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Prise en charge des états mentaux à risque à l'international

2. Nouvelle Zélande

2.1 L'intervention précoce en Nouvelle Zélande

Dans les années 1990, la Nouvelle Zélande a adopté une stratégie nationale pour le développement et la réorganisation des services de santé mentale, rendue possible entre autre par une augmentation des moyens financiers. Cette nouvelle stratégie a privilégié le développement de services spécialisés au sein de la communauté. La plupart des hôpitaux psychiatriques ont fermé leurs portes et certains services de soins «aigus» ont été transférés dans les hôpitaux généraux (Wilson, 2000; Mc George, 2008).

En parallèle de ce mouvement de désinstitutionalisation, la Nouvelle Zélande a rapidement adopté le concept d'intervention précoce, en s'inspirant notamment du programme EPPIC de leur voisin australien et des travaux de Ian Falloon, professeur de psychiatrie néo-zélandais. Le Pr Fallon est à l'origine de l'un des premiers programmes de soins intégrés pour psychose émergente, le programme Integrated Mental Health Care (IMHC), établi dans la région de Buckingham au Royaume Uni. Il est basé sur les interventions psychosociales dans la communauté et intègre pleinement les familles et aidants dans les soins (I. R. Falloon et al., 1998).

Les premiers services dédiés aux PEP ont vu le jour en 1996 et étaient au nombre de 18 en 2000. Un premier plan de santé mentale établi en 1998 indique que «tous les services travaillant avec des personnes développant des maladies mentales ont besoin de pratiquer des stratégies d'intervention précoce dans le but non seulement de prévenir et limiter les rechutes mais aussi de réduire ou prévenir le handicap et la perte sévère d'autonomie» et précise que «ces services devraient avoir un soignant pour 10 à 15 usagers» (New Zealand & Mental Health Commission, 1998).

Des recommandations spécifiques de l'intervention précoce ont d'ailleurs été publiées dès 1999. Elles définissent ses objectifs, ses principes directeurs et les compétences spécifiques requises pour ses équipes. Selon ce texte, la phase précoce comprend 3 stades: les prodromes, le stade aigu et la rémission. En ce qui concerne la phase prodromique, les recommandations néo-zélandaises semblent peu investir leur prise en charge par rapport aux autres pays occidentaux, et privilégier le premier épisode proprement dit. En effet, l'accent est mis sur l'importance de l'éducation de groupes spécifiques (parents, enseignants, médecins généralistes…), et sur la nécessité d'établir des liens entre soins primaires et services spécialisés. Mais, compte tenu du manque de spécificité des symptômes prodromiques et du peu de résultats scientifiques probants, les recommandations laissent aux équipes d'interventions précoces le soin de déterminer si la

prise en charge des individus à risque doit faire partie de leurs missions ou être confiée à des services plus généralistes (Mental Health Commission, 1999a).

En 2012, un deuxième plan de santé mentale réaffirmait l'importance de l'intervention précoce et la place de l'éducation et de la promotion de la santé mentale auprès du public. Dans ce domaine, la Nouvelle Zélande a fait de nombreux efforts. On peut citer à titre d'exemple le programme national d'éducation « Like minds like mind », lancé en 2000 et toujours d'actualité en 2019, qui vise à réduire la stigmatisation et la discrimination vis à vis des personnes atteintes de troubles mentaux et a obtenu une reconnaissance internationale (New Zealand & Mental Health Commission, 2012).

On relève en outre en Nouvelle Zélande une volonté affirmée d'adapter les soins à la population locale et notamment à la population Maorie. Ces derniers représentent environ 15 % des habitants mais sont plus fréquemment concernés par la maladie mentale (toutes pathologies confondues) que les non-Maoris (New Zealand & Mental Health Commission, 2012; Theuma et al., 2007). Leur conception de la santé mentale dépasse la seule absence de symptôme et englobe les dimensions mentales, physiques, spirituelles et familiales (Whanau). Les recommandations en matière d'intervention précoce s'attachent à apporter des soins adaptés à cette population, en intégrant la famille à la prise en charge, en employant autant que possible des soignants maoris et en veillant à toujours respecter les valeurs et la culture maories (Mental Health Commission, 1999a; New Zealand & Mental Health Commission, 2012).

Comme énoncé, la prise en charge des états mentaux à risque de transition psychotique semble moins développée en Nouvelle Zélande que dans d'autres pays anglo-saxons. On ne retrouve pas dans la littérature de services dédiés spécifiquement aux UHR; leur prise en charge repose essentiellement sur l'éducation du public, l'évaluation et le monitorage des symptômes. Cependant il existe de nombreux services d'intervention précoces à travers le territoire. Environ une trentaine est recensée par le site du centre Te Pou, un organisme national agissant en faveur des professionnels de santé mentale, d'addictologie et du secteur du handicap en Nouvelle Zélande.

