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INTRODUCTION – LE CARCINOME RENAL

1. Le carcinome rénal, un cancer complexe Anatomie et physiologie rénale

1.4. Facteurs pronostiques

1.5.3. Biologie du ccRCC

3p25-26 ccRCC multifocal et bilatéral

Hémangioblastomes de la rétine et du SNC, kystes et tumeurs neuroendocrines pancréatiques, tumeurs du sac endolymphatique, cystadénomes de l’épididyme ou du ligament large

Carcinome papillaire héréditaire MET 7q31 [2] pRCC de type 1 multifocal et bilatéral Aucune

Léiomyomatose héréditaire FH 1q42-43 [3]

pRCC de type 2 agressif, RCC des

tubes collecteurs Léiomyomes cutanés et utérins

Syndrome de Birt-Hogg-Dubé

(BHD) BHD [4] 17p11.2 chRCC, oncocytome, ccRCC multifocaux et bilatéraux

Lésions cutanées, kystes pulmonaires et pneumothorax spontanés Hyperparathyroïdie avec tumeurs des mâchoires HRPT2 [5] 1q25-32 Tumeurs mixtes épithéliales et stromales, pRCC

Tumeurs parathyroïdiennes, tumeurs ostéofibreuses maxillomandibulaires

Translocation constitutionnelle

du chromosome 3p ?/VHL [6] ccRCC mutifocal et bilatéral Aucune

Cancer papillaire de la thyroïde Inconnu pRCC, oncocytome Carcinome papillaire de la thyroïde

Tableau 3 : Formes familiales de RCC. Les gènes indiqués en vert sont des gènes suppresseurs de tumeurs inactivés, ceux en rouge représentent des oncogènes présentant des mutations activatrices. [1] : Latif et al., 1993, [2] : Schmidt et al., 1997, [3] : Tomlinson et al., 2002,

[4] : Nickerson et al., 2002, [5] : Carpten et al., 2002, [6] : Cohen et al., 1979.

1.5.3. Biologie du ccRCC

Voie VHL/HIF/VEGF

Une des principales voies touchées spécifiquement dans le carcinome rénal à cellules claires est la voie VHL/HIF/VEGF. En effet, le gène plus fréquemment retrouvé muté est le gène VHL (Gnarra et al., 1994; Creighton et al., 2013) (Figure 7). Sa perte complète est observée dans près de 90% des cas et se produit à la suite d’évènements génétiques (mutations ponctuelles, insertions ou délétions, perte du bras court du chromosome 3) et/ou épigénétiques (méthylation du promoteur). Cette perte constitue l’évènement précoce dit « driver ». Le gène VHL code la protéine VHL (ou pVHL). Cette dernière est un constituant du complexe E3 ubiquitine ligase responsable de la dégradation protéasomale des facteurs de transcription induits par l’hypoxie HIFs (HIF-1a et HIF-2a, hypoxia-induced transcription factors) (Gossage et al., 2015).

En normoxie, les sous-unités a (HIF-1a ou HIF-2a) sont hydroxylées sur l’un ou les deux résidus proline conservés par les hydroxylases PHD1, PHD2, PHD3 (prolyl hydroxylases 1, 2 et 3). La reconnaissance de cette forme hydroxylée par pVHL conduit à la formation du complexe constitué de pVHL, de l’elongin B (ELB), de l’elongin C (ELC), de la cullin 2 (CUL2) et de la protéine RING finger RBX1, responsable de la

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ubiquitinylation de HIFa hydroxylé et de sa dégradation protéasomale (Gossage et al., 2015).

En hypoxie, les PHDs ne sont pas actives, HIFa s’accumule, s’hétérodimérise avec son partenaire HIF-1b (ou ANRT, aryl hydrocarbon receptor nuclear translocator) permettant la fixation du complexe sur des éléments de réponse à l’hypoxie et la transcription de gènes impliqués dans l’adaptation à l’hypoxie (Figure 7).

Dans le ccRCC, la non-fonctionnalité de pVHL entraîne l’accumulation des facteurs HIFa, et ce même en normoxie et par conséquent la transcription de gènes cibles (Figure 7). Ces gènes cibles sont impliqués dans le transport et le métabolisme du glucose (GLUT1,

HK1, HK2), la migration cellulaire, l’angiogenèse (VEGFA, EPO, PDGFβ), la

dédifférenciation cellulaire (OCT4), la prolifération (TGFA, CCND1, PDGFβ), la régulation de l’érythropoïèse (EPO) ou le contrôle du pH intra-tumoral (anhydrases carboniques comme CAIX). Par ailleurs, de nombreuses études ont montré les rôles opposés de HIF-1a et HIF-2a dans la progression tumorale du ccRCC. En effet, HIF-2a régulerait préférentiellement des gènes impliqués dans la croissance tumorale et l’angiogenèse, tandis qu’HIF-1a régulerait préférentiellement l’expression de gènes des voies apoptotiques et de glycolyse (Keith et al., 2012).

Par ailleurs, la seule perte du gène Vhl chez la souris n’entraîne pas de développement de ccRCC (Kapitsinou and Haase, 2008). Cette étude démontre que la perte de VHL n’est pas suffisante et que d’autres évènements sont nécessaires pour le développement du ccRCC.

