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Nouvelle approche de l’utilisation du modèle ricardien avec données de panel

Essai 1 : REVUE DE LITTERATURE SUR LE MODELE RICARDIEN ET SON

5. Nouvelle approche de l’utilisation du modèle ricardien avec données de panel

L’un des développements les plus importants du modèle ricardien est son application avec les données de panel. Beaucoup d’auteurs ont donc développé le modèle ricardien avec des données de panel, mais nous exposons ici l’article pionnier de cette méthode, celui de Deschênes et Greenstone, (2007). (DG)

5.1. Critique de DG sur le modèle ricardien : Non stabilité des coefficients dans le temps.

Les critiques sur le modèle en coupe instantanée ont donné naissance à l’utilisation du modèle en panel à effets fixes par Deschênes et Greenstone, (2007). En effet, l’une des critiques majeures faite par DG, (2007) est qu’en faisant des régressions avec le modèle en coupe instantanée, ils arrivent à démontrer que la méthode ricardienne ne donne pas des résultats stables à travers le temps. Pour cela, DG, (2007) utilisent 6 années19 du « Census of Agriculture » des Etats-Unis). Ce résultat est d’ailleurs confirmé par Massetti et Mendelsohn, (2011b) qui ont évalué à partir des mêmes données les résultats année par année. Il faut aussi indiquer que cette méthode comme mentionnée dans Massetti et Mendelsohn, (2011a) a été aussi utilisée par Schlenker, Hanemann et Fischer, (2006) (SHF) ; et Mendelsohn, Dinar et Sanghi, (2001).

42 Ainsi, au lieu d’une analyse en coupe instantanée, DG, (2007) proposent de déterminer les variations intertemporelles du climat (année par année) afin de vérifier leurs impacts sur les bénéfices agricoles.

5.2. Proposition de DG, (2007)

DG proposent donc dans leur article une stratégie alternative pour estimer les effets du changement climatique. Ils utilisent des données de panel pour estimer l'effet de la météo sur les bénéfices agricoles, conditionnés par des effets fixes annuels sur les comtés et les Etats. Leurs estimations suggèrent que le changement climatique entraînera une augmentation des profits du secteur agricole d'environ 1,3 milliards de dollars.

5.3. Critiques sur l’article de DG

Il convient de noter que malgré « l’innovation » de DG, (2007), leur étude a subi plusieurs critiques dont les plus importantes sont celles de Massetti et Mendelsohn, (2011a) axée sur la méthode d’utilisation du panel et Fisher et al., (2012.)(FHRS) qui se basent sur les données utilisées et les résultats.

5.3.1. Critique sur la méthode d’utilisation du panel par DG

Massetti et Mendelsohn, (2011a) s’opposent à l’approche utilisée par DG, (2007) en expliquant que l’utilisation des variations intertemporelles n’est pas un bon indicateur pour l’évaluation de l’impact des changements climatiques sur l’Agriculture puisque le changement climatique est un phénomène de long terme. A court terme, les fermiers n’ont pas le temps de s’adapter car ces changements apparaîtront comme des surprises.

5.3.2. Critique sur les données et les résultats dans DG.

Fisher et al, (2012) (Ici FHRS),font trois critiques fondamentales sur l’article de DG, (2007), une sur les données et deux sur les résultats obtenus.

En ce qui concerne les données utilisées par DG, ils soulignent leurs irrégularités. En effet, en reconstruisant les mêmes données climatiques, FHRS trouvent une corrélation plus forte entre les variables climatiques que celles trouvées par DG (0,996 contre 0,39). En plus de cette irrégularité, FHRS trouvent que les écarts de température à l'intérieur de l'année dans l’ensemble des données qu’ils répliquent de celles de DG sont d’environ un septième de celle de DG.

Sur les résultats, FHRS font la comparaison de leurs résultats avec ceux de DG. En utilisant les mêmes données (mêmes variables et pondérations que DG), les variables météorologiques répliquées (de FHRS) expliquent environ deux fois plus la variance de la variable dépendante pour tous les modèles utilisant les effets fixes annuels. Aussi, dans le modèle de profit utilisant les effets fixes d’Etat par année, les estimations de FHRS expliquent 50% de plus la variance comparativement aux estimations dans DG. Les résultats diffèrent puisque FHRS corrigent les

43 irrégularités mentionnées plus haut. Cette différence a pour conséquence de ne pas obtenir les mêmes changements prévus. FHRS expliquent que les changements prévus chez DG varient brutalement. En effet, en observant les climats prévus chez DG (figure 2 dans l’article de Fisher et al, 2012), on peut noter une hétérogénéité très grande alors que ces Etats appartiennent à des mêmes zones géographiques. C’est le contraire chez FHRS où l’on voit dans ses prédictions des climats qu’il y a une variation progressive de l’est à l’ouest mais pas dans de fortes proportions. Cela semble plus cohérent

Enfin, la dernière critique de FHRS qui peut entrainer un biais dans les résultats de DG concerne l’utilisation du profit comme variable dépendante en raison des effets de confusion de stockage et éventuellement aussi des ajustements des capitaux et des stocks.

