• Aucun résultat trouvé

« telle une arche dont les piles sont encore à fonder » Marc Richir (GJPJ, p. 5)

En 1968, paraît dans la revue Textures268, dans son numéro 3-4 ayant pour objet mai 1968, un

article intitulé « ‘Grand’ jeu et petits ‘jeux’ ». C’est le deuxième article publié269 par Marc Richir.

265 RE, pp. 23-24. 266 RE, p. 24. 267 RE, p. 24. 268

La revue Textures a été fondée par quelques étudiants en philosophie de l’Université Libre de Bruxelles en avril 1968 (premier numéro) dont font partie, entre autres, Jacques Dewitte, Robert Legros, Luc Richir, et, bien entendu Marc Richir. Il faut souligner l’Importance capitale de cette revue où Marc Richir publiera de

nombreux articles décisifs. Max Loreau, professeur de Marc Richir, qui l’a formé, en tout cas pour une part, participe très activement à la revue. Loreau démissionne de l’ULB en octobre 1969. Dans ses éléments

biographiques, Eric Clemens ajoute : « l’atmosphère (de l’Université), en totale contradiction avec ‘le mythe de la recherche qui y fleurit’, lui apparaît insupportable. Renonçant à faire tout à moitié, incapable de se résigner à la répétition ou au pastiche, il part réaliser ses projets, creuser son propre sillon, se consacrer à l’écriture » De la création, 1998, p.273. Quant à Francine Loreau, voilà ce qu’elle écrit à son propos : « L’écriture, Max Loreau ne s’y voue entièrement qu’à partir de 1969, après avoir démissionné de la chaire de philosophie moderne et d’esthétique qu’il occupait depuis moins de 5 ans à l’Université Libre de Bruxelles, où il avait fait ses études… Il lui était devenu insupportable de mener de front ces tâches contradictoires, l’enseignement de la philosophie et le travail proprement philosophique » (in La Part de l’œil, 1998, N°14, p.11). On sait que Marc Richir, de son côté, quittera la Belgique pour le Mont Ventoux en 1975 afin de se consacrer, lui aussi, à son travail. Il gardera son poste à l’Université en tant que chargé de cours et restera chercheur au F.N.R.S jusqu’à sa retraite en 2008. Il aura donc fait le voyage pendant les semestres de cours, tous les quinze jours, pendant de longues années,

99

Ce dernier y commente un ouvrage de Cohn-Bendit qui a comme titre : Le Gauchisme, Remède à la

maladie sénile du communisme. Cet auteur, comme le souligne Marc Richir d’emblée, tente d’y

dégager l’essentiel des perspectives d’avenir après les événements de 68 et son mouvement révolutionnaire. Le plus important, note Cohn-Bendit, est de « retourner l’arme contre toute société, en y disant ce qu’on a pu dire longtemps avant et pendant le événements »270 (Cohn-

Bendit, cité par Marc Richir). Marc Richir écrit que c’est ce propos qu’il va « tenter de (re)prendre à la lettre : ‘Retourner l’arme’ ne peut consister qu’à utiliser son autre tranchant, à en (re)venir à l’autre face de l’idée, au produire qu’elle efface en pro-duisant son apparaître, à ce que l’idée constitue comme son fonds sur quoi elle fait fond »271 (nous soulignons). Revenir et/ou venir donc à ce

qui a façonné l’idée, à ce qui l’a enfantée, produite, voilà l’ambition. Ce sera d’ailleurs, au fond, celle de toute l’entreprise richirienne : faire retour sur les fonds baptismaux, sur les conditions de possibilités (de production) de l’apparaître de l’idée, afin de réengendrer le monde à nouveaux frais en retournant l’arme contre les prétentions ontologiques de la philosophie, de la métaphysique et, in fine, de la phénoménologie, à un univers centré, tout fait, fini, proprement résolu. Retourner au produire que l’idée efface en produisant son apparaître, retourner à sa phénoménalisation dira plus tard notre auteur, à ce fonds qu’en général elle oublie, qu’elle efface pour se constituer comme idée dès lors instituée au sein de l’institution symbolique de la société. Mais, néanmoins, base sur quoi l’idée s’édifie. Venir et/ou revenir à ce qui constitue le mouvement de surrection de l’idée qui apparaît, ou plutôt ici mouvement d’insurrection contre la société tout entière. Nous avons donc l’idée de l’origine, du lieu d’origine de l’idée, de son fonds en mouvement sur lequel elle s’édifie comme idée. Par là, « notre ambition », poursuit Marc Richir, « est de repérer l’impureté », dans ce retournement, « de jouer ce qui se conserve dans ce qui se supprime, de subvertir le ‘reste’ idéologique de toute Aufhebung »272. Terme traduit par

