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Les développements de l’approche ricardienne

Essai 1 : REVUE DE LITTERATURE SUR LE MODELE RICARDIEN ET SON

3. L’approche Ricardienne

3.3. Les développements de l’approche ricardienne

A partir de l’article de MNS, de nombreuses études verront le jour en s’appuyant désormais sur le modèle ricardien avec des développements plus ou moins divers. De Salvo et al., (2014) font un résumé de toutes les études majeures qui se sont développées depuis l’apparition du modèle ricardien. Les différentes études qui ont émané du modèle ricardien ont exploré plusieurs régions du monde en général et certains pays Africains en particulier.

La littérature est très fournie. Nous parlerons donc de quelques études qui ont introduit notamment différentes méthodes.

Comme nous l’avions mentionné dès la présentation du modèle ricardien, en plus de la proposition de Mendelsohn et al, (2001) d’utilisation du revenu net comme équivalent de la valeur de la terre, Kurkulasuriya et Ajwad, (2007) dans leur étude sur le Sri Lanka, expliquent que l'approche ricardienne traditionnelle suppose l'équilibre à long terme des marchés des facteurs. Or, dans de nombreux pays en développement, les conditions nécessaires à l'équilibre à long terme des prix des facteurs ne sont pas réunies. Autrement dit, les marchés ne sont pas complets et la mobilité des

12 Le Revenu net est défini comme est le revenu brut issu des ventes agricoles moins tous les coûts auxquels le fermier fait face tout en les minimisant à savoir les coûts de la main d’œuvre, des engrais, des semences, des insecticides etc. (Mendelsohn et al, 2001 ; Mendelsohn et al, 2008a)

13 Mendelsohn et al, (2001) expliquent que la rente foncière doit être égale au revenu net du terrain. Ils montrent dans cet article qu’en prenant la valeur actuelle de ce flux de revenus au fil du temps, on peut penser que la valeur de la terre est égale à la valeur actuelle du flux de revenu net futur. Ils montrent que, sous l'hypothèse de prix de production constants, l'impact sur le bien-être des changements dans les variables environnementales serait pris en compte par les changements des revenus nets au niveau de l'exploitation. Cette hypothèse est reprise plus tard par Kumar et Parikh, (2001) et par Kurukulasuriya et Ajwad, (2007). Nous reviendrons sur ces derniers plus tard.

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facteurs est restrictive, ce qui rend problématique l'hypothèse de marchés pleinement intégrés (Banque mondiale, 2003b).

La non-intégration des marchés complique donc l'utilisation des valeurs foncières (prix) pour expliquer la performance agricole. Par conséquent, ils préfèrent s’appuyer sur le revenu net qui représenterait une mesure plus robuste, compte tenu des préoccupations relatives à l'équilibre, puisqu'elle mesure ce que l'agriculteur reçoit dans le présent sans s'inquiéter des rendements futurs, de l'actualisation, du capital ou des marchés du travail.

L’utilisation du revenu net au lieu de la valeur de la terre va servir de base pour la majorité des pays en développement, notamment ceux d’Afrique.

D’autres études sont réalisées sur le Népal, le Mexique, les fermes d’Amérique du sud. (Thapa et Joshi (2010); Mendelsohn et al, (2010) ; Seo et Mendelsohn, (2008)). Ces études utilisant le modèle ricardien ont pour point commun d’estimer le revenu des fermiers des zones étudiées par rapport aux variables climatiques en y intégrant pour certaines l’élevage. Différents scenarios sont aussi utilisés pour évaluer comment un impact futur du climat (c’est à dire la baisse des précipitations et hausse de la température) affecterait les revenus des agriculteurs.

En outre, d’autres analyses ont utilisé le modèle ricardien à la base mais en le modifiant pour des raisons locales. Parmi ces études, Kumar et Parikh, (1998 ; 2001) en étudiant l’impact des changements climatiques sur l’agriculture indienne utilisent deux variantes c’est-à-dire le Modèle ricardien en plus de deux nouvelles variantes. La première variante ajoute des variations de variables climatiques annuelles par rapport aux variables moyennes dans les variables indépendantes (écart-type). La seconde variante en plus des variables de la première introduit des prix des cultures parmi les variables indépendantes. L’objectif de l’introduction des prix des cultures dans cette seconde variante est d’observer si les variables climatiques conservent leur significativité même en présence des prix. Ils trouvent à l’issue de leur étude que la deuxième variante est statistiquement plus robuste.

Comme résultats, les variables climatiques ont gardé leur significativité en plus des prix des cultures. Kumar et Parikh, (2001) en ont déduit qu’il y’a une forte relation entre la performance agricole et le climat. Ils obtiennent de façon générale que l’estimation de la réponse climatique selon un scenario d’une augmentation de 2°C de la température et 7% des précipitations a un effet déficitaire de 8,4% de pertes sur les revenus agricoles.

