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Figure 2.3 – Photographie d’une zone dendritique se formant à partir d’une solution de chlorure d’ammonium. L’intervalle typique entre deux dendrites est de 0.5 mm et la profondeur de la zone dendritique (ou “mushy layer”) est de l’ordre de quelques centimètres (Worster, 1997).

La Terre se refroidissant, la graine cristallise lentement depuis le noyau liquide. Il est possible que cette cristallisation soit responsable de sa structure et de sa dynamique. Sa première caractéristique étonnante est l’anisotropie de ses propriétés élastiques. Cette anisotropie coïncide avec l’axe de rotation de la Terre. Cette propriété implique que les ondes sismiques ne se propagent pas à la même vitesse dans un plan nord-sud que dans

3. Ce nombre sans dimension quantifie le rapport entre l’advection du champ magnétique par l’écou-lement et sa diffusion liée au fait que le noyau n’est pas un conducteur parfait.

un plan équatorial (Poupinet et al., 1983). Il est également possible que la graine soit en super-rotation (Souriau, 2007) de l’ordre de 0− 0.3 degré par an dans les études les plus récentes et jusqu’à 3 degrés par an pour les plus anciennes (Su et al., 1996).

Tout comme le noyau liquide, la graine est constituée essentiellement de fer. De plus, la différence de densité entre la graine et le noyau ne peut pas être expliquée uniquement par la différence de phases. La teneur en éléments légers est plus petite dans le noyau (Birch, 1952, 1964) que dans la graine où elle est estimée entre 2 et 5 % (Jephcoat &

Olson, 1987; Stixrude et al., 1997; Fiquet et al., 2001).

La question de l’origine de l’anisotropie n’est pas encore tranchée et des dizaines de mécanismes ont été proposés. Nous nous attarderons dans ce manuscrit sur l’influence de la rotation sur la solidification d’un alliage binaire. Comme l’axe de rotation et l’axe d’anisotropie coïncident, et que de plus la contrainte de Proudman-Taylor impose une invariance selon l’axe de rotation, il est naturel de chercher un mécanisme exploitant cette constatation. Dans ce type de solidification fortement influencée par la rotation, le transfert de chaleur et d’éléments légers est privilégié dans les directions parallèles au plan équatorial. Yoshida et al. (1996) ont proposé que ce flux de chaleur anisotrope entraine un taux de cristallisation de la graine plus important au niveau de l’équateur qu’au niveau des pôles (Bergman et al., 2005; Glatzmaier & Roberts, 1998; Aubert et al., 2008). Cette croissance préférentielle induirait une recirculation dans le noyau liquide et par conséquent un champ de contrainte susceptible d’influer la direction de cristallisation.

Par ailleurs, une analyse de stabilité du front de solidification de la graine (Deguen, 2009) suggère qu’il est instable au sens de l’instabilité morphologique. Celle-ci a ten-dance à amplifier une déformation apparaissant sur le front de solidification, pour for-mer une zone biphasique, appelée zone dendritiques (cf. figure 2.3). Bergman (1997) a montré expérimentalement que ces dendrites, en surface, s’alignent préférentiellement dans la direction du flux thermique. Cette structure serait conservée en volume au fur et à mesure de la croissance de la graine. Beaucoup d’autres études ont été menées sur ce sujet, mais aucune n’a porté sur l’influence des effets de marée. Pour combler ce manque, nous avons commencé cette étude, les premiers résultats sont présentés dans la quatrième partie de cette thèse.

D’autre part, la convection induite par le relargage d’éléments légers lors de la cris-tallisation, prend la forme de fins panaches orientés vers le liquide et localisés dans des conduits dépourvus de solide, les cheminées (cf. figure 2.4). L’écoulement de re-circulation résultant se fait en volume dans la zone dendritique. En l’absence de ro-tation, ces cheminées prennent la forme de fins conduits, mais cette morphologie est-elle conservée dans le cas d’une forte rotation obligeant le respect de la contrainte de Proudman-Taylor ? Comment évoluent-t-elles en présence d’instabilité elliptique ? Nous répondrons à ces questions dans la quatrième partie de cette thèse.

Figure 2.4 – Développement des cheminées en zone dendritique dans une cellule de Hele-Shaw, vue en coupe (Deguen, 2009).

Chapitre 3

Techniques expérimentales de visualisation.

Ces travaux de thèse ont nécessité l’utilisation de différentes techniques afin de vi-sualiser la dynamique de l’écoulement. Des paillettes réfléchissantes1 ont été utilisées pour mettre en évidence les zones de cisaillement de l’écoulement. D’autre part, une technique de mise en oeuvre des cristaux liquides thermochromiques a été développée afin de visualiser les isothermes dans un écoulement. Nous en présentons le principe dans ce chapitre.

Figure3.1 – Photographie sous microscope (100µm×100µm) d’une solution concen-trée de Kalliroscope, possédant une large distribution de tailles (Gauthier et al., 1998).

1. de marque Kalliroscope

3.1 Les particules réfléchissantes.

Il s’agit en réalité de petites plaques planes faites en guanine, de taille moyenne 30× 6×0.07µm, mais avec une grande dispersion (cf. figure 3.1) et de densité 1.66 g.cm3. Nous avons utilisé des fluides de densité proche de l’unité, mais étant donné la petite taille des paillettes, leur vitesse de sédimentation est très faible, de l’ordre de 106m.s1, ce qui permet de négliger la sédimentation sur la durée d’une expérience (au maximum quelques heures).

Leur utilisation est facilitée par le fait qu’il s’agisse d’une méthode directe de vi-sualisation, et qu’elle présente l’avantage de donner des images très contrastées. Ces particules, du fait de leur géométrie particulière, sont orientées par l’écoulement et peuvent réfléchir de la lumière incidente différemment suivant leur place dans l’écou-lement et ainsi révéler sa structure. La plupart des auteurs qui utilisent cette technique mentionnent uniquement qu’elles s’orientent suivant les surfaces de courant ou selon les zones de cisaillement de l’écoulement. Cependant, le fonctionnement exact de ces particules n’est en fait pas très bien défini. Cette méconnaissance peut être un frein à la compréhension de la dynamique de l’écoulement. Dans cette optique, Gauthier et al.

(1998) ont mené une étude poussée qui compare la visualisation obtenue numérique-ment d’un ellipsoide plongé dans un écoulenumérique-ment connu aux visualisations expérimen-tales obtenues grâce aux particules réfléchissantes. Ils confirment notamment que cette technique est purement qualitative, la lumière réfléchie par les particules ne permet pas de reconstruire le champ de vitesse de l’écoulement. Ils remarquent aussi que le temps de mise à l’équilibre d’une particule est d’autant plus petit que le rapport d’aspect du conteneur est grand. Il s’agit d’un paramètre pouvant être important lors de la visualisa-tion de phénomènes transitoires. En revanche, il semblerait que l’intensité de la lumière réfléchie pourrait donner des informations sur le champ de vitesses de l’écoulement, no-tamment dans le cas d’un écoulement de Taylor-Couette, comme le suggère une récente étude (Abcha et al., 2008).