relève. En note, Marc Richir précise que ce « terme (relève) » est « utilisé comme on sait par J. Derrida pour traduire le concept hégélien d’Aufhebung ». En résumé, quelque chose échappe à la relève, un reste irréductible, une impureté qui se marque dans le texte de Cohn-Bendit « du passage de la contestation à la ‘contestation’ »273. Qu’est-ce à dire exactement ? Marc Richir

répond dans une longue note au bas de la page 7 qu’il nous semble indispensable de citer entièrement car s’y trouvent des éléments susceptibles de mieux comprendre la démarche richirenne à ses débuts, même si celle-ci est encore prise dans des références extrinsèques à la

pour deux jours de cours intensifs. Gageons que ce rythme aura été de nature à favoriser son travail de phénoménologue. 269 Voir note n° 309. 270 GJPJ, p. 6. 271 GJPJ, p. 6. 272 GJPJ, p. 7. 273 GJPJ, p. 7.

100

phénoménologie proprement dite et liées au contexte historique, politique et philosophique de l’époque. Que dit la note :

« Nous entendons par là qu’il ne s’agit pas pour nous de conquérir, dans une démarche pleinement assurée de soi, un concept pur et stable de contestation qui se laisserait dépeindre simplement comme une présence pleinement Ŕ purement Ŕ différente d’un autre concept Ŕ ‘idéologique’ Ŕ de contestation, mais au contraire de repérer l’excès qui emporte la contestation ‘au-

delà’ de toute conceptualisation dans un mouvement, dont la non-maîtrise ‘indique’ dans le creux

qu’elle dessine, l’impossibilité de sa saisie dans un concept. L’impureté dont nous parlons ‘consiste’ en ce que cette indication ‘est’ un geste qui, littéralement, montre un rien, une non-présence qui n’est pas une absence, et qui ne peut-être érigée en idéalité signifiée. Le passage de la contestation à la ‘contestation’ est impur dans la (dé)mesure où il est in-signifiant, de l’insignifiance d’un jeu »274 (nous

soulignons).

Notons que les mots ‘mouvement’ et ‘rien’ ont été soulignés en gras par Marc Richir lui-même, ce qui a toute son importance. On peut d’ores et déjà faire remarquer que la paroi sur laquelle Marc Richir pense est décidément très glissante. « Nul doute que celle-ci (l’impureté) », précise-t-il, « nous échappe, à nous aussi, et nous glisse entre les doigts »275. Commentons ce texte

extrêmement riche, déjà truffé d’indications très précieuses, afin de bien comprendre ce dont il s’agit dans le chef de Marc Richir. Cette note de trois lignes anticipe, de manière tout à fait remarquable, à la fois l’esprit phénoménologique de Marc Richir mais également à la fois toute l’ambition philosophique de notre auteur, celle de faire vivre par un mouvement un au-delà du concept qui, pour impossible qu’il soit d’être conceptualisé, montre néanmoins un rien, une non- présence, mais qui n’est pas dans l’orbe de l’idéalité. Si nous y réfléchissons bien, cette note comporte dans ses flancs l’essentiel de ce que sera le projet global de refondation de la phénoménologie tout entière, et qui se manifestera plus de quarante années plus tard, à nos yeux, par une solide métaphysique phénoménologique qui considérera plusieurs types de mouvements, hors espace et hors temps, qui tous participeront à ouvrir une architectonique, elle-même faite de riens non spatiaux et non temporels, en laquelle nous reconnaissons l’action profonde de notre trame problématique ‘ogkorythmique’. Soit donc, un mouvement impossible à saisir dans un concept, immaîtrisable, subversif. Un emportement. Un excès qui s’emporte lui-même, telle une impureté irréductible, et qui emporte au-delà de toute conceptualisation. Un geste qui montre un rien qui ne peut devenir idéalité signifiée, qui échappe. Une non-présence qui compte. L’insignifiance d’un jeu. Une démesure sans relève. Une contestation pure, originaire, inassimilable par l’idée, les idées, la culture.

