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LE CONTEXTE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE

I. LES ORDONNANCES POUR LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE SOCIAL

I.2.1. Une nouvelle articulation des normes

Le rapport au président de la République portant sur l’ordonnance n° 2017-1385 indique que l’objet de la réforme est de modifier « […]

l’articulation entre conventions de branche et conventions d’entreprise.

Afin de sécuriser cette articulation, de renforcer le rôle de la branche dans sa fonction de régulation économique et sociale et de proposer davantage de capacité d’initiative à l’accord d’entreprise dans les autres domaines, sont limitativement énumérées les matières dans lesquelles la convention de branche définit les conditions d’emploi et de travail des salariés ainsi que les garanties qui leur sont applicables. » C’est dans ce triple objectif de sécurisation juridique, de renforcement du rôle de la branche dans sa fonction de régulation économique et de

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pement de la négociation d’entreprise que le législateur a réorganisé la répartition entre le niveau de la branche et le niveau de l’entreprise.

Désormais, les articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail indiquent les matières pour lesquelles l’accord de branche prime ou peut primer sur les accords d’entreprise. D’autres dispositions du code du travail confient, par ailleurs, une compétence exclusive à la branche, il s’agit par exemple de la durée totale du contrat de travail à durée déter-minée (CDD). En dehors de ces matières pour lesquelles une disposition spécifique confie la primauté ou la compétence exclusive à la branche, l’accord d’entreprise prime.

Trois catégories sont donc à distinguer :

a) les matières pour lesquelles l’accord de branche prime sur les accords d’entreprise (article L. 2253-1 du code du travail) ;

b) les matières pour lesquelles l’accord de branche peut primer sur les accords d’entreprise s’il le prévoit expressément, (article L. 2253-2 du code du travail) ;

c) les matières pour lesquelles l’accord d’entreprise prime (article L. 2253-3 du code du travail).

a) Parmi les matières qui relèvent de la primauté de la branche, il faut distinguer les matières qui constituent la compétence exclusive de la branche, et pour lesquels un accord d’entreprise ne peut intervenir, de celles pour lesquelles la branche prime sur l’accord d’entreprise. Les premières sont :

• la mutualisation des fonds de financement du paritarisme,

• le régime d’équivalence, la qualification de travailleur de nuit, la durée minimale des salariés à temps partiel, la majoration des heures complémentaires des salariés à temps partiel et la possibilité de prévoir une augmentation de la durée de travail de ces salariés par avenant,

• les mesures relatives au CDD et aux contrats de travail temporaire,

• certaines mesures relatives au contrat à durée indéterminée (CDI) de chantier,

• les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai,

• les modalités de poursuite des contrats de travail entre deux entre-prises, en l’absence d’application de l’article L. 1224-1 du code du travail,

204 LE CONTEXTE DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

• les cas de mise à disposition d’un salarié temporaire visant à favoriser le recrutement des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et d’insertion professionnelle et lorsque l’entreprise s’engage à assurer une formation professionnelle,

• la rémunération minimale du salarié porté,

• les cas de recours aux emplois à caractère saisonnier dans certains secteurs d’activité,

• les dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs mentionnées à l’article L. 4625-2 du code du travail,

• le cadre de réalisation d’actions de formation de longue durée mentionné à l’article L. 5121-4 du code du travail,

• les conditions dans lesquelles l’employeur propose aux salariés occupant un emploi saisonnier des actions de formation mentionnées à l’article L. 6321-14 du code du travail,

• les modalités d’adaptation des congés d’enseignement ou de recherche mentionnées à l’article L. 6322-57 du code du travail.

Dans ce premier bloc s’ajoutent les matières pour lesquelles la branche prime sur l’accord d’entreprise :

• les salaires minima hiérarchiques,

• les classifications,

• les garanties collectives complémentaires,

• la fixation d’une durée du travail sur une période supérieure à la semaine,

• l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,

• le recrutement d’ingénieurs et de cadre en vue de la réalisation d’un objet défini mentionné au 6° de l’article L. 1242-2 du code du travail.

b) Les matières pour lesquelles la branche peut primer si elle le prévoit expressément sont :

• la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels,

• l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés,

• l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical,

• les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

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c) En dehors de ces matières confiées à la branche par les articles L. 2253-1 et L. 2253-2 ou une autre disposition particulière du code du travail, l’article L. 2253-3 du code du travail prévoit que l’accord d’entreprise prime.

Il n’interdit pas pour autant aux accords de branche de prévoir des stipulations dans ces matières, mais elles ne s’appliqueront alors qu’en absence d’accord d’entreprise : elles ont un caractère supplétif. Ce rôle supplétif de la branche est important puisqu’il permettra l’application de stipulations conventionnelles dans toutes les entreprises qui n’auront pas conclu d’accord en la matière.

De la même manière, si un accord d’entreprise ne peut intervenir dans les domaines qui relèvent de la compétence exclusive de la branche, il le peut dans les matières listées par les articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail qui relèvent de la primauté de l’accord de branche. Dans ces matières, l’accord d’entreprise peut intervenir à deux titres :

• à titre supplétif, dans l’hypothèse de l’absence d’accord dans une matière au niveau de la branche, l’accord d’entreprise s’applique ;

• au titre de l’équivalence des garanties : dans une matière pour laquelle un accord de branche a été conclu un accord d’entreprise peut prévoir des stipulations différentes pour autant qu’elles assurent des garanties au moins équivalentes.

Cette équivalence des garanties s’apprécie par matière. Par matière, on entend chacun des alinéas numérotés de l’article L. 2253-1 et chacun des alinéas de l’article L. 2253-2 apprécié dans sa globalité. L’équivalence s’apprécie pour chaque alinéa et par rapport à la collectivité de salariés.

Bien que nouvelle dans le code du travail, cette notion ne diffère pas du principe de faveur dans l’appréciation qu’elle implique des différents niveaux conventionnels à mettre en balance. Seulement l’appréciation des garanties se fera de manière plus globale, la seule différence résidant dans le fait que le niveau inférieur peut désormais « faire aussi bien », alors qu’il devait « faire mieux » sous l’empire du principe de faveur.

Lorsqu’un accord d’entreprise entend mettre en œuvre ce principe d’équivalence des garanties, et ainsi prévoir des stipulations différentes de l’accord de branche dans une matière relevant de sa primauté, il est nécessaire que l’accord d’entreprise le prévoie expressément.

Dès lors, les clauses des accords de branche, quelle que soit leur date de conclusion, cessent de produire leurs effets vis-à-vis des accords d’entre-prise à compter du 1er janvier 2018 (notamment celles de verrouillage

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stipulées en application de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social).

I.2.2. Une plus grande marge de manœuvre pour