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« Celui qui saurait d’avance ce qu’il a à écrire ou à lire ne l’écrirait ou ne le

lirait pas » Marc Richir (TL, p. 53)

En 1969, paraît, dans le cinquième numéro de la revue Textures, un article écrit en juillet 1968 et intitulé : « Prolégomènes à une théorie de la lecture » qui est, ici également, exemplaire. Car, il nous en dit long sur l’état d’esprit avec lequel est entrepris ce que Marc Richir qualifie « comme un chapitre ‘méthodologique’ à l’intérieur d’un travail consacré à Husserl et intitulé la fondation de

la phénoménologie transcendantale, 1887-1913 »310. Tout se passe, en effet, comme si des éléments

méthodologiques fondamentaux étaient avancés, de manière très précise et, somme toute, fort simple, eu égard aux difficultés des textes ultérieurs. Mais, nous allons essayer de montrer qu’ils faciliteront la compréhension des dits textes.

Dès la note introductive à l’article, écrite en février 1969, la référence à l’œuvre de Husserl est très forte. On sait que le dialogue avec elle, et sa lecture, seront incessants pendant les quarante années qui suivront, donc jusqu’à aujourd’hui. Ce rapport au père fondateur311 de la

phénoménologie doit être bien compris pour saisir le réaménagement qui en sera initié.

« C’est une réflexion sur l’œuvre étrange de Husserl Ŕ 45.000 pages d’inédits écrits journellement en écriture sténographique, 2.500 pages publiées du vivant du philosophe Ŕ qui présida à son élaboration. Œuvre étrange en ce qu’elle marque la clôture de la métaphysique dans son épuisant ressassement de la même difficulté fondamentale : l’impossibilité de fonder le Savoir sur l’intuition pleinement évidente, la rencontre d’un ‘reste’ irréductible Ŕ impossible à maîtriser Ŕ excédant la présence pleine. C’est la nécessité de repérer le mouvement subtil de ce ‘reste’ qui nous amena à produire cette ‘théorie de la lecture’ »312.

L’impossibilité, donc, à maîtriser le mouvement subtil d’un reste irréductible qui excède la présence pleine, l’intuition pleinement évidente, chez Husserl, a donc amené à cette théorie de la lecture. Ce qui frappe, d’emblée, c’est l’accent derridien, celui que nous avions déjà remarqué dans les textes de 1968 et de 1970, qui porte à la fois sur une temporalité saturée, pleinement

310 Marc Richir, « Prolégomènes à une théorie de la lecture » (TL), Textures n° 5 : Fictions, Bruxelles, p. 36. 311

Marc Richir est l’auteur d’un mémoire de philosophie consacré à Husserl. Ce travail a été défendu à l’Université de Bruxelles en 1968 sous la direction de Max Loreau.

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présente, et sur un résidu, irréductible différance, dont le mouvement immaîtrisable serait novateur et qui jouerait chez Husserl lui-même le rôle de montrer, par l’énormité de sa production, l’impossibilité de fonder le Savoir sur quelque chose de solide.

Ce qui est à souligner aussi c’est la manière dont Marc Richir se rapporte à Husserl. Ce sera, du reste, une constante. Quelque chose résiste chez Husserl qui, on le verra notamment avec les analyses concrètes portant sur la phantasia dans Phénoménologie en esquisses en 2000, permet d’envisager un au-delà à Husserl lui-même, au-delà que ce dernier a seulement entre-ouvert sans en tirer toutes les conséquences, et c’est dans les anfractuosités ainsi entre-ouvertes que Marc Richir ne cesse de s’engouffrer et qui fera, on le sait aussi, le lit de la refondation et de la refonte de la phénoménologie. Notons déjà aussi qu’il s’agit de l’immaîtrisabilité d’un mouvement extrêment subtil et labile, cela aura toute son importance par la suite pour comprendre ce qu’il en sera du phénomène et de sa phénoménalisation, et ce, jusque et y compris pour les textes publiés en 2011. Qui plus est, c’est à une théorie de la lecture et, nous le verrons, de l’écriture à laquelle Marc Richir nous convie ici afin de nous « permettre d’ouvrir la lecture à la ‘textualité’ du texte », pas seulement celui de Husserl, mais aussi du texte « quel que soit le ‘genre’ (littéraire) auquel la culture le réfère »313. « Cette théorie s’est étendue bien au-delà des textes husserliens, car » nous

