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1 1990-2006 : l’émergence d’une logique nouvelle d’intervention sur l’espace

2. Vers un nouveau paradigme ?

L’inscription en décembre 1997 du site sous le nom de « Pyrénées-Mont-Perdu, cirques et canyons » sur la Liste du Patrimoine mondial d’espaces qui, quelque soit le versant que l’on considère, sont tous des territoires déjà protégés a-t-elle changé la donne ? Elle pourrait le faire sur deux plans.

En raison du caractère transfrontalier du site et en conformité avec l’histoire, encore souvent évoquée de nos jours, des alliances que concluaient les communautés valléennes de Barèges et de Broto, cet inscription voulue par les deux Etats aurait pu déjà justifier un renforcement de la collaboration entre les deux parcs nationaux, voire, pour reprendre les termes de la charte de coopération qui les lie, « un plan de gestion commun destiné à rendre cohérents les objectifs de chaque Parc ». Or, curieusement, alors qu’ils ont été depuis longtemps présentés comme complémentaires, la première démarche commune n’a eu lieu

cadre normatif dans le domaine de l’environnement, et une sorte de schéma directeur pour les autres plans sectoriels ou territoriaux. Il a comme objectif de définir et de signaler l’état de conservation des ressources naturelles et des écosystèmes du territoire concerné, pour parvenir à concrétiser la réglementation de base dans la gestion des espaces naturels protégés de sa zone.

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Le PRUG est apparu pour la première fois en 1978 et a été reconnu par la loi de 1989 comme l’instrument de gestion des parcs. L’objectif des PRUG est de concrétiser à l’échelle adéquate, et de façon précise, les principes généraux des PORN, les articulations entre les règles d’usage et de gestion et l’administration de l’espace protégé, l’organisation spatiale et la gestion des ressources en tenant compte des facteurs spécifiques à chaque parc.

117 Le premier Plan a été approuvé en 1999.

118 Article 148 : « 1- Les Communautés autonomes pourront assumer des compétences dans les matières

suivantes : 9° la gestion en matière de protection de l’environnement », et article 149 : « 1- L’Etat jouit d’une compétence exclusive dans les matières suivantes : 23° la législation de base sur la protection de l’environnement, sans préjudice des facultés qu’ont les Communautés autonomes d’établir des normes complémentaires de protection.».

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que tardivement : la conclusion de la charte de coopération date de 1988. Une charte restée lettre morte ?... Une relance aurait pu aussi se faire, par exemple, dans le cadre du programme MAB de l’UNESCO, certains – et, en particulier, l’association Mont-Perdu Patrimoine Mondial – ayant préconisé l’élargissement du territoire de la Réserve de la Biosphère de Vignemale-Ordessa sur le versant français, mais, finalement, c’est récemment, et, plus précisément, en lien avec Natura 2000, que les contacts se sont effectivement renoués : le premier séminaire d’échange et de discussion s’est tenu à Tarbes en décembre 2003.

En outre, dans une période de remise en cause tant de la législation des parcs nationaux que des directives communautaires et aussi à un moment où émerge un consensus sur la nécessité de repenser l’action publique sur ce type d’espaces dont nul ne méconnaît le caractère exceptionnel, les engagements pris par la France et l’Espagne auraient-ils pu donner l’occasion de passer à une nouvelle époque ? La notion de « paysage culturel » qui a motivé l’inscription tout autant que la notion de « patrimoine naturel », devrait mettre en lumière la place du pastoralisme dans le devenir du site, même si la déprise agricole est importante et même plus rapide sur le versant espagnol.

Celle-ci n’a jamais été niée : le PRUG du parc espagnol, par exemple, précise qu « la priorité sera donnée aux activités d’élevage sur les activités de loisirs dans les zones pastorales » et le parc français a apporté ses premiers appuis aux équipements pastoraux dès 1973 119. Mais, le contexte est plus propice aujourd’hui dans le prolongement des premières mesures agro-environnementales, qui ont pu être mises en œuvre , surtout en zones intermédiaires à l’origine, puis en zones d’estives 120. Ainsi, sur le versant français, la prime herbagère PHAE occupe une place importante mais il semble que ce soit plus la question de la biodiversité qui a relancé les préoccupations du PNP sur le pastoralisme. Dans l’esprit de la récente déclaration de son directeur qui parlait en décembre 2005 de son « destin scellé avec celui des éleveurs et des bergers des vallées » 121, le parc se lance actuellement dans une action de nature offensive innovante. Plus précisément, son programme d’aménagement que l’Etat a approuvé en mars 2006 pour les années 2005-2009, annonce la poursuite d’une politique de réhabilitation des granges foraines de la zone périphérique mais, surtout, insiste sur la mise en place d’un dispositif expérimental : la conclusion de contrats de gestion spécifique pour les prairies de fauche 122 qui auront pour objet, comme le précise le DOCOB Estaubé-Gavarnie-Troumouse-Baroude , « de soutenir les exploitations de petite taille dont le système dépend des stocks fourragers réalisés sur des prairies naturelles » 123. Un budget