Il a été aussi montré qu’il était possible d’appliquer la méthode ricardienne à de très petites régions. Par exemple, De Salvo et al., (2013) et Wood et Mendelsohn, (2014) dans leurs différents articles,

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respectivement sur la région des alpes italiennes et le Fouta Djalon en Guinée. Cela a été possible en particulier parce que ces régions, bien qu’elles soient petites présentent une vaste variabilité climatique spatiale parce qu’elles sont composées en partie de montagnes.

Le continent Africain a aussi fait l’objet de nombreuses analyses sur l’impact des changements climatiques sur l’Agriculture qui ont eu recours au modèle ricardien.

On peut distinguer parmi elles deux types d’études. Le premier s’est intéressé au continent Africain dans sa globalité.

Dans cette catégorie, l’un des plus importants a été celui de Kurukulasuriya et Mendelsohn, (2008a). Les résultats montrent de façon générale que les fermes Africaines sont sensibles au climat surtout à la température. Il est prédit que les valeurs des fermes diminueront si les températures augmentent. L’élasticité de la température (en °C) au point moyen par rapport au revenu de toutes les fermes Africaines est estimée à -1,3 et celle de la pluie à 0,4.

L’étude a aussi examiné les impacts des futurs scenarios. Il s’est agi de deux grandes familles de scenarios à savoir les scenarios dits uniformes et les GCM14. Ces scenarios ont montré chacun des possibles gains ou pertes de revenus face aux changements climatiques.

Kurukulasuriya et Mendelsohn (2008a) ont aussi montré que les impacts ne sont probablement pas uniformes à travers l’Afrique. Les régions chaudes et sèches d’Afrique seront probablement les plus touchées. En mettant tous ces facteurs ensemble, il est difficile de prédire ce qui arrivera en Afrique. Cela repose sur un grand ensemble de résultats possibles. Il est plus difficile de prédire ce qui arrivera dans des endroits spécifiques. Cependant, ils concluent qu’il est évident, à travers cette étude de dire que l’agriculture en Afrique sera affectée négativement par le Changement climatique.

Le second type d’étude exploitant le modèle ricardien pour l’Afrique s’est focalisé sur des régions Africaines spécifiques à plus ou moins petites échelles. Il s’agit en général de pays ou de régions précises. Une dizaine d’essais a été donc effectuée.

L’une des premières études concernant l’intérieur des terres Africaines est celle de Deressa et al., (2005).Dans cette analyse concernant l’impact des Changements Climatiques sur la canne à sucre en Afrique du Sud, les auteurs ont trouvé des résultats à peu près similaires à la majorité des études ricardiennes précédentes. En effet, les résultats de leur étude indiquent que le changement climatique a des effets non linéaires significatifs sur le revenu net par hectare de canne à sucre en Afrique du Sud avec une plus grande sensibilité aux augmentations futures de température.

14On retrouve ces deux familles dans les travaux récents utilisant le modèle de fonction de production. Elle peut donc servir à prédire le futur climat et est utilisée dans les différentes approches pour obtenir soit la réponse du futur climat pour le revenu net (modèle ricardien), soit la réponse du futur climat pour le rendement (modèle de « fonction de production »).

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Des analyses du même genre ont été aussi faites surl’Egypte Eid et al., (2007), La Zambie Jain, (2007) , le Kenya Kabubo-Mariara et Karanja, (2007) , Le Zimbabwe Mano et Nhemachena, (2007) , Molua et Lambi, (2007) sur le Cameroun, Nefzi et Bouzidi, (2009) sur le Maghreb. Le Burkina-Faso Ouedraogo, (2012) ; Wood et Mendelsohn, (2014) sur le Fouta Djalon. Le récapitulatif des études en Afrique est présenté dans le tableau 1.1 ci-dessous.

Il convient d’indiquer que les études faites tant sur l’ensemble de l’Afrique que sur des zones ou pays particuliers sont d’un grand apport pour mesurer la sensibilité des pays Africains aux changements du climat. Néanmoins elles ne tiennent pas compte dans la majorité des cas des zones climatiques ou agroclimatiques propres à certains pays quand cela est nécessaire. Nous abordons la question dans l’essai 2 qui va montrer à la fois l’apport du modèle ricardien sur une zone pratiquement pas encore étudiée avec cette méthode, et aussi le fait de prendre en compte certaines spécificités climatiques. En plus de ce que nous venons d’évoquer, l’approche traditionnelle ricardienne a souffert de nombreuses critiques.

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Tableau 1.1 : Récapitulatif des études utilisant le modèle ricardien en Afrique

Références Zones ou pays étudiés Type de données

Année(s) étudiée(s) Variables climatiques utilisées Résultats obtenus

Gbetigbouo et Hassan (2004)

Afrique du Sud Coupe instantanée

1993 Température et précipitation en été et leurs carrés, Température et précipitations en hiver et leurs carrés ; Produit de la température par la pluie en été ; Produit de la température et de la précipitation en hiver.