dit encore Marc Richir, « c’est une nouvelle voie d’accès au texte philosophique en général qu’elle propose explicitement »314. Nous avons ainsi la possibilité d’entrer dans la méthode proposée pour

envisager de nous introduire plus avant dans l’analyse des textes relatifs aussi bien à la fondation de la phénoménologie transcendantale qu’au texte philosophique en général et, in fine, qu’à tous les textes. Ce n’est donc pas rien. La fin de la note est tout aussi surprenante puisque après avoir précisé que la lecture est avant tout une pratique, il se peut bien qu’ « une telle théorie générale » soit « impossible, dans la mesure où la pratique de la lecture est impossible à maîtriser »315.

Curieuse contamination de l’irréductible immaîtrisabilité résiduelle à la méthode elle-même. Et voilà le cœur de la réflexion qui surgit :

« Si l’on pense que ce qui constitue la spécificité de celui-ci (le discours husserlien) est un

mouvement in-fini, emporté par un excès qui ne peut être arraisonné Ŕ mis à la raison -, … on comprend

mieux que toute interprétation est condamnée à laisser échapper ce mouvement »316 (nous

soulignons).

Le mot est à nouveau le même, mouvement, et on sait que le traitement de la question qu’il recouvre a et aura un parcours singulier dans les textes de Marc Richir tout au long des quarante années qui suivront et qui ne cessera, car même en 2008, le mouvement sera encore au centre des

313 TL, p. 36. 314 TL, p. 36. 315 TL, p. 36. 316 TL, p. 38.

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préoccupations dans les Fragments phénoménologiques sur le langage et encore dans les Variations sur le

sublime et le soi en 2010 et en 2011. Mais il serait légitime de nous poser la question de savoir de

quel mouvement il s’agit ? La réponse fuse ici sous forme d’une interrogation : ne serions-nous pas obligé « à nous demander si toute pensée n’est pas d’abord mouvement ? »317 (nous soulignons). Donc

le mouvement in-fini en quoi consiste toute pensée ? Par là, nous serions loin des déterminations univoques qui figeraient la pensée dans des concepts, dans des « points que tente de repérer l’interprétation »318. En revanche, la pensée, dans son mouvement, serait plus proche des

« constructions provisoires » de l’œuvre de Husserl, surtout dans ses recherches inédites, « et constituer tout autre chose qu’un calme assemblage de matériaux Ŕ de concepts Ŕ tous faits »319.

Pour Husserl, écrit Marc Richir, et nous citons le texte en son entier tant il nous semble receler d’éléments fort importants pour la compréhension de toute l’entreprise richirienne :

« il faut donc admettre que la construction des grandes œuvres publiées devait s’effectuer contre les difficultés que posaient les recherches inédites », « Autrement dit, cette construction doit elle- même être conquise grâce à un mouvement d’effacement des difficultés surgies ailleurs. Elle ne va donc pas sans effacement. Pour cette raison, elle est aussi mouvement, mouvement qui construit en même temps

qu’il efface. Par là, elle est inséparable et irréductiblement contaminée par l’effacement, et le double mouvement de construction et d’effacement se donne comme un mouvement unique »320 (nous soulignons).

Il faut que nous nous arrêtions ici un moment, car c’est la troisième fois (la première c’était dans « Le Rien enroulé », la deuxième dans « ‘Grand’ jeux et petit ‘jeu’ ») que Marc Richir avance ce concept, qui sera extrêmement fécond, de mouvement, de mouvement in-fini, de double-mouvement et, qui plus est, de double-mouvement comme mouvement unique. Nous verrons qu’il est et sera un moteur philosophique essentiel pour comprendre les enjeux de la refondation et de la refonte de la phénoménologie car il focalisera sur lui le cœur de ce que sera la dimension proprement phénoménologique dans ses arcanes spatio-temporels les plus dynamiques et que nous synthétisons sous le vocable d’ ‘ogkorythme’. Ce sera aussi bien, par exemple et anticipativement, le double-mouvement de la phénoménalisation du phénomène (nous y viendrons bien évidemment dans tous les détails) dans le schématisme, que le mouvement du revirement incessant (exaiphnès) du clignotement phénoménologique, celui du battement en éclipses du clignotement, que celui, entre autres, du sens vers lui-même, qui viendront actualiser ce qui est ici engagé, comme à titre quasi expérimental, dans cette théorie de la lecture comme nouvelle voie d’accès au texte et à l’ ‘ogkorythme’.