2.2 Quelques exemples de services néo-zélandais

2.2.1 L'équipe d'intervention pour psychose débutante (EPIT) de la région sud

d'Auckland

Ce service accueille des patients de 16 à 30 ans présentant des symptômes psychotiques pour la première fois. Son site internet fournit une liste de signes d'alarme qui correspond à des signes prodromiques et à des symptômes psychotiques. L'adressage se fait par téléphone, par les professionnels, le jeune lui-même ou son entourage. Une fois la demande effectuée, l'équipe recontacte l'usager et ses proches (avec l'autorisation de ce dernier). La rencontre peut se faire aussi bien sur le site que chez le médecin traitant, dans un lieu communautaire ou à domicile.

L'équipe se compose d'un psychiatre, de psychologues cliniciens, d'infirmiers, d'ergothérapeutes, d'un travailleur social et d'un conseiller culturel. Le programme de soins est établi selon les besoins individuels du jeune et comprend le traitement pharmacologique, la psycho-éducation, la psychothérapie, l'intervention familiale, l'accompagnement social et le soutien à l'emploi et à l'éducation. L'EPIT travaille aussi aux côtés des soins primaires et des autres services de santé mentale où elle joue un rôle d'information et de supervision.

2.2.2 Le service d'intervention précoce pour la psychose de la région de Wellington Il admet des patients âgés de 13 à 25 ans, vivant un premier épisode psychotique. Les soins sont généralement proposés pour une durée de 2 ans, maximum 3 dans certains cas. Ils reposent sur le case management, le traitement médicamenteux, la psycho-éducation et la psychothérapie individuelle ou groupale, le soutien à l'éducation et à l'emploi et diverses activités occupationnelles.

2.2.3 Le service d'intervention précoce pour la psychose de Totara House de la région de Christchurch.

Il offre ses soins aux patients de 18 à 30 ans présentant un premier épisode psychotique. Le suivi se fait sur une durée de 2 ans. Parmi les interventions proposées, le service a mis en place un groupe de soutien

pour les familles, qui se déroule en quatre sessions traitant de la psychose, du rôle des toxiques, de l'impact sur l'avenir du jeune, de l'impact sur la famille et de la gestion du stress et des limites à poser.

Conclusion

La Nouvelle Zélande a connu dans les années 1990 une réforme de son système de santé mentale avec un transfert des soins vers la communauté et une augmentation des moyens alloués. Des plans de santé nationaux ont été mis au point, qui prévoient des campagnes de déstigmatisation et affirment l'importance des soins précoces en psychiatrie. Ces changements ont favorisé le développement de l'intervention précoce en Nouvelle Zélande. Ses acteurs sont particulièrement attachés au respect de la culture maorie et des populations du Pacifique. Ils s'adaptent à leurs valeurs et croyances, notamment par rapport à l'importance de la famille. Les recommandations prévoient d'ailleurs d'intégrer autant que possible des soignants de la même origine aux prises en charge. En revanche, il existe peu de dispositions claires en ce qui concerne les sujets à risque. L'attitude globale préconise essentiellement des mesures d'informations du public et des professionnels et de surveillance et laissent la question des soins à l'appréciation des services.

3. Canada

Introduction

À la suite des Australiens, les professionnels de santé mentale canadiens se sont rapidement enthousiasmés pour l'intervention précoce avec, parmi les principaux leaders, le Professeur Ashok Malla. Au Canada, le système de soins repose sur une couverture santé universelle, le «Canadian Health Act», financé par les fonds publics. Beaucoup d'habitants bénéficient aussi d'une assurance privée. Comme en Australie, il existe une double gestion fédérale et régionale. Par exemple, chaque province peut définir les services médicaux remboursés, dits "médicalement nécessaires", ou non. Les soins sont divisés en soins primaires, secondaires et supplémentaires. Les patients se tournent d'abord vers une structure qui coordonnera le parcours de soins ultérieur si besoin mais cela ne passe pas nécessairement par des médecins généralistes « gate keepers ». Il existe ainsi des soins psychiatriques primaires, alors que les services d'intervention précoce sont considérés comme des soins secondaires. Ceux-ci ne sont pas financés par le Canadian Health Act mais par les provinces, et dans certains cas ne sont pas remboursés, ce qui implique des disparités entre les provinces.

