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A) LES ÉVANGILES

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, le mythe christique occupe une

place primordiale dans l’œuvre hébertienne, et les nombreux intertextes évangéliques

qui parcourent les écrits de l’auteure ne font que le confirmer. Toutefois, si les quatre

Évangiles retracent la vie et l’enseignement de Jésus, Anne Hébert cite en priorité

dans ses textes deux d’entre eux : l’Évangile selon saint Matthieu et l’Évangile selon

saint Jean. Ainsi, on voit apparaître des allusions au sermon de Jésus sur la

montagne, à ses paraboles ou à ses prophéties, à sa Passion ou encore à

l’Eucharistie. Même si nous pouvons retracer, dans chacun des textes hébertiens, la

présence de plusieurs références scripturaires, nous allons fonder notre étude des

intertextes bibliques sur deux d’entre eux qui sont particulièrement denses en citations,

allusions ou références aux Écritures : Les Fous de Bassan et Les Enfants du sabbat.

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a) « Et le Verbe s’est fait chair … »

La célèbre phrase de l’évangile johannique constitue le fondement de la théologie

chrétienne, la métaphore du Verbe incarné servant à désigner le Christ. La sentence

biblique est également invoquée dans les textes hébertiens où l’image du Fils de Dieu

qui se fait homme peut être détournée parfois de son acception originelle. Ainsi, dans

Les Fous de Bassan, c’est dans le livre du révérend Nicolas Jones que l’on voit surgir

la référence à l’Évangile : « Et le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous194. »

(FB, 18) En s’appropriant la formule évangélique, le pasteur l’utilise dans une intention

sacrilège, car le Verbe incarné n’est pas une allusion au Fils de Dieu, mais à lui-même

et à sa vocation de porte-parole divin au sein de la communauté. Le révérend pèche

par orgueil en voulant s’identifier au Christ et en voulant croire à la vertu agissante de

sa propre parole, semblable à la Parole de Dieu. Dans Les Enfants du sabbat, la

référence au Verbe fait chair, de l’Évangile selon saint Jean, fait suite à un extrait de la

prière de l’Angélus qui évoque l’annonce de la conception divine faite à la Vierge par

l’ange, l’auteure con-fondant littéralement les deux sources – biblique et liturgique – en

une seule :

L’Ange du Seigneur a annoncé à Marie Et elle a conçu par l’opération du Saint-Esprit Et le Verbe s’est fait chair

Et il a habité parmi nous195. (ES, 51)

L’allusion à la grossesse miraculeuse de la Vierge qui conçoit l’enfant divin par la seule

intervention du Saint-Esprit est récupérée par Anne Hébert dans une intention

caricaturale. Les dames du Précieux-Sang, se trouvant dans l’impossibilité d’accomplir

leur vocation maternelle, s’identifient en rêve à Marie et s’imaginent bercer dans leurs

bras « d’adorables Jésus ». (ES, 51) L’ironie de l’auteure devient plus mordante

lorsqu’elle ajoute que, dans l’univers exclusivement féminin du couvent, la rare

présence d’un homme – que ce soit Monseigneur l’évêque, le garçon boulanger ou

encore l’accordeur de piano – provoque des émois chez les religieuses qui prennent

194

Cf. Bible de Jérusalem, op. cit., Jn, 1 : 14 : « Et le Verbe s’est fait chair et il a campé parmi nous (…) ».

195

ces messieurs pour des incarnations inquiétantes du Paraclet : « Le Paraclet nous

engrosse, à tour de rôle. » (ES, 51) Le Verbe qui se fait chair est ici une allusion à la

grossesse de sœur Julie qui semble avoir conçu mystérieusement son enfant, sans

l’aide d’un homme, ce qui force l’admiration de ses consœurs émerveillées par cet

exploit semblable à leurs yeux à celui de la Vierge Marie. Néanmoins, le miracle

biblique est parodié dans le roman hébertien, car dans le cas de Julie la conception ne

se fait pas par l’intercession divine mais bien par celle d’un homme, le docteur

Painchaud, qui, chargé d’examiner la postulante, succombe à son charme

« maléfique ». Le retournement sacrilège du mythe biblique de l’Incarnation atteint son

paroxysme lorsque sœur Julie déclare, au moment de mettre au monde son enfant :