317 TL, p. 38. 318 TL, p. 38. 319 TL, p. 39. 320 TL, p. 39.

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Ainsi, nous pouvons déjà avancer que le mouvement, tel qu’il sera explicité phénoménologiquement par Marc Richir dans l’ensemble de ses textes, sera le lieu d’investigation, à géométrie variable, de ce qui parviendra à échapper aux déterminations de ce qu’il appellera plus tard l’institution symbolique qui fixe la pensée dans un carcan défini d’avance par la culture où le mouvement est comme réifié. Il faut donc arriver à penser un double-mouvement

comme mouvement unique. Ce qui veut dire que ce mouvement ne l’est pas de quelque chose,

seulement mouvement, mouvement pur, de lui-même devrions-nous dire ; ce qui ne fait que relancer l’énigme en nous demandant ce que cela peut bien vouloir dire un mouvement de mouvement. Ici, dans ce texte, les choses paraissent, somme toute, assez simples. Le mouvement de construction du sens ou des sens du texte ne peut se construire que sur base d’un autre mouvement, qui est mouvement d’effacement des autres sens, et inversement. Comment, d’ailleurs, penser autrement la possibilité « de l’émergence de nouveautés », du « surgissement du neuf »321, « si l’on s’en tient à une conception statique de la culture »322. « Pour que d’autres

pensées soient apparues depuis Platon et Aristote, il faut que la tradition métaphysique soit autre chose qu’une configuration fermée de points », ce qui revient à dire que l’émergence du neuf n’est possible que par l’excès, « impossible à centrer »323 (nous soulignons), d’un « ailleurs indéfini (et

informel) »324 qui fait irruption dans le « cadre théorique préétabli »325 des concepts déjà figés de la

culture et de la tradition.

On voit que la notion de point est déjà présente dans ce texte. Elle a toute son importance en ceci qu’elle associe le point à l’espace constitué de la tradition métaphysique, le lieu minimal qui définit précisément ce qu’il en est du sens institué. C’est l’orientation spatiale pré-déterminée par la culture que le point représente auquel précisément le mouvement tente d’échapper comme mouvement sans point, sans corps mobile repérable, pur mouvement de ‘lui-même’.

Reprenons les choses : « Ne peut-on appliquer à toute pensée, au moins à toute pensée originale, ce que nous venons de dire du mouvement qui doit se constituer dans les œuvres publiées du vivant de Husserl ? »326. Il semble que oui, à condition de bien comprendre qu’ « il est impossible

de rendre compte de l’historicité essentielle et interne d’une évolution culturelle, de l’émergence de nouveautés en son sein, si l’on s’en tient à une conception statique de la culture » et, pour cela, « il faut que la tradition métaphysique soit autre chose qu’une configuration fermée de points »327. Il faut donc qu’ « entre ses thèses et ses concepts doit jouer quelque défaut

321 TL, p. 50. 322 TL, p. 40. 323 TL, p. 41. 324 TL, p. 42. 325 TL, p. 41. 326 TL, p. 39. 327 TL, p. 40.

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d’articulation qui couvre ce que Heidegger appelle l’impensé d’une pensée. Cet impensé ouvre toute pensée sur un ailleurs qui lui échappe »328. Marc Richir conclut en quelque sorte ce premier

mouvement de sa pensée en affirmant :

« que toute pensée s’enlève contre cet ailleurs qu’elle biffe en se constituant, donc que toute pensée est un même

mouvement de construction et d’effacement », « mouvement de construction-effacement »329 (nous soulignons).

C’est justement ici qu’intervient un passage sur la phénoménologie du mouvement qui construit et biffe en même temps :

« Mais si toute pensée est mouvement, en quoi la pensée husserlienne se différencie-t-elle des autres pensées philosophiques ? C’est là précisément que se pose pour nous le paradoxe central de la phénoménologie, à savoir qu’elle ne s’est jamais refermée en système et n’est jamais parvenue à biffer entièrement son ailleurs d’une manière qui la satisfasse »330.