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27 Figure 7 : Principales voies moléculaires impliquées dans le carcinome rénal. Les molécules possédant une AMM pour le traitement du carcinome rénal avancé ou métastatique sont indiquées en rouge. Modifié de Rini et al., 2009. Voie PI3K/AKT/mTOR

De nombreuses analyses génomiques à grande échelle ont permis d’identifier d’autres gènes significativement mutés tels que PTEN ou MTOR (Creighton et al., 2013)

(Figure 8). Ces deux gènes font partie de la voie PI3K/AKT/mTOR, une voie de

signalisation intracellulaire activée en réponse à la fixation d’un facteur de croissance (EGF, HGF, IGF, PDGF) sur son récepteur à activité tyrosine kinase (rTK). Cette voie régule de nombreux phénomènes cellulaires : cycle cellulaire, prolifération, apoptose, angiogenèse.

L’activation du rTK entraîne le recrutement à la membrane de la PI3K (phosphatidyl inositol 3-kinase) qui déclenche une cascade de phosphorylation : la PI3K phosphoryle le PIP2 (phosphatidyl inositol diphosphate) en PIP3 (phosphatidyl inositol

triphosphate), qui va permettre à la PDK1 (phosphatidyl inositol 3-dependant kinase 1) Sunitinib Sorafénib Pazopanib Axitinib Cabozantinib Temsirolimus Everolimus pVHL pVHL Hypoxie Altération du gène VHL pVHL non fonctionnelle Normoxie et pVHL fonctionnelle Dégradation protéasomale de HIFα Cellule tumorale Cellule endothéliale Traduction protéique Cyclin D1 c-Myc Croissance cellulaire Survie cellulaire Transcription des gènes cibles de HIF Facteurs de croissance (HGF, EGF, FGF) Récepteur aux facteurs de croissance (MET, EGFR, FGFR)

Cabozantinib (MET) Lymphocyte T Bévacizumab PD-1 PD-L1 Nivolumab Cellule NK Interferon α Interleukine-2

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28 d’activer par phosphorylation la sérine-thréonine kinase AKT qui active alors la sérine-thréonine kinase mTOR (mammalian target of rapamycin) par phosphorylation directe ou indirectement par phosphorylation et inactivation de TSC2 (tuberous sclerosis complex 2).

mTOR peut ensuite s’associer à d’autres protéines pour former deux complexes (Dreyer et al., 2009) :

- mTORC1, en association avec Raptor. mTORC1 peut activer eIF4EBP libérant le facteur d’initiation de la traduction eIF4E et la kinase S6K1 (ou p70S6K). Cela entraîne la formation de polysomes et la traduction de la cycline D1 (prolifération), de HIF-1a et HIF-2a (angiogenèse) ou GLUT-1 (transport du glucose).

- mTORC2, en association avec Rictor. mTORC2 régule ensuite le cytosquelette et l’activité de la PKC (protein kinase C).

Cette voie est régulée, entre autres, par la phosphatase PTEN (phosphatase and tensin

homologue deteled on chromosome 10). PTEN régule la voie par déphosphorylation de

PIP3, inhibant de fait l’activation d’AKT (Figure 7).

Ainsi, les mutations touchant les gènes PTEN et MTOR impactent l’activité de cette voie. D’un côté, les mutations de PTEN sont des mutations inactivatrices, ayant pour conséquence une perte de régulation de cette voie. Les mutations de mTOR sont, elles, généralement des mutations faux-sens activatrices. L’activité de mTORC1 et mTORC2 est donc augmentée et la régulation des gènes impliqués dans la prolifération et l’angiogenèse également (Xu et al., 2016a). Figure 8 : Gènes significativement retrouvés mutés dans le ccRCC. (Creighton et al., 2013). Autres altérations Les études à grande échelle ont permis de mettre en lumière d’autres gènes ou voies impliquées dans le ccRCC. Les gènes PBRM1, SETD2, BAP1, KDM5C ou TP53 ont également été retrouvés significativement mutés (Figure 8) (Creighton et al., 2013).

PBRM1, SETD2, BAP1 et KDM5C codent tous des protéines impliquées dans la régulation

de l’expression des gènes par des mécanismes épigénétiques : PBRM1 fait partie du complexe SWI/SNF impliqué dans le remodelage chromatinien, SETD2 est une histone

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méthyltransférase, BAP1 fait partie du complexe Polycomb repressive deubiquitinase et KDM5C est une histone démethylase.

Il est intéressant de noter que les 4 gènes les plus souvent retrouvés mutés VHL,

PBRM1, SETD2 et BAP1 se situent tous sur le bras court du chromosome 3 (3p). Ainsi, de

la perte d’une copie du 3p résulterait une haploinsuffisance pour ces 4 gènes suppresseurs de tumeurs. Cette perte constituerait un évènement quasi universel et précoce (Hakimi et al., 2013).

Enfin, une étude globale récente, comparant les différents sous-types de RCC a montré que le ccRCC possède une signature immunitaire Th2 supérieure aux autres types, pouvant notamment expliquer la différence d’agressivité de ce type histologique (Ricketts

et al., 2018). Une autre étude publiée en 2016 avait comparé des échantillons de 19 cancers et avait montré que le ccRCC présentait le plus de signatures d’infiltration immunitaire, en lien avec un pronostic défavorable (Şenbabaoğlu et al., 2016). Ces résultats expliquent en partie la place et l’efficacité de l’immunothérapie, notamment par les inhibiteurs de checkpoints immunitaires comme le nivolumab, capable de lever le frein immunitaire lié à l’interaction entre PD-L1 exprimé par la cellule cancéreuse et PD-1 exprimé par le lymphocyte T.