était pas associé à une infection VHE (OR :1,09) (p=0,83). A noter que cette variable est difficilement interprétable devant l’absence de données issues des dossiers médicaux des patients et la difficulté d’un statut virologique du VHA secondaire à une infection passée ou à une vaccination.

v Syphilis.

La découverte la plus remarquable de cette étude, est l’association hautement significative entre le VHE et les marqueurs sérologiques de la syphilis. Dans un premier temps, 34,2% de la population de PVVIH était porteuse des marqueurs TPHA/VDRL dont 24,1% TPHA positifs considérés comme une syphilis traitée et 10,1% de VDRL positifs considérés comme syphilis non traitée ou traitée tardivement. Parmi les patients VIH avec une syphilis possiblement traitée (TPHA +), 40,6% étaient séropositifs VHE versus 19,7% de

79 séronégatifs (p<0,05). Chez les VIH considérés comme non traités ou traités tardivement pour la syphilis (VDRL +), 20,3% de VHE étaient positifs versus 7,4% négatifs (p=0,002). Après confirmation par la régression logistique, les PVVIH porteurs des marqueurs VDRL ou TPHA, présentaient un risque plus élevé de séropositivité VHE, respectivement OR=3,79 ; IC95 : 1,66-8,66 (p=0,002) et OR=2,84 ; IC95 : 1,57- 5,14 (p < 0.05). Ces données permettent de s’interroger sur la transmission du VHE chez les co-infectés VIH/syphilis, et notamment sur certaines pratiques sexuelles plus à risque notamment les rapports oro- anaux, comme le suggère S. Lanini en 2015 (41). Cette hypothèse est plausible puisque des épidémies de VHA par transmission oro-anale, chez les MSM, ont été rapportées à de multiples reprises (155). Cependant, afin de compléter ces résultats, des études ultérieures sont nécessaires pour étayer cette hypothèse.

2.4.1.3.5 Retentissement hépatique chez les VIH/VHC.

Ont été considérés comme fibrose avancée, les sujets avec un score Métavir F3-F4 chez les VIH/VHC. L’exposition au VHE chez les PVVIH, pourrait être un facteur de risque d’aggravation des lésions hépatiques, notamment d’accroitre plus rapidement une cirrhose hépatique. En effet, R. Jardi en 2012, constate sur une population de VIH, une association entre la cirrhose du foie et le VHE (103). Données également retrouvées par M. Riveiro-Barciela en 2014, qui décrit une prévalence accrue de cirrhose chez les patients co-infectés VIH/VHE (105). Par conséquence, les dommages hépatiques constatés chez les patients exposés au VHE sont-ils une cause ou une conséquence de l’infection par le VHE ? Pour JA. Pineda en 2014, le VHE est plus fréquent chez les patients VIH présentant une cirrhose (malgré l’absence d’association significative retrouvée dans son travail), et suppose que la maladie hépatique préexistante augmente le risque d’exposition au VHE (106). Une étude Suédoise en 2017, retrouve une association entre le VHE et la présence d’une fibrose significative (156).

Enfin, la moyenne obtenue des fibrotests chez les séropositifs VHC/VHE était de 0,34 versus 0,41 pour les séronégatifs (p=0,20). Les fibrotests, chez les patients exposés au VHE, ont tendance à être plus faibles vis à vis des patients sans anticorps anti-VHE, signifiant des lésions hépatiques moindres chez les co-infectés VIH/VHC/VHE.

Parmi les 21 patients avec un score Métavir F3/F4, 4,7% étaient séropositifs versus 7,4% séronégatifs (p=0,99). Ces données suggèrent l’absence d’association statistique entre le VHE et la présence d’une fibrose avancée chez les co-infectés VIH/VHC. De part ce fait, il n’a pas été mis en évidence de retentissement significatif sur le foie chez les co-infectés VIH/VHC/VHE.

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