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Un nouveau regard sur les besoins en matière d’aide et sur les motivations de l’aide

V. ÉVOLUTION DU VOLUME ET DES ORIENTATIONS DE L’AIDE PUBLIQUE

8. Un nouveau regard sur les besoins en matière d’aide et sur les motivations de l’aide

Les Membres du CAD ont confirmé lors de leur réunion à haut niveau de 1991 que «vu les immenses tâches de développement des années à venir et compte tenu en particulier des efforts énergiques de démocratisation et de réforme économique en cours dans les pays en développement, un effort d’aide sensiblement plus important devra être consenti tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif». Le CAD s’est toujours abstenu de procéder à une évaluation chiffrée des besoins d ’aide. Définir ces besoins n ’est pas un exercice d ’une objecti­ vité toute technique ou scientifique mais implique des jugements politiques, concernant le taux de croissance économique réputé souhaitable, les grands objectifs de développement à attein­

dre, qu’il s’agisse de la réduction de la pauvreté, de la protection de l’environnement, etc., l’effort d’auto-assistance qu’on peut raisonnablement attendre d’un pays bénéficiaire pour mobiliser ses ressources intérieures et les affecter à des usages productifs grâce à des politiques et à des institutions efficaces, et, en parallèle, le montant des ressources extérieures qu’il devrait pouvoir se procurer sur le marché. La possibilité de trouver des financements aux conditions du marché et les perspectives d’évolution des recettes d’exportation dépendent par ailleurs du climat économique international, et notamment du degré d ’ouverture des marchés, lequel se prête mal à des prévisions fiables.

Il existe en outre un fossé entre les besoins d’aide tels qu’ils ressortent des facteurs macroéconomiques et la capacité administrative et institutionnelle du pays d ’utiliser efficace­ ment cette aide. Le fait que coexistent des besoins criants qui ne sont pas satisfaits et certaines manifestations indiquant un dépassement de la capacité d’absorption et un «excès d’aide» dans certains pays en développement est un des dilemmes que doit résoudre le système d’aide et qu’il est si difficile d ’expliquer à l’opinion publique. S’il est impossible de déterminer objecti­ vement les besoins d’aide et les possibilités qui s’offrent d’utiliser efficacement cette aide, il est néanmoins évident que ceux-ci dépassent de loin le niveau actuel de l’aide consentie, et qu’il continuera d’en aller ainsi dans les quelques années à venir.

Les événements récents constituent un argument supplémentaire en faveur du renforce­ ment des programmes d ’aide. Côté pays en développement, les besoins d’aide, c’est-à-dire les concours indispensables pour faire face à la pauvreté, aux pressions démographiques, à la nécessité de renforcer les infrastructures de base et de valoriser les ressources humaines, ne cessent d ’augmenter tandis que la capacité d’utiliser efficacement cette aide s’améliore grâce à la mise en œuvre de politiques plus adéquates et à la mise en place d’institutions mieux adaptées. De même, du côté des donneurs, on note une amélioration de la capacité de gestion de l’aide. Les Principes du CAD pour une aide efficace au développement, qui ont été publiés cette année sous forme d’un Manuel de l ’aide au développement, reflètent la complexité et la cohérence grandissantes du processus d ’aide. Bien qu’on ait élaboré une théorie et des principes permettant d’assurer l’efficacité de l’aide, il reste encore beaucoup à faire pour leur donner une application pratique compte tenu des obstacles multiples et persistants que constituent, par exemple, les contraintes objectives qu’impose la situation réelle des pays sous-développés mais aussi les blocages et les lenteurs bureaucratiques.

Il existe désormais un large consensus entre donneurs et bénéficiaires sur les objectifs fondamentaux que doit permettre d’atteindre un développement économique et social, partici­ patif et durable, et sur les mesures à mettre en œuvre pour y parvenir, ce qui implique notamment de faire une plus large place aux mécanismes du marché et d’accentuer les efforts de bonne gestion des affaires publiques. Un effort de démocratisation, le respect des droits de l’homme, une réduction des dépenses militaires et une action plus déterminée de lutte contre la corruption sont autant d’ingrédients indispensables au développement et tout mouvement dans ce sens ne peut que renforcer le soutien dont bénéficie l’aide dans l’opinion publique des pays donneurs.