Ce sera pour Marc Richir l’occasion de visiter sans relâche les textes de Husserl dans un mouvement qui n’a pas de fin. Ce dernier constituant une dynamique de lecture proprement phénoménologique. En bref, les textes husserliens « sont ouverts à l’excès d’un ailleurs impossible à

centrer »331 (nous soulignons). Un reste irréductible et immaîtrisable, en mouvement, semble les

recouvrir.

C’est, du reste, a contrario, une illusion de croire que « l’interprétation pouvait, à l’égard des textes philosophiques classiques »332 en exhiber la cohérence et présumer les intentions profondes

des auteurs. C’est ce qu’a largement montré, et Marc Richir de le souligner en note, Derrida par « le mouvement par lequel s’enlève la construction des pensées considérées comme classiques »333 comme sa lecture de Platon dans « La Pharmacie de Platon », celle de Rousseau

dans De la Grammatologie, et celle qu’a faite Loreau de Platon et de Hegel dans son article paru dans la revue Textures : « Art, Culture, Subversion ». Ceci montre déjà à suffisance que Marc Richir semble baigné par ces lectures, ce qui n’est pas sans rapport avec ce qu’il avance ici dans son texte. Il n’est donc pas étonnant que nous retrouvions de multiples accents derridiens et loreautiens qui s’avéreront décisifs pour l’avenir de la pensée de Marc Richir. Nous allons le constater à bien des égards. C’est la raison supplémentaire pour laquelle il nous paraît indispensable d’analyser dans les détails ses premiers textes.

328 TL, p. 40. 329 TL, p. 40. 330 TL, p. 40. 331 TL, p. 41. 332 TL, p. 40. 333 TL, p. 40, note 1.

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Le mouvement dont il est ici question sera celui qui reviendra en permanence dans tous les textes ultérieurs, bien sûr avec des variations d’intensité, et dans des contextes différents, que nous examinerons en profondeur et que nous déclinerons au fur et à mesure. C’est donc toute l’atmosphère très particulière et très subtile de la phénoménologie richirienne qui s’amorce au travers de cette mobilité ‘ogkorythmique’ fondamentale en gésine.

« Comment », dès lors, écrit Marc Richir, « échapper aux points repérables dans la tradition » et « comment éviter de se précipiter sur les thèses avouées d’une pensée pour rester libre, attentif à son mouvement ? »334. Voilà la question autrement posée. En réponse, Marc Richir nous invite à

« aborder le texte avec une ‘attention librement flottante’ »335 semblable à celle du psychanalyste

qui s’abstient de « privilégier telle ou telle thèse »336. Il s’agit, en définitive, « de s’efforcer de

n’appliquer aucune grille aux textes, de s’abstenir de les ‘figer’ en thèses et en concepts que l’on puisse référer à un cadre théorique préétabli »337. N’est-ce pas là une attitude phénoménologique

qui fait penser à la suspension, à l’épochè ou la réduction phénoménologique ? Oui, répond notre philosophe. « On reconnait curieusement ici le concept de réduction phénoménologique »338. Car,

« aborder le texte avec une attention flottante revient à doubler le regard qui s’empare des formes conceptuelles constituées et repérables dans la tradition, d’un non-regard qui s’abstient de leur ajouter foi »339. Ce non-regard « ôte à l’esprit la tentation de reconstruire pour soi une

constellation de points qui soient intégrables dans la tradition »340. Enfin, ce non-regard ouvre le

regard interprétatif « sur un ailleurs indéfini (et informel) qui mine la ‘précipitation’ interprétative et suspend sa prétention à enfermer les affirmations du texte dans une structure qui est celle de la tradition »341. Et Marc Richir de résumer son propos avec cette phrase : « Le non-regard flottant

entraîne donc l’irruption d’un in-fini in-formel auprès du fini formel que la précipitation interprétative tend à intégrer »342. Ce qui entraîne « l’ouverture de directions de sens en jeu

indéfini, tout autre sens peut être accueilli et rendu intelligible à son tour par une nouvelle interprétation locale »343.

