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ÉVOLUTION DES PAYSAGES ET HISTOIRES DES FORMES D’ACTION SUR LE TERRITOIRE

Chapitre 3. Perceptions des paysages et action sur l’espace L’évolution et la diversification des pratiques durant les deu

II. La politique forestière entre interventions de l’État et résistances de la société locale (XIX e XX e siècles)

2. Des réussites localisées à Barèges et à Gavarnie

Dans ce contexte général, s’individualisent les sites de Barèges et de Gavarnie. Ce sont les deux seuls sites de la « Vallée de Barège » où les travaux de reboisement envisagés par l’Administration des Eaux et Forêts ont pu se réaliser.

61 A. Campagne, op. cité, p. 73

62 AD65, 7M1244

63 A. Campagne, op. cité, p.73

64 De fait, l’État n’a jamais racheté les parcelles périmétrées en 1895 et n’a pas voulu user de son droit

d’expropriation : elles appartiennent encore aujourd’hui à la Commission syndicale. Dans certains secteurs (ravins du Rieulet et du Pontis notamment), les forestiers avaient réalisé des travaux de génie civil et des plantation dès 1862 en vertu d’un consentement plus ou moins officiel des municipalités et de la Commission syndicale (AD65, 7M497).

65 AD65, 7M150

66 Calvet est un des principaux promoteurs du sylvo-pastoralisme dans la chaîne pyrénéenne (J.P., Métailié,

L’invention du pâturage. La naissance du sylvo-pastoralisme et son application en Ariège (1860-1914), Pays

147 a/ À Barèges, le « paysage de la catastrophe »

La station thermale de Barèges est un cas particulier pour deux raisons principales. En premier lieu, il s’agit d’un site particulièrement exposé qui cumulent, à lui tout seul, tous les aléas (avalanches, érosions et ravinements, crues torrentielles). En second lieu, il s’agit d’un site où les enjeux socio-économiques sont importants de longue date (Barèges est une station thermale renommée et fréquentée depuis le XVIIe siècle). L’historique de cette rencontre entre aléas naturels et enjeux socio-économiques est déjà connue (Briffaud 1991, Métailié 1993), en partie décrite ailleurs dans ce rapport, et il n’est pas de notre propos de la développer ici. Notons seulement que la création du périmètre de reboisement remonte au décret impérial du 21 février 1863 et que les travaux de reboisement ont réellement été effectifs à cette époque, ce qui, en l’état actuel des connaissances, est un cas de précocité unique dans les Pyrénées. Notons aussi que, même dans cette situation éminemment favorable, l’administration forestière n’a pas réussi à réaliser le projet initialement programmé en 1860, ni à étendre le périmètre restreint de 1863 lors de la loi de 1895, les municipalités et les éleveurs de Betpouey et de Sers s’étant opposé aux travaux67.

b/ À Gavarnie, une municipalité dissidente

La commune de Gavarnie s’avère être un cas particulier d’une autre nature : il s’agit, à la fin du XIXe siècle, de la seule municipalité de la « Vallée de Barège » à être favorable au reboisement proposé par l’administration des Eaux et Forêts. Ainsi, aux reboisements proposés à Coumély en 1889, qui ne verront pourtant pas le jour, « Le conseil reconnaît l’urgence des travaux proposés tout en tenant compte des observations émises par les propriétaires intéressés ; forme, unanimement, des voeux tendant à ce que les travaux s’exécutent dans le plus bref délai possible »68. Quant au périmètre du Mourgat réalisé à cette

époque, il l’a été à la demande du conseil municipal alors même que, paradoxe, l’administration ne l’avait pas inclus dans ses propositions. Le conseil municipal justifie cette demande par le fait que les avalanches qui se déclenchent sur ce versant menacent le village même. Les termes de la délibération municipale du 5 novembre 1889 sont explicites : « Elles peuvent détruire l’église et bon nombre de maisons du village. […] Les membres du conseil municipal […] supplient l’Administration forestière de faire tout ce qui dépendra d’elle pour faire droit, au plus tôt, à leur demande »69.

Un périmètre de reboisement est institué : les travaux débutent en 1891 et se terminent en 1902. Comme ce périmètre n’est pas considéré comme prioritaire par les forestiers, il devient le « périmètre de restauration facultatif du Mourgat »70. Il s’agit d’une disposition

prévue par la loi de 1881 dans laquelle il est stipulé que les travaux sont alors à la charge de la communauté demandeuse. Dans le cas de Gavarnie, les forestiers établissent un devis de 25 000,00 francs. Il y est prévu que l’Administration forestière donne 21 000,00 francs (soit 84% de la dépense), le reste devant être pris en charge par la commune de Gavarnie sous forme de journée de travail de ses habitants et par une subvention du Conseil général. Quant à la Commission syndicale, propriétaire foncier, elle ne s’oppose pas au reboisement, mais elle

67 AD65, 7M497. À cette époque, la station thermale de Barèges n’est pas encore une commune à part entière.

Son territoire actuel s’inscrit dans les territoire des communes de Betpouey et de Sers.

68 AD65, 7M1244

69 AD65, 7M1248

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« n’entend pas faire personnellement aucun sacrifice, ni d’argent, ni de journées »71. De fait, comme le montre les sommes inscrites sur les carnets journaliers du garde forestier chargé de leur surveillance, les travaux de reboisement ont sans doute été intégralement été pris en charge par l’Administration des Eaux et Forêts72. En 1892, la Commission syndicale refuse de faire surveiller le périmètre, prétextant que cette surveillance revient à l’Administration forestière « attendu que la commune de Gavarnie seule profite des travaux et améliorations par le fait dudit reboisement »73. Aussi bien, en 1898, la plupart des conseils municipaux des

16 communes de l’ancienne « vallée de Barège », invités à se prononcer sur la cession à titre gratuit du périmètre de reboisement du Mourgat, souhaitent que l’État paye le terrain. La transaction se réalise finalement : elle est effective en 190274.

La singularité de Gavarnie s’explique sans doute par le fait que les activités de la commune sont déjà largement tournées vers le tourisme et que la nécessité de terrains de parcours n’est plus aussi prégnante qu’ailleurs.