En fait, alors que les dépenses liées à la production sont essentiellement les coûts associés aux cultures de l’année donnée, les recettes ne proviennent pas nécessairement des cultures « cultivées » cette même année mais peuvent provenir des recettes des cultures vendues à partir des stocks de récolte précédente. Plus précisément, FHRS soulignent la différence dans l’évaluation des recettes, donc des profits, puisqu’ils se rendent compte que ce qui est vendu n’est pas obligatoirement ce qui a été cultivé pour une année donnée. Ainsi, avec les cultures majeures comme le soja, le maïs ou le blé (aux Etats-Unis), les agriculteurs vont faire des accumulations de stock pendant les années où il y’a de bonnes récoltes et lorsque surviennent les années à faibles rendements, ils épuisent les stocks accumulés antérieurement. C’est donc une manière pour eux de lisser les chocs climatiques au cours du temps.

Deschênes et Greenstone, (2012) donnent cependant une réponse aux critiques de FHRS mais sans créer de polémiques. Ils sont reconnaissants à FHRS qui leur a permis de découvrir leurs erreurs et d’ainsi faire progresser la recherche. Les nouveaux résultats qu’ils trouvent en corrigeant leurs données sont contraires aux résultats de DG (2007). En effet, Les données corrigées suggèrent qu'un changement immédiat du climat projeté pour la fin de ce siècle réduirait les bénéfices agricoles. Or DG, (2007) trouvaient un effet bénéfique d’environ 1,3 milliards de dollars (de 2002).

5.4. L’utilisation des données de panel peut-elle s’appeler méthode ricardienne ?

Il est important de noter que le récent article de Blanc et Reilly, (2017) ne classe pas l’utilisation des données de panel comme étant une application du modèle ricardien. En effet, ces derniers en faisant dans leur étude la liste des méthodes utilisées pour l’évaluation économique de l’impact des Changements Climatiques sur l’Agriculture mettent une distinction entre le modèle ricardien et les études utilisant les données de panel. Apparemment, il semble qu’il y ait eu une certaine confusion dans la littérature à ce propos que nous voulons relever.

44 Massetti et Mendelsohn, (2011a) nomment leur article « Estimating Ricardian Model With Panel Data ». Le titre de ce papier signifie implicitement que les données de panel sont utilisées dans un modèle ricardien. Dans cet article, comme nous l’avons décrit précédemment, les auteurs critiquent la méthode d’utilisation du panel dans DG, (2007) mais ne remettent pas en cause le fait que l’utilisation des données de panel soit aussi une application possible du modèle ricardien. Ils essaient simplement de démontrer qu’un panel bien spécifié est préférable aux données en coupes instantanées répétées comme dans DG (2007).

Les auteurs de ces papiers ne revendiquent donc pas la création d’une nouvelle méthode en dehors du modèle ricardien. Les autres applications du modèle ricardien avec données de panel qui ont suivi l’article de DG (2007) en sont aussi la preuve. (Leonor et al. (2015) ; Galindo et Reyes (2015)).

Nous pouvons cependant « réconcilier » ces deux points de vue de la littérature. Pour les utilisateurs de données de panel qui affirment que c’est aussi du modèle ricardien, l’utilisation des données de panel n’est qu’une sorte d’amélioration de la méthode ricaridienne. Il s’agit simplement d’augmenter la robustesse des résultats en tenant compte de plusieurs années contrairement à la méthode ricardienne traditionnelle qui utilise des données en coupe instantanée. (Massetti et Mendelson, (2011a)). L’article de Blanc et Reilly, (2017) après avoir mis une distinction entre la méthode ricardienne traditionnelle et les études avec panel les classe en réalité dans la même catégorie quand ils comparent les avantages et inconvénients des méthodes utilisées. Ils expliquent en effet qu’il s’agit dans ces deux cas d’analyses statistiques qui observent l’impact de variables climatiques sur la valeur de la terre ou le revenu et que les économistes selon les auteurs préfèrent ces deux approches puisqu’elles prennent en compte l’expérience actuelle des fermiers et considèrent aussi l’« optimisation » ( le fait que les fermiers vont utiliser toutes les méthodes nécessaires pour maximiser leurs revenus) qui est faite par ces derniers en plus de leur réponse face aux risques ( notamment les incertitudes liées au climat. ) . A l’état actuel de nos connaissances, aucune confrontation directe de ces auteurs n’a été encore faite sur les appellations. Il s’agit donc pour notre part d’une question de forme plutôt que de fond. La méthode ricardienne traditionnelle connait des améliorations avec le modèle de panel mais ces dernières gardent l’essentiel du modèle ricardien qui est l’influence du climat sur la valeur de la terre ou le revenu.

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