annuel de 100 000 euros devrait être alloué à ces actions à ces « contrats Biodiversité et Agriculture de montagne ».

Il n’est donc guère étonnant que l’association Mont-Perdu Patrimoine Mondial, après avoir obtenu en décembre 1999 l’extension du site Patrimoine Mondial, côté français, aux

119 Cf. les développements consacrés au pastoralisme par J. MILIAN dans sa thèse, et plus spécialement dans le

cadre du PNP (p. 348-356) puisque, selon lui, sur le versant espagnol, « l’implication de l’équipe gestionnaire du parc sur les questions pastorales est assez ténue » (p. 360).

120 Le Centre de ressources sur le pastoralisme des Hautes-Pyrénées a commencé une étude portant sur quinze

années de politiques d’améliorations pastorales à partir du dépouillement des dossiers de financement (primes, aides, investissements…) conservés à la DDAF. L’unité de travail de base est l’unité pastorale.

121 « Une stratégie nationale pour la biodiversité. Interview de Rouchdy KBAIER, Directeur du Parc national des

Pyrénéens », Empreintes, Journal du Parc, n° 18, décembre 2005, p. 6.

122 Cf. l’action 9.1.2 du programme in : PNP, Plan d’opérations 2005-2009 pour la mise en œuvre du

Programme d’aménagement 2005-2009, p. 75.

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terrains des granges hautes de la vallée de Héas, milite pour que soit inclus le plateau de Saugué, un secteur de granges foraines et de prairies de fauche.

Quoiqu’il en soit, comme le montre la chronologie reproduite ci-dessous, l’inscription du territoire de Gavarnie - Mont-Perdu au Patrimoine mondial se situe dans un processus de patrimonialisation commencé autour de 1920, tant en France qu’en Espagne. Mais ce processus présente trois caractéristiques :

- il s’est illustré par une superposition des mesures de protection,

- il ne s’est pas déroulé tel un long fleuve tranquille mais a toujours donné lieu à des tensions entre l’Etat et les autorités locales qui progressivement ont pu devenir des acteurs essentiels, avec, toutefois, l’originalité sur le versant sud que des normes régionales pourraient à terme se coupler avec les normes actuelles d’origine étatique

124, et, enfin,

- il ne s’est pas développé, comme on aurait pu le penser a priori, dans le droit fil d’une politique de coopération transfrontalière.

Plus précisément, à cet égard, le facteur déclenchant de la convergence, au cours des dernières années, du processus de patrimonialisation de part et d’autre de la frontière dans cette partie des Pyrénées n’a pas été la communauté des problèmes (déprise agricole, déclin démographique, difficultés du tourisme notamment) ou une différenciation telle entre les deux versants qu’elle aurait pu être à l’origine d’actions complémentaires. Il afinalement été une raison exogène au territoire transfrontalier et même aux deux pays, l’appartenance de ces derniers à l’Union Européenne qui les oblige à se soumettre à la même réglementation communautaire et … leur ouvre ses aides mais on est loin de la mise en place d’une gestion partenariale des espaces transfrontaliers, objectif du programme INTERREG auquel sont éligibles le département des Hautes-Pyrénées et la province de Huesca.

Mais abordons maintenant la localisation des politiques publiques de protection dans le site Patrimoine mondial afin de mieux comprendre l’apport sur le plan spatial que pourrait avoir la délimitation qui a été décidée par l’UNESCO en 1997, puis revue deux années plus tard sur le versant français.

124

Le texte de base est la Loi de la Députation Générale d’Aragon de 1998 sur les espaces naturels protégés d’Aragon (Ley 6/1998 de la Diputación General de Aragón, de Espacios Naturales Protegidos de Aragón).

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Chapitre 2.

La géographie actuelle des politiques publiques de protection