« La dame du plus précieux sang, c’est moi ! » (ES, 184) Par un jeu de mots

parodique, la novice fait allusion au nom de la congrégation dont elle fait partie, les

Dames du Précieux-Sang, et à la symbolique chrétienne du sang christique recueilli

dans la coupe du Graal, le « précieux sang » désignant métaphoriquement, dans le

roman, l’enfant auquel sœur Julie donne naissance au sein du couvent.

b) Prédication de Jean-Baptiste

Dans les Évangiles, la venue du Messie est annoncée par Jean-Baptiste, considéré

comme le dernier prophète de l’Ancien Testament. Précurseur du Christ, c’est lui qui

baptise Jésus dans le Jourdain, et sa prophétie sur la grandeur et l’importance du

Messie est devenue célèbre : « Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse. » (Jn,

3 : 30) Les paroles du prophète se retrouvent dans le texte des Enfants du sabbat où

sœur Julie utilise la référence biblique pour exprimer la relation avec sa mère196.

Toutefois, dans le roman, où l’auteure remet invariablement en cause la vision

patriarcale des récits sacrés, les propos de Jean-Baptiste prennent un sens tout autre

et leur logique est fortement bouleversée. D’abord, Anne Hébert attribue les mots

prophétiques à sœur Julie, ce qui entraîne la réécriture au féminin du texte

196

évangélique où la parole est donnée à un homme, en l’occurrence le prophète

Jean-Baptiste. Ensuite, contrairement à la sentence testamentaire qui fait preuve de

l’humilité du prophète, dans le récit hébertien, la nouvelle tournure indique l’arrogance

de la jeune femme qui rêve de se débarrasser de la vieille sorcière : c’est sœur Julie

qui, en grandissant en puissance, veut supplanter sa mère, devenue, selon elle, trop

vieille pour la sorcellerie.

c) Appel des quatre premiers disciples

Les quatre premiers disciples du Christ – Pierre, André, Jacques et Jean – sont ceux

qui deviendront également ses apôtres les plus proches mais, avant qu’ils soient

appelés pour suivre ses enseignements, ils ne sont que de simples pêcheurs. Jésus

leur propose de se joindre à lui et, en faisant allusion à leur métier, il exprime par une

métaphore leur future vocation de messagers de la parole divine : « Venez à ma suite,

et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » (Mt, 4 : 19) Dans Les Fous de Bassan, le

révérend Nicolas Jones reprend les paroles adressées par le Christ à ses apôtres pour

évoquer sa propre destinée d’élu de Dieu : « Je te ferai pêcheur d’hommes, dit Dieu, la

masse des fidèles sera devant toi et non plus seulement ce parterre d’eau écumante. »

(FB, 25) Avant d’être appelé pour exercer son ministère, le révérend récitait déjà les

psaumes de David par-dessus les flots de la mer, en s’imaginant qu’un jour il

prêcherait la bonne parole devant les membres de sa paroisse. Nicolas Jones avoue

que, tout comme les apôtres du Christ, il n’a pas eu à choisir, mais a été choisi et

désigné par la volonté divine pour devenir un « pêcheur d’hommes » et remplir sa

fonction sacerdotale.

d) L’Eucharistie

Le rituel chrétien de l’Eucharistie trouve son origine dans les textes évangéliques, dans

le récit du dernier repas que le Christ partage avec ses apôtres. C’est pendant la Cène

communie sont les symboles de son propre corps et de son sang, la nourriture

spirituelle qu’on s’approprie afin d’accéder à la vie éternelle. L’Eucharistie, en tant que

symbole fort de l’imagerie chrétienne, a marqué également l’imaginaire hébertien,

même si sa signification canonique est souvent parodiée dans les textes de l’auteure.