Les mécanismes de coordination de l’aide ont été renforcés. En Afrique subsaharienne en particulier, des arrangements de coordination extrêmement structurés ont été mis en place afin que l’aide internationale soit effectivement mise au service des efforts d’ajustement structurel et de réforme des politiques. Cela s’est également traduit par une utilisation accrue de l’aide- programme et par une harmonisation et un assouplissement des réglementations et des exi­ gences imposées par les donneurs en ce qui concerne les modalités de l’aide et les procédures de passation des marchés.

Si les besoins et les possibilités d’aide se multiplient, il est également évident que le processus d’aide devient de plus en plus complexe et les donneurs de plus en plus sélectifs. Bon nombre des nouveaux défis, surtout dans les domaines fondamentaux de l’amélioration des politiques, de la création de capacités et de la mise en valeur des ressources humaines, exigent des capacités de gestion fort importantes et de très grandes compétences. Parallèlement, la place plus large faite aux mécanismes du marché et au secteur privé dans de nombreux pays en développement a de grosses conséquences pour les modalités d ’acheminement de l’aide publi­ que assortie de conditions libérales. Il est fondamental que l’aide favorise la mobilisation et une utilisation efficace de l’épargne et des ressources intérieures.

Il faut absolument, en cas d’accroissement substantiel de l’aide, respecter les grandes lignes de la stratégie définie dans les Principes collectifs du CAD et dans les travaux sur le secteur privé et la bonne gestion des affaires publiques, laquelle repose sur le renforcement des mécanismes endogènes de mobilisation et d ’affectation des ressources grâce à un système financier intérieur efficace et à une gestion rationnelle et responsable des finances publiques. Comme on l’a déjà laissé entendre ci-avant, les donneurs devront redoubler d ’efforts pour appliquer les Principes du CAD dans leurs pratiques afin de rendre toute aide supplémentaire significative compatible avec cette stratégie.

Un des principaux facteurs qui intervient dans la détermination des besoins d ’aide supplé­ mentaire concerne l’attitude des donneurs à l’égard du soutien à accorder aux grands pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure qui sont aux prises avec de sérieuses difficultés structurelles, qu’il s’agisse de pressions démographiques, de graves pro­ blèmes d’environnement ou de gros besoins en matière d’infrastructures.

A la réunion à haut niveau de 1991, les Membres du CAD ont convenu de multiplier les efforts, au sein de leurs gouvernements respectifs et dans le cadre de l’OCDE, pour tenir pleinement compte, dès le stade de la formulation, des effets potentiels, sur les pays en développement, de leurs politiques concernant notamment des domaines comme les échanges, l’environnement, l’investissement privé et les migrations, ainsi que pour assurer une cohérence aussi grande que possible entre les objectifs de développement et ceux fixés dans d ’autres domaines. Dans le même temps, ils ont également souligné que les efforts d’aide visant le renforcement des capacités de base des pays en développement demeurent fondamentaux car l’existence de ressources humaines et d’institutions compétentes et d’une infrastructure satisfai­ sante est ce qui détermine l’aptitude de tout pays en développement à participer à l’économie internationale et à tirer profit de cette participation.

A la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) qui s’est tenue à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin 1992, il a été reconnu que «pour les pays en développement, et en particulier pour les moins avancés, l’APD est la principale source de financements extérieurs et un volume substantiel de ressources financières nouvelles et addi­ tionnelles sera nécessaire pour assurer un développement durable et la mise en œuvre du programme Action 21 ». A la CNUED, tous les pays sont convenus que ces fonds devaient être acheminés «de manière à libérer le maximum de ressources nouvelles et additionnelles et à tirer parti de toutes les sources et de tous les mécanismes existants de financement». A cet effet, un consensus général s’est dégagé pour dire que les programmes d ’aide bilatérale «devront être renforcés afin de promouvoir un développement durable».