274

GJPJ, p. 7.

101 « Toutes les révolutions ont connu leur ‘déviation’ ou leur ‘authenticité gauchiste’. D’où vient ce retour insistant de ce qui jusqu’ici a toujours été effacé ? Serait-ce que l’effacé continue à jouer dans l’effacement ? Par quel jeu le nouveau du passé revient-il dans le passé du passé ? Et comment le passé n’est-il pas définitivement passé, comment une ‘part’ du passé résiste-t-elle à la mort que voudra lui infliger le présent pour le compte de l’avenir ? Y aurait-il à l’œuvre ‘derrière’ le temps linéaire des historiens un autre temps qui conserve le passé dans le présent et le détourne vers l’avenir ? Telles sont les énigmes qu’il faut penser si l’on veut prendre ce texte à la lettre »276.

En somme, ces questions à propos du temps, et ces énigmes, sont déjà celles que Marc Richir ne cessera de se poser tout au long de son itinéraire. Derrière elles, c’est la possibilité de penser une autre temporalité que celle, linéaire Ŕ ici des historiens mais ce sera aussi celle des philosophes et de la phénoménologie Ŕ et continue, permanente et sans faille, du temps classique. Un autre temps où une part du passé résiste et résiste tellement fortement que le temps linéaire classique est bouleversé. En effet, cette part du passé serait agissante, derrière ce temps, dans une temporalité autre qui le ferait agir jusque dans l’avenir. Le passé serait toujours à venir. Il n’y aurait pas de terme dans cette nouvelle temporalité où le passé, le présent et le futur sont renvoyés à leur entrelacement originaire qui défait la ligne du temps. Cela aura son importance dans les textes postérieurs, notamment avec la question de la temporalité transcendantale des phénomènes hors langage et de la temporalisation en présence sans présent assignable des phénomènes de langage. Nous y viendrons longuement. Mentionnons-les juste ici, en précisant que cette attirance vers une autre forme du temps est intimement liée ici avec le mouvement inédit dont il a commencé à nous montrer l’action.

« L’histoire nous enseigne que tout mouvement révolutionnaire, à un moment de son développement, se trouve dé-porté dans ce qu’on peut désigner idéologiquement par la ‘dynamique’ du mouvement, et que l’idéologie contre-révolutionnaire nommera ‘l’anarchie’ »277.

Ce mouvement est emporté par sa propre dynamique, il s’emporte littéralement, il est donc, étymologiquement, anarchique. « Pour appréhender négativement Ŕ depuis la ‘surface’ de l’idéologie Ŕ ce que ce mot signifie », reprend-t-il, « il faut le prendre à la lettre : an-archie (sans commandement), sans principe, sans fondement, subversion de toute archie et donc de toute hiér-archie. Subversion impensable dans l’idéo-logie, l’idée et le logos faisant fond sur le fonds Ŕ l’archie, le Bien, le Père, le Capital »278. Le caractère an-archique de ce mouvement, lui non plus,

ne quittera les préoccupations de notre auteur, ce sera l’an-archique du phénomène, du sens, de la

phantasia et des mouvements dont ils sont porteurs. Ici, Marc Richir écrit une note capitale qui fait

référence à Max Loreau. Lisons-la :

276 GJPJ, p. 8. 277 GJPJ, p. 10. 278 GJPJ, p. 10.

102 « cf. Max Loreau, Art, Culture, Subversion, in Textures n°2, en particulier pp. 24-30, 46. C’est le

texte tout entier qu’il faudrait citer ici, et qu’il nous soit permis en cette occasion de souligner notre

dette à son égard. Cf. aussi pour éclairer la contexture que nous brodons entre logos et capital, J. Derrida, la Pharmacie de Platon, in Tel Quel n°32, pp. 16-19 »279 (nous soulignons).

Cette note mentionne une dette280 à l’égard de Max Loreau. Nous pensons qu’elle est énorme, et

nous essayerons de montrer l’importance de Max Loreau pour la préparation, dans le chef de Marc Richir, de la refondation de la phénoménologie, justement et notamment à travers la dynamique de ce mouvement anarchique et de cette nouvelle temporalité dont nous ramassons avec l’ ‘ogkorythme’ quelque chose de sa teneur intrinsèque.