Les soins de santé mentale sont particulièrement concernés par cette hétérogénéité. Au début des années 2010, des réformes ont été entreprises avec la stratégie nationale « Changing lives, changing directions » dont les objectifs sont entre autres la prévention et la promotion de la santé mentale dans la communauté, l'accessibilité des soins, l'amélioration de la qualité de vie des malades et la lutte contre la stigmatisation. Le Canada compte environ 4700 psychiatres en activité sur son territoire, ce qui correspond à une pénurie, surtout dans les régions rurales. En 2014, le Canada disposait de 37 lits pour 100 000 habitants (comparé à 87 en France la même année et 39 en Australie).

3.1 Les débuts de l'intervention précoce au Canada

3.1.1 Le Programme d'intervention Précoce et de Prévention pour la Psychose (PEPP)

Un des premiers programmes du Canada est le Programme d'intervention Précoce et de Prévention pour la Psychose (PEPP), établi en 1997 à London en Ontario. Le PEPP est né d'un service déjà existant, dédié à l'époque au traitement des troubles schizophréniques. Il a alors commencé à prendre en charge les premiers épisodes psychotiques et a adopté deux composantes essentielles: un traitement médical et psychosocial en fonction du stade et un programme communautaire permettant une détection et un accès rapide aux soins.

côtés du jeune pour une durée de 2 ans minimum. Des interventions spécialisées sont également proposées; il s'agit des psychothérapies (de soutien ou cognitivo-comportementales en cas de symptômes anxieux ou dépressifs), des thérapies de groupe plus ou moins intensives et des interventions familiales. Le suivi médical avec le psychiatre se poursuit pendant 5 ans.

La détection précoce des cas se fait grâce à une vaste compagne de communication et de prévention auprès du public (dans les médias, lycées et universités, affichage dans les transports, les centres commerciaux, les pharmacies…). Une politique d'adressage très large et une première évaluation rapide, en 24 à 48H, dans le service ou au domicile sont également de rigueur. Les critères d'admission sont l'âge, compris entre 16 et 50 ans, et l'existence d'un trouble psychotique non affectif. Si l'évaluation initiale est positive, un diagnostic générique de trouble psychotique est posé et sera réévalué un an plus tard.

Les individus évalués comme à risque selon les critères de la PACE ne sont pas inclus dans le programme de soins mais peuvent bénéficier au centre d'un suivi clinique régulier.

Les premiers résultats du PEPP ont montré une efficacité en terme de taux de rémission, d'amélioration de la qualité de vie et de réduction de plus de 50 % de la DPNT (Malla et al., 2003). Ces résultats encourageants ont alimenté l'enthousiasme des professionnels et favorisé l'extension de l'intervention précoce à travers la province et le pays.

3.1.2 D'autres exemples en Ontario et au Canada

D'autres programmes d'intervention précoce ont vu le jour à la même époque. On peut citer parmi eux le programme PEP, né en 1997 au sein du CAMH de Toronto (centre d'addiction et de santé mentale), ou encore la Psychotic Disorder Clinic de la ville d'Hamilton, établie en 1997. Cependant cette dernière était alors intégrée au sein d'un service extrahospitalier prenant en charge tous types de troubles. Les premiers résultats se sont avérés bénéfiques, et ont permis de conclure à la faisabilité de tels projets (Archie et al., 2005).

Dès 1999 un plan de réforme en santé mentale nommé « making it happen » voit le jour. Ses principes sont tout à fait dans l'état d'esprit de l'intervention précoce. Il s'agit d'aider les patients à accéder aux soins, de favoriser la pluridisciplinarité des équipes et de promouvoir les soins dans la communauté grâce au case management, aux équipes de traitement intensif dans le milieu et aux équipes mobiles. Dans ce contexte, l'intervention précoce pour les troubles psychotiques devient une priorité.

Un groupe de travail Ontarien est créé également en 1999, afin de promouvoir le développement de l'intervention précoce en collaboration avec le gouvernement. Il se compose de programmes déjà existants, de structures de soins psychiatriques communautaires, d'usagers et d'associations de familles. En 2004, le ministère de la santé alloue au groupe de nouveaux fonds, ce qui permet d'élaborer et éditer un ensemble de standards pour le développement des programmes d'intervention précoce. Par la suite, des dizaines de services voient le jour dans la province.

La Colombie Britannique s'est aussi investie rapidement. L'intervention précoce y arrive en 2000 sous forme d'un projet de grande ampleur, avec l'implémentation de plusieurs services pilotes dans la province. En 2004 une évaluation est demandée par la Schizophrenia Society de Colombie Britannique: elle met en évidence une grande variabilité entre les services, et une meilleure qualité de soins au sein des structures dédiées à l'intervention précoce par rapport aux services « classiques » proposant en plus des mesures d'intervention précoce. Pour y remédier, des recommandations à l'échelle de la province seront élaborées plus tardivement, en 2010 (Tee, Ehmann, & MacEwan, 2003).