Selon les scénarios climatiques, des gains de 9 et 17,3% du revenus net par hectare ; des pertes de 4,4 et 11,3% des revenus nets par hectare. Deressa et al., (2005) Afrique du Sud Coupe

instantanée

1995 (Les moyennes de 1977 à 1998 sont utilisées pour les variables climatiques)

Température et précipitation de croissance hivernale et leurs carrés ; Température et précipitation de croissance estivale et leurs carrés ; Température et précipitations de récolte et leurs carrés ; Produit de la température et de la précipitation en hiver ; Produit de la température et de la précipitation en été ; produit de la température et de la précipitation de récolte.

Selon un scenario d’augmentation de 2°C de la température et de baisse de 7% des précipitations, baisse entre 26% et 27% des revenus nets par hectare.

Eid et al., (2007) Egypte Coupe instantanée

2001/2002 Température en hiver et son carré ; Température en automne et son carré ; Température en été et son carré ; Température au printemps et son carré.

Selon 2 scenarios d’augmentation de 1,5°C et 3,6°C et avec des modèles sans et avec élevage baisses des baisses allant de 260% à des hausses de 260% du revenu net.

Jain, S. (2007) Zambie Coupe instantanée

2002/2003

(les moyennes de long terme 1988-2004 sont utilisées pour les variables climatiques)

Température moyenne (Novembre-Décembre) et son carré ; Température moyenne (Janvier-Février) et son carré ; Température moyenne (Mars-Avril) et son carré ; Index d’humidité moyen (Novembre-Décembre) et son carré ; Index d’humidité moyen (Janvier-Février) et son carré ; Index d’humidité moyen (Mars-Avril) et son carré.

Selon différents scénarios perte de 243 à 252% des revenus nets et gains de 2,5 à 237% des revenus nets.

Kabubo-Mariara et Karanja (2007)

Kenya Coupe

instantanée

2004 les moyennes de long terme 1988-2003 sont utilisées pour les variables climatiques)

Température et précipitations en été et leurs carrés, Température et précipitations en hiver et leurs carrés, Température et précipitations en automne et leurs carrés.

Selon différents scénarios, des pertes entre 7 et 34% de revenu net par hectare.

Mano et Nhemachena (2007)

Zimbabwé Coupe instantanée

2003/2004 Température et précipitations en été et leurs carrés ; Température et précipitations en hiver et leurs carrés ; Température et précipitations en automne et leurs carrés ; Température et précipitations au printemps et leurs carrés.

Selon plusieurs scenarii, des pertes de 27 à 109 % du revenu net par hectare.

Molua et Lambi (2007) Cameroun Coupe instantanée

2005 Température et précipitations en été et leurs carrés ; Température et précipitations en hiver et leurs carrés ; Température et précipitations en automne et leurs carrés ; Température et précipitations au printemps et leurs carrés.

Selon plusieurs scenarii, des pertes de 50% des revenus nets à des gains de 37,5 % du revenu net par hectare.

Kurukulasuriya, P. et Mendelsohn, R. (2008)

Burkina-Faso, Cameroun, Egypte, Ethiopie, Ghana, Kenya, Niger, Sénégal, Afrique du Sud, Zambie, Zimbabwe

Coupe instantanée

2003 Température et précipitation en hiver et leurs carrés, Température et précipitation au printemps et leurs carrés Température et précipitation en été et leurs carrés, Température et précipitation en automne et leurs carrés.

Selon les différents scénarios, ils obtiennent qu’à partir de 2100, gains de 51% des revenus nets par hectare ou pertes d’environ 43% des revenus.

Nefzi, A. et Bouzidi, F. (2009).

Maghreb (Algérie, Lybie, Mauritanie, Maroc, Tunisie).

Données de Panel

1974-2005 Température moyenne ; Précipitation moyenne ; Précipitation moyenne au carré ; Produit de la température par la précipitation.

Selon plusieurs scénarios, baisse entre environ 6,5 milliards et 7 milliards de dollars. Ouedraogo, M., 2012 Burkina Faso Coupe

instantanée

2002/2003 Température et précipitations en saison humide et leurs carrés ; Température et précipitations en saison sèche et leurs carrés.

Selon un scenario d’augmentation de 5°C de la température est prévue une baisse de 93% du revenu net.

Wood et Mendelsohn, 2014

Fouta-Djalon (Partie de Guinée et Sénégal)

Coupe instantanée

2010 Température en été ; Température en hiver ; Température en automne ; Température au printemps. Température pendant la saison des pluies ; température pendant la saison sèche ; Précipitations en été ; Précipitations pendant la saison des pluies.

Une augmentation de 1°C baisse les revenus de 475.000FCFA mais cet effet est contre balancé par les gains d’autres saisons.

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