On retrouve une allusion à l’Eucharistie dans Les Enfants du sabbat, où

Philomène, la mère de Julie, s’identifie au Fils de Dieu, s’emparant des paroles

sacrées pour désigner ses enfants, nés de sa chair et de son sang. La sorcière

déclare, en riant, devant l’assemblée du sabbat : « Ceci est ma chair, ceci est mon

sang ! » (ES, 36), une phrase qui fait écho au discours de l’Évangile de Matthieu et au

symbole eucharistique : « Prenez, mangez, ceci est mon corps » (Mt, 26 : 26) ;

« Buvez-en tous ; car ceci est mon sang […] » (Mt, 26 : 27-28) Dans le contexte du

roman, les mots de l’Évangile désignent métaphoriquement les enfants de Philomène,

qui sont effectivement sa chair et son sang. Mais le rire qui accompagne les paroles de

la sorcière, ainsi que l’hilarité déclenchée dans l’auditoire, laissent entrevoir l’attitude

moqueuse de Philomène à l’égard des Écritures. Par ailleurs, elle évoque avec mépris

les villageois bigots qui se réfugient derrière leur curé, « comme un banc de poissons

peureux » (ES, 35).

L’attitude irrévérencieuse de l’écrivain vis-à-vis des histoires bibliques se

poursuit tout au long du roman, les nombreuses références scripturaires subissant des

transformations sémantiques radicales dans le contexte de l’œuvre. Pendant le sabbat,

qui est mis en parallèle avec la messe de Pâques au couvent, Philomène donne à

boire à l’assistance le sang du cochon de lait qui a été sacrifié. L’auteure fait suivre,

dans le texte, l’évocation du rituel sabbatique par les paroles de la Consécration,

prononcées par le célébrant pendant la liturgie pascale, ce qui crée une confusion à

caractère blasphématoire entre le sang offert par Philomène dans ses paumes jointes

et le calice divin :

Elle trempe ses mains dans les bassines de sang que lui tendent les enfants, offre à boire à toute l’assemblée à même ses deux paumes aux doigts joints.

Hic est enim calix sanguinis mei, Novi et aeterni testamenti Mysterium fidei,

psalmodie le célébrant à chasuble verte, brodée d’or. (…)

Tandis qu’Adélard écorche, éventre, étripe le cochon de lait pour le faire cuire. Hoc est enim corpus meum197. (ES, 43)

La réécriture hébertienne de la référence sacrée ne concerne pas uniquement le

parallèle caricatural entre l’offrande du sabbat (le cochon de lait) et le rituel

eucharistique, mais également l’ordre des paroles de la Consécration qui est

mystérieusement inversé sous l’influence maléfique de sœur Julie. Ce nouvel exemple

de subversion parodique illustre, une fois encore, la vision « carnavalesque », au sens

bakhtinien, des mythes et des intertextes bibliques chez Anne Hébert. En effet, en

substituant à Dieu son éternel adversaire, le Diable, l’auteure opère un renversement

par le bas de l’imaginaire des écrits canoniques.

e) Le Sermon sur la montagne

Le Sermon sur la montagne, évoqué dans l’Évangile selon saint Matthieu ou, plus

succinctement dans celui de Luc, contient l’essentiel de l’enseignement du Christ : les

Béatitudes, des considérations sur la loi de l’ancienne Alliance et de la Nouvelle ou

encore le Pater ainsi que les nombreuses recommandations et conseils que le Fils de

Dieu adresse aux croyants. Grâce à leur valeur morale, les sentences christiques

énoncées dans les Évangiles sont devenues incontournables pour la liturgie, mais sont

également inscrites dans la mémoire culturelle de la civilisation judéo-chrétienne.

Toutefois, Anne Hébert inscrit souvent de manière parodique les références aux

paroles de Jésus dans ses textes. Ainsi, dans Le Premier Jardin, Éric, le jeune hippie

qui quitte les ordres et se met à la recherche d’une morale laïque, souhaite s’écarter du

modèle christique : « Il n’a dit à personne “suis-moi et sois parfait comme mon père

céleste est parfait” et pourtant ils viennent à sa suite et n’ont de cesse qu’il ne leur dise

197

Paroles latines de la liturgie eucharistique (le rite de la Consécration). Cf. aussi Bible de Jérusalem, op.