Marc Richir analyse ce moment anarchique, ce mouvement spontané des ouvriers et des étudiants en grève que Cohn-Bendit décrit : « Qu’est-ce en effet que la liberté d’une prise de conscience d’idées confuses qui font signe vers ‘un autre chose’ indéterminé, non mis en forme Ŕ non formulé Ŕ, un ‘quelque chose’ qui se cherche ‘par tâtonnement’, avec des échecs Ŕ des ‘retours aux anciennes représentations’ ? Que signifie prendre conscience ‘qu’on fait quelque chose’ si ce

faire n’est finalisé par aucun telos théorique clairement (re)connu ? »281. Qu’est-ce d’autre là que

mouvement immaîtrisable sans concept ? Un mouvement indéterminé, tâtonnant, qui ne sait pas où il va ? Il semble bien que oui. Et il nous fait irrésistiblement penser à la dynamique de ce que Marc Richir appellera plus tard le sens se faisant, le faire du sens se faisant, qui part à l’aventure, sans savoir. Ce qui, du reste, est la condition pour que le sens soit inédit et non pas sens tout fait, à l’avance. La suite de ce texte donne un résumé de ce qu’est la source de l’imprévisibilité du faire en général : un mouvement, un faire non finalisé. Et, si « Un faire finalisé est un faire qui réalise, actualise le telos qui le finalise » alors « Un faire non finalisé est donc un faire qui ne fait rien, un faire intransitif »282. En note, il précise « qu’il faut (le)comprendre comme l’intransitivité de

l’écrire ». Comme un verbe le fait en ne passant par aucun objet. Un faire sans autre objet que lui- même. « Prendre conscience de ce faire qui ne fait rien Ŕ qui fait un ‘quelque chose’ in-déterminé Ŕ, c’est en prendre conscience précisément en tant qu’il ne fait rien, rien qui ait été prévu par les idéologies en circulation dans la société »283. Ce sera donc un faire créateur de nouveautés

forcément imprévues par le pouvoir en place. C’est là que « la métaphysique a pris sa revanche » car « Ce n’est pas un hasard si ce mouvement de faire intransitif fut réprimé par la hiérarchie

279

GJPJ, p. 10.

280D’autant plus que Marc Richir ne fera mention de dette semblable que très rarement dans ses travaux.

Notons celle qu’il portera également au crédit de Maldiney en 1992 dans ses Méditations phénoménologiques. Toutes les autres dettes seront implicites, celle vis-à-vis deDerrida en est une.Cellesvis-à-vis de Husserl et de Merleau-Ponty sont, quant à elles, explicites et massives. Nous y reviendrons.

281

GJPJ, p. 13.

282

GJPJ, p. 13.

103

bourgeoise »284. La radicalité de ce faire intransitif, de ce mouvement non finalisé, est telle que

Marc Richir en fait le cœur de l’irruption d’un geste violent et soudain. « Le faire intransitif ‘est’ le geste, ce qu’on recouvre du mot de spontanéité », « C’est là le nom que se donne la métaphysique pour penser ce qu’elle ne peut penser : ‘l’irruption’ violente et ‘soudaine’ du geste »285. Car « Le

geste, le faire intransitif non finalisé ne se fonde sur aucun principe ni sur aucune fin286 : il est an-

archique, délire d’inscriptions badigeonnées sur les murs des universités, jet de pavés, grève

sauvage »287. Et, il nous faut citer le texte jusqu’à la fin de ce chapitre intitulé « Spontanéité et

geste » afin d’en apprécier toute la force : « L’an-archie est sauvage, subversion de toute hiéarchie, im-pensable imprévisible par la pensée métaphysique qui la stigmatisera toujours de son point de vue comme le surgissement, l’accident, le hasard »288. Par là, le faire, « subversif d’être

transitif »289, se met en mouvement vers lui-même, sans savoir.

