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Le papier électronique

Dans le document Le livre 010101 (1998-2003) (Page 94-97)

8. Des appareils de lecture

8.4. Le papier électronique

Considéré par beaucoup comme transitoire, l’appareil de lecture ne serait qu’une étape vers le papier électronique. De l’avis d’Alex Andrachmes, explorateur d’hypertexte, interviewé en décembre 2000, « c’est l’arrivée du fameux "papier électrique" qui changera la donne. Ce projet du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui consiste à charger électriquement une fine couche de "papier" - dont je ne connais pas la formule - permettra de charger la (les) feuille(s) de nouveaux textes, par modification de cette charge électrique. Un ebook sur papier, en somme, c’est ce que le monde de l’édition peut attendre de mieux. »

Lucie de Boutiny, romancière multimédia, écrit en juin 2000 : « Et voici le changement que j’attends : arrêter de considérer les livres électroniques comme le stade ultime post- Gutenberg. L’ebook rétro-éclairé a pour l’instant la mémoire courte : il peut accueillir par exemple dix livres contenant essentiellement du texte mais pas une seule œuvre multimédia riche en son et images, etc. Donc ce que l’on attend pour commencer : l’écran souple comme une feuille de papier légère, transportable, pliable, autonome, rechargeable, accueillant tout ce que le web propose (du savoir, de l’information, des créations…) et cela dans un format universel avec une résolution sonore et d’image acceptable. »

Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D, explique en février 2001 : « Si l’invention du livre-papier avait été faite après celle de l’ebook, nous l’aurions tous trouvé géniale, Mais un ebook a un avenir prometteur si on peut télécharger suffisamment d’ouvrages, si la lecture est aussi agréable que sur le papier, s’il est léger (comme un livre), s’il est pliable (comme un journal), s’il n’est pas cher (comme un livre de poche)... En d’autres mots, l’ebook a un avenir s’il est un livre, si le hard fait croire que l’on a du papier imprimé... Techniquement, c’est possible, aussi j’y crois. Au niveau technologique, cela exigera encore quelques efforts (chimie, électronique, physique…). »

Les recherches sur le papier électronique sont en cours. Il s’agira d’un support souple d’une densité comparable au papier plastifié ou au transparent. Ce support pourra être utilisé indéfiniment et le texte changé à volonté au moyen d’une connexion sans fil. Si le concept est révolutionnaire, le produit lui-même est le résultat d’une fusion entre trois sciences, la chimie, la physique et l’électronique. Plusieurs équipes travaillent à des projets différents. Les deux projets les plus avancés émanent des sociétés E Ink et Gyricon Media. Philips travaille quant à lui sur un projet de papier électronique couleur qui serait disponible dans une dizaine d’années.

Fondée en avril 1997 par des chercheurs du Media Lab du MIT (Massachusetts Institute of Technology), la société E Ink met au point un support utilisant l’encre électronique. Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de microcapsules contiennent chacune des particules noires et blanches (ou une autre combinaison de couleurs) en suspension dans un fluide clair. Un champ électrique positif ou négatif permet de faire apparaître le groupe de particules souhaité à la surface du support, afin d’afficher, de modifier ou d’effacer des données. En juillet 2002, E Ink présente le prototype du premier écran couleur utilisant cette technologie, un écran de haute résolution à matrice active développé en partenariat avec les sociétés Toppan et Philips. La commercialisation de cet écran est prévue en 2004, pour équiper des assistants personnels (PDA), des appareils de communication mobile et des livres électroniques (appareils de lecture). Dans un deuxième temps seront envisagés des livres et journaux électroniques sur support souple.

Parallèlement, des chercheurs de PARC (Palo Alto Research Center), le centre Xerox de la Silicon Valley, travaillent depuis 1997 à la mise au point d’une technique d’affichage dénommée gyricon. Le procédé est un peu différent de celui d’E Ink. Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de micro-alvéoles contiennent des microbilles bicolores en suspension dans un liquide clair. Chaque bille est pourvue d’une charge électrique. Cette fois, c’est une impulsion électrique extérieure qui permet la rotation des billes, et donc le changement de couleur, permettant ainsi d’afficher, de modifier ou d’effacer les données. Intitulé SmartPaper, le matériau correspondant sera produit en rouleaux, tout comme le papier traditionnel. Sa commercialisation sera assurée par la société Gyricon Media, créée en décembre 2000 dans ce but. Le marché pressenti est d’abord celui de l’affichage commercial, qui utilise le système SmartSign, développé par Gyricon Media en complément du SmartPaper. La vente d’affichettes fonctionnant sur piles devrait débuter en 2004. Viendront ensuite les panneaux de signalisation, puis le papier électronique et le journal électronique.

Christian Vandendorpe, professeur à l’Université d’Ottawa et spécialiste des théories de la lecture, résume les développements probables de ces dix prochaines années. « Le livre électronique va accélérer cette mutation du papier vers le numérique, surtout pour les ouvrages techniques, écrit-il en mai 2001. Mais les développements les plus importants sont encore à venir. Lorsque le procédé de l’encre électronique sera commercialisé sous la forme d’un codex numérique plastifié offrant une parfaite lisibilité en lumière réfléchie, comparable à celle du papier - ce qui devrait être courant vers 2010 ou 2015 -, il ne fait guère de doute que la part du papier dans nos activités de lecture quotidienne descendra à une fraction de ce qu’elle était hier. En effet, ce nouveau support portera à un sommet l’idéal de portabilité qui est à la base même du concept de livre.

Tout comme le codex avait déplacé le rouleau de papyrus, qui avait lui-même déplacé la tablette d’argile, le codex numérique déplacera le codex papier, même si ce dernier continuera à survivre pendant quelques décennies, grâce notamment au procédé d’impression sur demande qui sera bientôt accessible dans des librairies spécialisées. Avec sa matrice de quelques douzaines de pages susceptibles de permettre l’affichage de millions de livres, de journaux ou de revues, le codex numérique offrira en effet au lecteur un accès permanent à la bibliothèque universelle. En plus de cette ubiquité et de cette instantanéité, qui répondent à un rêve très ancien, le lecteur ne pourra plus se

passer de l’indexabilité totale du texte électronique, qui permet de faire des recherches plein texte et de trouver immédiatement le passage qui l’intéresse. Enfin, le codex numérique permettra la fusion des notes personnelles et de la bibliothèque et accélérera la mutation d’une culture de la réception vers une culture de l’expression personnelle et de l’interaction. »

Dans le document Le livre 010101 (1998-2003) (Page 94-97)