cit., Mt, 26 : 26 : « Car ceci est mon corps. » et Mt, 26 : 28 : « Car ceci est le calice de mon sang, le sang

comment faire pour devenir doux et humble de cœur. » (PJ, 57) En recourant au texte

de l’Évangile selon saint Matthieu, « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père

céleste est parfait » (Mt, 5 : 48), l’auteure marque la distanciation de son personnage

par rapport au discours de Jésus qui encourage ses disciples à imiter le modèle de

perfection de Dieu le Père. Les attributs « doux » et « humble de cœur » évoquent une

autre citation, extraite du même Évangile, qui fait allusion à l’appel adressé par le

Christ à ceux qui veulent délivrer leur âme : « Chargez-vous de mon joug et

mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et mettez-vous trouverez soulagement pour vos âmes. » (Mt, 11 : 29)

Les Béatitudes

Les Béatitudes désignent dans les Évangiles les promesses de bonheur dans le

Royaume de Dieu que Jésus fait à ceux qui suivent son enseignement. Anne Hébert

s’en inspire à plusieurs reprises dans son œuvre. On identifie une allusion dans Les

Enfants du sabbat lorsque, pendant la réunion des sorciers, Philomène assure les

convives qu’il y a assez de boissons et de nourriture pour tout le monde :

« Bienheureux ceux qui ont faim et soif. » (ES, 36) Le discours de l’héroïne

hébertienne rappelle une des sentences prononcées par le Christ au début de son

Sermon : « Heureux les affamés et assoiffés de la justice, /car ils seront rassasiés ».

(Mt, 5 : 6) Cependant, comme nous l’avons souligné au début de ce chapitre, à propos

de cet intertexte biblique, la référence au texte évangélique est détournée de sa

signification initiale à travers une réécriture parodique. Le degré second, métaphorique,

de la sentence évangélique est remplacé dans le roman par un degré premier : si,

dans le texte biblique, la faim et la soif symbolisent la quête des valeurs morales, dans

le roman hébertien, elles acquièrent leur sens propre, désignant des besoins purement

Le Pater

Évoqué dans l’Évangile selon saint Matthieu, et, en variante écourtée, dans l’Évangile

selon saint Luc, le Pater (Notre Père), que Jésus enseigne aux fidèles dans son

Sermon sur la montagne, représente, avec le Credo, l’une des prières fondamentales

de la liturgie chrétienne. S’inspirant dans son œuvre des textes évangéliques, Anne

Hébert fait parfois allusion au Pater, mais la référence scripturaire est, dans la plupart

des cas, détournée de son sens originel. Ainsi, dans « Le Printemps de Catherine », la

jeune religieuse, Nathalie, invoque la prière chrétienne afin de fortifier son âme, en

insistant sur les paroles « Que votre volonté soit faite » et « Délivrez-nous du mal »

(« PC » , 92), qui trahissent à la fois sa résignation face à la violence incompréhensible

de la guerre et son désir d’en être libérée. En revanche, pour la Puce, la serveuse du

bistro, aigrie par les nombreuses humiliations qu’elle doit endurer quotidiennement de

la part des clients, la prière chrétienne acquiert un sens tout autre, obtenu par

l’interversion des paroles des deux formules sacrées. Ainsi, à la place de la

traditionnelle formule « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien », Catherine

exprime amèrement, ironiquement, un souhait tout à fait contraire : « Délivrez-moi de

mon pain quotidien. » (« PC », 92) En bouleversant l’ordre des mots du texte

canonique et en remplaçant le « mal » par le « pain quotidien », l’héroïne insinue que

c’est précisément son gagne-pain, son travail de serveuse, qui incarne le malheur dont

elle souhaite se libérer. Catherine exprime de cette façon sa propre prière à elle, son

vœu le plus cher étant d’être affranchie de sa servitude envers sa patronne et de

pouvoir mener enfin une existence libre. Ainsi, pour Catherine, la guerre représente,

paradoxalement, un mal « salutaire », le seul moyen grâce auquel elle parvient à

accomplir sa délivrance : « Que je touche au mal, puisque c’est la seule brèche par

laquelle je puisse atteindre la vie ». (PC, 92)