Dès lors, résumons-nous, cette sorte de pensée en mouvement, qui contrarie la pensée métaphysique, serait donc quant à elle un faire, un geste Ŕ et tous les mots ont leur importance Ŕ

non finalisé, sauvage, imprévisible, in-prépensable, an-archique (sans commencement assignable), a-teleologique (sans fin assignable), sans archè et sans telos, intransitif (sans objet), soudain, indéterminé, immaîtrisable et sans concept donné d’avance. En définitive, un geste comme rien que geste, comme sera plus tard le

phénomène comme rien que phénomène ou le contact en et par écart comme rien d’espace et de temps, nous le verrons. Ici, le faire, le geste, se donne comme étant en quelque sorte un mouvement en contact avec rien que soi. Et, c’est dans ce contact par écart d’avec lui-même que le mouvement est faire inédit, geste créateur. C’est la condition indispensable, ici, pour penser du neuf 290, du non déjà pensé par la pensée métaphysique et théorique, bourgeoise, du pouvoir (et

donc du savoir et des savoirs corrélatifs) en place. Ce faire se surprend à se faire dans l’espace et le temps de son propre mouvement, qui est mouvement en cours, se faisant. Rien, donc, ne précède le geste, il s’accompagne sans savoir dans l’écart de son déploiement. Le temps et l’espace ne préexistent pas, nous sommes à l’aube de l’ ‘ogkorythme’. C’est bien plutôt le temps qui se temporalise et l’espace qui se spatialise par le mouvement in-fini du faire issu des profondeurs de l’archaïque, hors espace et hors temps, de la sauvagerie des origines.

284 GJPJ, p. 13.

285

GJPJ, p. 13.

286

La référence à l’Introduction de la 3ième Critique de Kant est explicite, et on connaît toute l’importance que jouera cette dernière pour Marc Richir dans l’origine de sa pensée du sublime en particulier et de sa

phénoménologie en général. On pense ici, également, à la finalité sans fin.

287 GJPJ, p. 13. 288 GJPJ, pp. 13-14. 289 GJPJ, p. 27. 290

Pensons ici au travail de Laszlo Tengelyi qui met en avant cette particularité à propos de Marc Richir in

104

Ce faire serait aussi, comme l’étudiant contestataire plongé dans l’insurrection subversive de l’époque, « voué à l’errance infinie du sans place, à la ‘différance absolue’ se différant sans relâche, qui subvertit toute hiérarchie »291. Un faire qui, comme les grèves sauvages, s’engouffre « dans le

‘rien’ in-fini mis en jeu dans le jeu subversif »292. Il n’est pas étonnant, dès lors, que l’individu

assiste à son « ex-propriation » par « son engloutissement dans le jeu in-fini de gestes devenus sans finalité…, l’effacement du sujet dans le faire intransitif »293, comme désemparé qu’il est « par

le jeu de » son « faire »294.

Pour les événements de 68, qui ne nous intéressent ici qu’à titre d’exemple et de contenu factuel dans l’article de Marc Richir, ce moment politique est extrêmement fragile. Marc Richir en veut pour preuve la reprise en main de l’insurrection par les luttes idéologiques, notamment par le désamorçage du mouvement, et sa récupération par les rencontres « syndicats-patrons- gouvernement »295, cautionnée par les groupuscules gauchistes. Notons que nous retrouverons

une analyse parallèle avec les événements révolutionnaires de 1789 cette fois, dans Du Sublime en

politique en 1991, où Marc Richir commente les descriptions des fêtes des Fédérations faites par

Michelet, fêtes qui, semblablement à l’insurrection de 68, « s’improvisent sans concept »296, et qui

serviront d’exemples pour approcher la dimension proprement phénoménologique. Nous y reviendrons.

C’est ainsi que « le jeu in-fini informel mis en jeu par la subversion » en vient à devenir une lutte révolutionnaire où « le jeu affolant du faire (intransitif) s’efface en jeu de la Loi »297. « Le jeu de la

loi, risquant à tout instant d’être subverti par son jeu, joue à s’effacer dans le Bien, l’archie des lois, le fonds, le Capital dont les lois sont les revenus, la raison des comptes dont on puisse faire le

point »298. C’est à ce moment précis de son développement que Marc Richir renvoie à une note qui

reprend une longue citation de Max Loreau, extraite de son article intitulé : « Art, Culture, Subversion ». Lisons-la, en ayant à l’idée que ce sera la seule citation d’un texte de Max Loreau