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Vers une nouvelle structure éditoriale

Dans le document Le livre 010101 (1998-2003) (Page 44-46)

3. L’édition devient électronique

3.4. Vers une nouvelle structure éditoriale

Parallèlement à la littérature imprimée se développe la littérature numérique, sous diverses formes : site d’écriture hypermédia, roman multimédia, hyper-roman, nouvelle hypertexte, feuilleton hypermédia, mail-roman, etc. Cette littérature est le plus souvent auto-éditée, en attendant une ou plusieurs maisons d’édition spécialisées. De l’avis de Lucie de Boutiny, romancière, interviewée en juin 2000, la littérature hypertextuelle, « qui passe par le savoir-faire technologique, rapproche donc le techno-écrivain du scénariste, du dessinateur BD, du plasticien, du réalisateur de cinéma. Quelles en sont les conséquences au niveau éditorial ? Faut-il prévoir un budget de production en amont ? Qui est l’auteur multimédia ? Qu’en est-il des droits d’auteur ? Va-t-on conserver le copyright à la française ? L’HTX (hypertext literature) sera publiée par des éditeurs papier ayant un département multimédia ? De nouveaux éditeurs vont émerger et ils feront un métier proche de la production ? Est-ce que nous n’allons pas assister à un nouveau type d’œuvre collective ? Bientôt le sampling littéraire protégé par le copyleft ? »

Pour les documentaires également, on commence à utiliser les nouvelles formes d’écriture et de lecture devenues courantes dans le domaine de l’hyperfiction. Le documentaire hypertexte exploite lui aussi les possibilités offertes par l’hyperlien en permettant divers cheminements au lecteur. C’est la démarche tentée dans la version web de ce livre, qui donne directement accès aux entretiens cités et permet une lecture aussi bien linéaire que non linéaire. Le livre d’enquête publié en 2001 permet une recherche textuelle et une lecture séquentielle par sujets grâce à la base interactive créée par Russon Wooldridge.

Outre plusieurs possibilités de lecture, linéaire, non linéaire, par thèmes, etc., le documentaire hypertexte offre de nombreux avantages par rapport au documentaire imprimé. Il permet l’accès immédiat au texte intégral des documents cités. Les erreurs peuvent aussitôt être corrigées. Le livre peut être régulièrement actualisé, en y incluant par exemple les développements les plus récents sur tel sujet et les derniers chiffres ou statistiques. Ces horripilants index en fin d’ouvrage - mais combien pratiques, au moins quand ils existent - sont désormais remplacés par un moteur de recherche ou une base interactive.

Tout comme pour l’hyperfiction, il reste à inventer un nouveau type de maison d’édition proposant ce genre de documentaire, avec une infrastructure permettant leur actualisation immédiate par FTP (file transfer protocol). Si ceci vaut pour tous les sujets, cela paraît d’autant plus indispensable pour des sujets tels que les nouvelles technologies, l’internet et le web. La place des livres traitant du web n’est-elle pas sur le web ? L’auteur pourrait choisir de mettre son livre en consultation payante ou gratuite. La question du droit d’auteur serait également entièrement à revoir. Copyright ou copyleft ? Paiement à la source ou paiement à la consultation ? Et comment l’éditeur serait-il rémunéré ?

A l’heure de l’internet, pour les documentaires comme pour la fiction, il semble important de créer de toutes pièces une structure éditoriale entièrement numérique se démarquant des schémas traditionnels. De nombreux auteurs seraient certainement heureux d’expérimenter un nouveau système, au lieu de se plier à un système

traditionnel très contraignant, qui n’est peut-être plus de mise maintenant qu’on dispose d’un moyen de diffusion à moindres frais échappant aux frontières.

Cette nouvelle structure éviterait de reproduire les carences du système traditionnel, caractérisé entre autres par de très longs délais de réponse suite à l’envoi du manuscrit (quand réponse il y a…), par des critères de sélection manquant de transparence, par une attente de plusieurs semaines sinon plusieurs mois pour la publication, par des droits d’auteur au pourcentage ridicule (7 à 10%, y compris pour les versions numériques), et par la difficulté d’envisager de nouvelles versions sous prétexte de rentabilité. A l’heure actuelle, les expressions « politique éditoriale », « procédure éditoriale » et « suivi éditorial » plongent souvent les auteurs dans des abîmes de perplexité. Quant à l’engagement de l’éditeur de promouvoir et diffuser l’œuvre par tous les moyens, une clause qui apparaît systématiquement dans tout contrat d´édition, il est de notoriété publique que cet engagement est rarement tenu lorsque l’auteur n’est pas connu. Des professionnels du livre – et pas des plus contestataires – ayant eux-mêmes vécu les affres de l’auteur en quête d’éditeur parlent de chaîne éditoriale à bout de souffle, quand ils n’emploient pas des qualificatifs nettement plus péjoratifs.

Ces nouveaux éditeurs seraient différents des éditeurs en ligne, électroniques et numériques apparus ces dernières années, qui sont souvent issus de l’édition traditionnelle et la copient encore. Il s’agirait d’éditeurs qui, à l’heure des technologies numériques et de l’internet, repenseraient la chaîne éditoriale de fond en comble tout en faisant un véritable travail d’éditeur (découverte, sélection, promotion et diffusion). Pour l’édition scientifique et technique, il serait également plus qu’utile de ne plus uniquement limiter son accès aux membres des canaux dirigistes que sont l’Université, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et quelques autres, et d’ouvrir largement les vannes à d’autres spécialistes qui, s’ils n’ont pas les mêmes diplômes, ont des connaissances tout aussi approfondies, des expériences tout aussi riches et des qualités d’écrivain au moins équivalentes.

Ces nouveaux éditeurs pourraient utiliser à plein l’internet en adoptant des méthodes originales spécifiques au réseau : envoi des manuscrits sous forme électronique, délais de réponse courts, critères de sélection (ou non) transmis par courrier électronique, publication rapide, droits d’auteur plus élevés avec montant disponible en ligne, vente simultanée de la version imprimée (avec impression à la demande) et de la version numérique en plusieurs formats, véritable promotion et véritable diffusion de l’œuvre selon des méthodes qui restent à mettre au point, et pas seulement par le biais d’un extrait en téléchargement libre et d’un descriptif des nouveautés adressé à une liste de diffusion, versions revues et corrigées facilement envisageables sinon encouragées dans le domaine des sciences et techniques, etc.

Dans le document Le livre 010101 (1998-2003) (Page 44-46)