Dans Kamouraska apparaît une autre référence parodique au Pater où

– phrase qui, dans le contexte narratif du roman, acquiert un sens sacrilège puisque,

en prononçant les mots sacrés, la jeune femme conçoit des pensées meurtrières à

l’égard de son mari :

Soudain une grande fureur s’empare de moi. Me réveille d’un coup comme une somnambule. Me fait mordre dans quatre mots de la prière, les détachant du texte, les éclairant, les dévorant. Comme si je m’en emparais à jamais. Leur conférant un sens définitif, souverain. « Délivrez-nous du mal. » Tandis que le mal dont il faut me délivrer, à tout prix, s’incarne à mes côtés, sur le banc seigneurial. Prend le visage congestionné, les mains tremblantes de l’homme qui est mon mari. (K, 88)

Alors que dans l’imaginaire judéo-chrétien, le Mal représente le diable et ses œuvres,

dans le texte hébertien, c’est Antoine Tassy, le mari alcoolique et infidèle, qui incarne

le « mal » dont Élisabeth souhaite être délivrée au plus vite puisqu’il entrave sa

passion pour le docteur Nelson. Ce n’est plus l’écrivaine à travers une voix narrative

anonyme qui se livre ici à un acte de déprédation et d’appropriation du texte

scripturaire, mais son propre personnage. On pourrait affirmer que ce passage

hébertien est une mise en œuvre de la pratique de la citation, telle que la définit A.

Compagnon, c’est-à-dire la violence initiale qui accompagne le prélèvement d’un

morceau textuel et l’appropriation de la citation à des fins propres : Élisabeth « mord »

dans le texte de la prière chrétienne, le « dévore » pour s’en approprier les paroles et

les éclairer d’un nouveau sens, connu d’elle seule.

Anne Hébert se livre parfois à un jeu intertextuel très libre avec le texte des

Écritures, en faisant référence, dans le même contexte, à plusieurs passages

bibliques, appartenant à des textes canoniques différents. Ainsi, dans Le Premier

Jardin, l’auteure renvoie à la fois à l’Évangile selon saint Jean (la « parabole de la

vigne véritable ») et à l’Évangile selon saint Matthieu (le Sermon sur la montagne).

Lorsque Éric, le jeune hippie, « prêche » sa propre morale inspirée par les écrits

testamentaires, il adapte très librement les paroles du Christ de l’évangile johannique,

en insistant sur le fait que la relation avec ses « disciples » est fondée sur le choix

réciproque : « – Je vous ai choisis et vous m’avez choisi. Ensemble nous posséderons

bien différente de celle qui correspond au texte canonique. En effet, dans l’Évangile

selon saint Jean, le message scripturaire est celui de la vocation prédestinée des

fidèles du Christ ; le Fils de Dieu est le seul à avoir pu choisir ses apôtres qui, eux, par

contre, n’ont pas eu la possibilité de le choisir : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ;

mais c’est moi qui vous ai choisis. » (Jn, 15 : 16) La deuxième allusion biblique

présente dans le texte hébertien renvoie au Sermon du Christ sur la Montagne :

« Heureux les doux, car ils posséderont la terre ». (Mt, 5 : 5) L’auteure prélève là

encore uniquement un fragment du texte scripturaire, ne retenant que la deuxième

partie du verset qu’elle détourne ainsi de son sens originel. Dans le texte hébertien,

l’allusion biblique est à interpréter dans le contexte du discours moral du jeune hippie

pour qui la possession de la terre passe par un retour à une relation fusionnelle entre

l’homme et la nature. Éric accuse la religion chrétienne de les avoir orgueilleusement

séparés, en proclamant que l’être humain était le seul à posséder une âme.

f) Les paraboles et proverbes christiques

Dans le Nouveau Testament, les paraboles utilisées par Jésus avaient pour rôle

d’illustrer par de courts récits son enseignement souvent trop abstrait pour ceux qui

écoutaient sa prédication. Les paraboles, proverbes ou conseils du Christ sont fort

nombreux dans les romans hébertiens, l’œuvre entière étant imprégnée du discours