D'autres provinces ont vu naître des programmes dans les années 1990. On peut citer entre autres l'Alberta avec le Service de Traitement de la Psychose Débutante, établi à Calgary en 1996 par Jean et Don Addington ; ou encore la Nouvelle Ecosse avec le Programme de Psychose Débutante de Nouvelle Ecosse.

Depuis, le Canada s'est établi comme un des pays leader dans le domaine de l'intervention précoce. Cependant son développement reste encore inégal selon les provinces (Compton et al., 2008) (McDaid, 2016) (McGorry, 2015).

3.2 Etat des lieux des services d'intervention précoce actuels 3.2.1 En Ontario

3.2.1.1 Le PEPP-London aujourd'hui

Comme la plupart des services d'intervention précoce, le PEPP a plusieurs missions. La première concerne l'évaluation et la prise en charge des sujets psychotiques dans la phase précoce. Le PEPP est également investi dans la recherche et la formation des professionnels de diverses disciplines. Il existe quatre autres antennes du programme dans la région sud-ouest de l'Ontario.

Les critères d'admission dans le programme sont l'âge (entre 16 et 35 ans), la présence de symptômes psychotiques (dans le cadre d'un premier épisode), l'absence d'antécédent de traitement antipsychotique ou d'une durée inférieure à 30 jours, l'absence de trouble neurologique et l'absence d'usage de méthamphétamines dans les 3 mois précédents.

L'adressage peut être demandé par l'usager lui-même, ses proches, ou "n'importe quelle personne concernée", par exemple un enseignant. Un numéro de téléphone et un formulaire d'adressage sont disponibles en ligne. Si la demande est justifiée, un entretien s'en suit, généralement dans le service situé au sein du Victoria Hospital, un centre hospitalier universitaire.

La prise en charge est pluridisciplinaire, et adaptée aux besoins de chaque patient. Elle est offerte pour une durée de 3 ans. On retrouve parmi les différents services proposés un système de case management, des interventions médicales et psychologiques et des interventions familiales. Les psychothérapies proposées sont individuelles ou groupales. Ces dernières sont axées par exemple sur les addictions, les compétences scolaires, la socialisation, la lutte contre la stigmatisation ou encore la psycho-éducation. Les interventions familiales se font sous forme d'ateliers d'éducation, de groupes de soutien pour parents ou de groupes multifamilles (en présence du patient). Le parcours scolaire ou professionnel des jeunes est également soutenu par l'équipe.

Le PEPP-London est aussi un centre de recherche et s'intéresse particulièrement aux facteurs sociaux, environnementaux, neurobiologiques et psychologiques impliqués dans l'évolution et le pronostic des troubles psychotiques débutants. Le but étant de pouvoir identifier des facteurs modifiables sur lesquels agir (Malla et al., 2003).

3.2.1.2 PROSPECT

: une clinique destinée aux sujets à risque

Le programme PEPP-London comprend également un service dédié à la prise en charge des patients à haut risque de transition psychotique, la Prodromal Symptoms of Psychosis-Early Clinical Identification and Treatment, PROSPECT.

Ses objectifs sont l'évaluation, le monitorage et le soutien des jeunes à risque, la prévention ou au moins le retardement de la survenue d'un premier épisode psychotique, l'étude de l'évolution de la psychose et l'éducation des professionnels de la communauté sur ce sujet.

Le service s'adresse aux jeunes de 14 à 30 ans en recherche d'aide et présentant des signes d'alarme, à savoir des symptômes psychotiques atténués ou un épisode psychotique bref intermittent. Les critères d'exclusion sont la prise d'un traitement antipsychotique pendant plus de 14 jours, l'existence de troubles neurologiques et les troubles sévères de l'usage de substances.

De même que pour le PEPP, l'adressage peut être fait par la personne, ses proches ou un professionnel de santé via un numéro de téléphone ou un formulaire d'inscription en ligne.

L'évaluation initiale se fait en deux temps, avec un premier screening par téléphone dans un délai de deux jours puis l'évaluation proprement dite a lieu dans les 15 jours. Elle est réalisée par un psychiatre via la SIPS. Par la suite un suivi rapproché de l'état clinique ainsi que du fonctionnement scolaire, professionnel ou dans les autres activités est organisé. Les interventions thérapeutiques reposent essentiellement sur la psycho-éducation du jeune et de ses proches et sur l'apprentissage de stratégies de coping. Des thérapies de groupe peuvent également être proposées.

3.2.1.3 Toronto

Les services de santé mentale de Toronto disposent d'un système spécifique pour garantir le bon accès aux