Mais n’y a-t-il pas le risque de sombrer dans ce « jeu informel »344, dans la perte ou la dépense

pure du sens ? « Comment se comble le permanent déficit de sens qu’engendre le jeu de l’in-fini

334 TL, p. 41. 335 TL, p. 41. 336 TL, p. 41. 337 TL, p. 41. 338 TL, p. 42. 339 TL, p. 42. 340 TL, p. 42. 341 TL, p. 42. 342 TL, p. 43. 343 TL, p. 43. 344 TL, p. 43.

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informel ? »345. « Tout le mystère Ŕ que nous ne prétendons pas ‘élucider’ ici » précise Marc

Richir « Ŕ est précisément que la pensée ne peut supporter ce déficit sous peine de sombrer dans le chaos du non-sens, de mourir dans une dépense pure du sens. Pour se soutenir à elle-même »,

« la pensée doit se temporaliser, c’est-à-dire vicarier la mort du sens par l’engendrement d’un temps »346 (nous

soulignons)

qui sera « un mouvement d’interprétation »347 (nous soulignons), et non plus une interprétation

définie.

« C’est précisément grâce à cet engendrement que le contenu autre est accueilli comme autre en étant ajouté et non simplement juxtaposé dans un avancement aveugle a-temporel. Par cette adjonction, la pensée se constitue son présent, son passé et son avenir et articule les sens qu’elle accueille en les faisant accéder à la présence »348.

Voilà le texte dans toute sa densité philosophique. La pensée, dans son mouvement infini, temporalise les sens en présence et

« la pensée se construit en se temporalisant »349 (nous soulignons).

Elle ne s’arrête pas en chemin, elle chemine vers elle-même, et, par là, se constitue à travers les sens qu’elle accueille tout en se temporalisant comme pensée en mouvement. « Grâce au jeu informel mis en jeu, la pensée, pour se sauver de l’évanouissement, puise dans toutes (ce ‘tout’ étant a priori indéfini) les ressources possibles de la langue pour élaborer une chaîne conceptuelle qui n’est pas a priori celle que fournit la tradition culturelle »350. En définitive :

« la pensée doit se mettre en mouvement et c’est par cette nécessité même qu’elle peut accueillir la nouveauté d’un discours philosophique »351.

Ce tout a priori indéfini, dans lequel la pensée va puiser, fait déjà penser à ce que sera plus tard chez Marc Richir, avec ses multiples ressources, le champ phénoménologique lui-même, le lieu et la temporalité où une infinité se déploie, se schématise sans fin dans l’ ‘indéterminaison’. C’est l’irruption, d’un ailleurs, d’un in-fini in-formel. Et, de son côté, la tradition culturelle sera à son tour définie comme l’institution symbolique où seront données les déterminations. C’est le fini formel de la tradition. Donation symbolique des déterminations de sens par la culture et non- donation phénoménologique des indéterminations de sens par la pensée en mouvement sont en

345 TL, p. 44. 346 TL, p. 44. 347 TL, p. 44. 348 TL, p. 44. 349 TL, p. 49. 350 TL, p. 45. 351 TL, p. 45.

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quelque sorte déjà à l’œuvre dans ce texte de 1968. Sens symbolique et sens phénoménologique se rencontrent dans l’ébauche de leur élaboration philosophique par la construction de cet espace de pensée inédit.

Mais, ce qui est encore plus important ici, c’est surtout la dynamique de la relation entre deux mouvements en un mouvement unique et donc, pour nous, la matrice de la possibilité d’une pulsation dont la mobilité est extrêmement subtile, car infinie, par l’impossibilité de venir arrêter le mouvement pulsatoire. Voilà pourquoi Marc Richir parle de mouvement unique et qui caractérise encore plus précisément notre concept d’ ‘ogkorythme’ ici en formation. Il est, in fine, très difficile à concevoir car il est sans cesse mouvement, il se reprend incessamment lui-même sans jamais se stabiliser, faute de quoi il se figerait en déterminations conceptuelles fixes. Ce mouvement ne se maîtrise pas, il s’emporte. C’est le mouvement qui fait que la pensée s’arrachant de cet in-fini in-formel, en biffant cet ailleurs irréductible excédant, se construit sans savoir comment elle se construit.

« La pensée ne sait pas ce qu’elle biffe en se mettant en mouvement. Elle ne sait donc pas comment elle s’arrache de