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INTRODUCTION – LE CARCINOME RENAL

1. Le carcinome rénal, un cancer complexe Anatomie et physiologie rénale

1.9. Nouvelles cibles thérapeutiques

Ces 15 dernières années, l’arsenal thérapeutique du carcinome rénal a été profondément modifié par le développement des thérapies antiangiogéniques, des inhibiteurs de mTOR et l’avènement de l’immunothérapie comme le nivolumab.

Malgré ces avancées et le gain en termes de survie pour les patients, les taux de réponse objective ne dépassent pas les 30-40%. De nombreuses cibles thérapeutiques sont donc également en cours d’évaluation dans le carcinome rénal métastatique.

1.9.1. Nouvelles cibles impliquées dans l’angiogenèse

L’angiogenèse étant un des mécanismes principaux impliqués dans le cancer du rein, c’est tout naturellement que de nombreuses équipes se sont intéressées à des thérapies permettant de la moduler.

Parmi les cibles en cours de développement, on peut citer la protéine ALK1, protéine de la superfamille du TGFb exprimée à la surface des cellules endothéliales et impliquée dans la signalisation de l’angiogenèse. Cette protéine présente un intérêt tout particulier puisque les voies de signalisation régulées sont indépendantes de celles du VEGFR. Des données précliniques montrent ainsi l’intérêt d’une combinaison entre un inhibiteur de ALK1, le dalantercept et un iTK anti-VEGFR (Wang et al., 2016). Une étude de phase I a confirmé ces données, avec un bon profil de tolérance (Voss et al., 2017) et une étude de phase II est en cours.

HIF-2a est une autre cible intéressante puisque de nombreuses études ont montré son rôle oncogène dans le ccRCC opposé à celui de son homologue HIF-1a, qui possède des caractéristiques suppressives de tumeur (Keith et al., 2012). Pour cette raison, deux molécules apparentées ont été évaluées dans des modèles précliniques et ont montré une efficacité sur des modèles orthotopiques de ccRCC et de métastases pulmonaires, le PT2385 et le PT2399. Ces molécules sont capables d’inhiber la dimérisation entre HIF-2a et leur partenaire HIF-1b et donc la transcription HIF-2a-dépendante (Chen et al., 2016; Cho et al., 2016; Wallace et al., 2016). Le PT2385 est actuellement en essais cliniques de phases I et II.

1.9.2. Cibles immunitaires

L’avènement de l’immunothérapie en thérapie anti-cancéreuse a permis de révolutionner la prise en charge des patients. C’est également le cas dans le RCC où le nivolumab et l’ipilumumab sont maintenant recommandés en première ligne chez les patients de pronostic intermédiaire et défavorable. Une dizaine d’essais cliniques est

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d’ailleurs en cours avec d’autres inhibiteurs de checkpoint immunitaire, notamment en combinaison avec des thérapies ciblées (Zarrabi and Wu, 2018). Différentes stratégies de modulation du système immunitaire sont à l’étude.

Les deux premières stratégies consistent à cibler les cellules immunitaires constituant le micro-environnement tumoral et capables de promouvoir le développement tumoral. La première stratégie consiste à inhiber l’activité du récepteur

CCR4 à l’aide d’anticorps bloquants qui entraîne une modification de l’infiltrat

immunitaire tumoral, avec un recrutement de cellules NK et une modification de la balance lymphocytaire CD4+ Th1/Th2 en faveur du phénotype Th1, possédant par conséquent une activité anti-tumorale (Berlato et al., 2017). Un anticorps bloquant, le mogamulizumab est d’ailleurs en essai clinique de phase I et II (NCT02281409 et NCT02946671). La deuxième stratégie s’intéresse aux macrophages associés aux

tumeurs ou TAMs (Tumor-Associated Macrophages). Les TAMs possèdent un phénotype

M2-like de type anti-inflammatoire et sont ainsi capables de promouvoir l’angiogenèse tumorale, l’invasion et l’extravasation et donc le potentiel métastatique des cellules, la croissance tumorale, la résistance aux traitements (Santoni et al., 2013). Pour ces raisons, ils représentent des cibles thérapeutiques de choix et différentes stratégies sont en développement préclinique : a) diminuer leur recrutement et leur accumulation (par blocage de l’action de cytokines telles que CCL2 ou CSF-1), b) « ré-éduquer » les TAMs vers un phénotype de type M1 pro-inflammatoire anti-tumoral (par l’utilisation combinée du ligand du TLR-9 et d’anticorps anti IL-10 par exemple), ou enfin c) par l’inhibition de molécules associées aux TAMs pouvant promouvoir l’angiogenèse (Santoni et al., 2013). Enfin, la troisième stratégie consiste à utiliser des vaccins antigéniques tumoraux. Pour cela, des monocytes des patients sont isolés, différenciés en cellules dendritiques et éduquées par contact avec du lysat tumoral. Les cellules dendritiques activées sont ensuite réintroduites chez le patient et montrent une réponse anti-tumorale médiée notamment par une réponse Th1 (Amato, 2003). Différents essais cliniques sont en cours.

1.9.3. Ciblage des cellules souches cancéreuses

Les CSC présentent également un intérêt tout particulier pour le traitement du carcinome rénal. Il existe ainsi différentes stratégies de ciblage spécifique des CSC. Les premières consistent à cibler directement des marqueurs de CSC identifiés (voir 1.5.6).

Le ciblage de CD105/endogline, qui est le marqueur le plus significatif dans l’identification des cellules souches cancéreuses et également exprimé par les cellules endothéliales, est à l’étude à l’aide d’un anticorps anti-CD105 induisant la mort des

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cellules l’exprimant par cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps (ADCC, antibody-dependant cell-mediated cytotoxicity). Le TRC105 (carotuximab), un anticorps monoclonal chimérique humain/murin dirigé contre le CD105 présente un intérêt tout particulier puisqu’il est capable de cibler des mécanismes de l’angiogenèse différents de ceux induits par le VEGF et les CSC rénales. Pour cette raison, il est entré en essai clinique de phase I et de phase II en combinaison avec l’axitinib (Choueiri et al., 2016a, 2018b, NCT01806064).

Le ciblage de CXCR4 est également à l’essai. C’est le cas notamment avec le LY2510924, un peptide cyclique liant CXCR4, qui est entré en essai clinique de phase II mais n’a pas montré d’intérêt en association avec le sunitinib dans le RCC métastatique (Hainsworth et al., 2016). L’utilisation d’interleukines semble également être prometteuse pour cibler les CSC. En effet, l’interleukine-15 (IL-15), qui présente un profil de toxicité moindre que celui de l’IL-2, a montré des effets de différenciation épithéliale des cellules CD105+, une abolition de leur tumorigénicité in vivo, et de leur capacité à former des sphères, deux caractéristiques majeures des CSC (Azzi et al., 2011).

Enfin, le ciblage des CSC pourrait se faire à l’aide de la protéine BMP2 (bone

morphogenetic protein 2). Il s’agit d’un membre de la famille du TGFb qui régule des

processus divers tels que la prolifération, la survie cellulaire, la différenciation. Des études dans le RCC ont montré que BMP2 inhibait la croissance cellulaire et induisait la formation de structures osseuses (Wang et al., 2012). La même équipe a montré ensuite que BMP2 était capable d’inhiber la capacité d’initiation de tumeur des CSC rénales (Wang et al., 2015). BMP2 représente en effet une cible intéressante puisque son inactivation par des mécanismes épigénétiques est associée à une survie moins bonne chez les patients atteints de RCC (Mitsui et al., 2015).