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5 l’offre de volontariat doit être rendue plus lisible et doit être mieux connue

5.3 Des notions à clarifier

5.3.1 La lisibilité du volontariat de solidarité internationale est grevée par deux ambiguïtés

5.3.1.1 Le terme « volontaire » lui-même prête à confusion

À côté des VSI, les programmes VIE et VIA comptent 9 000 volontaires46, essentiellement des jeunes très diplômés, qui constituent pour les entreprises une main d’œuvre qualifiée et peu coûteuse. Être VIE représente pour ces jeunes une étape dans la vie professionnelle plus qu’un acte de solidarité, le parcours idéal étant d’enchaîner stage, volontariat et recrutement.

Grâce au VIE, ils valorisent leur formation et augmentent leurs chances d’intégrer une entreprise (1 858 entreprises, toutes de droit français, font appel à des VIE à l’étranger). Une affiche faisant de la publicité pour les VIE porte d’ailleurs pour slogan « Boostez votre carrière ». Toutes les parties y gagnent, les jeunes diplômés, les entreprises et même notre pays puisque ces jeunes contribuent à valoriser l'activité économique et le savoir-faire des entreprises françaises.

Mais on voit bien l’ambiguïté qui existe entre l’idée de service ou de solidarité (essentiellement présente dans l’humanitaire) et un investissement intéressé en vue de trouver un emploi. Le terme anglais de référence internationale « volunteer » signifie strictement « bénévole ». Ce n’est pas le cas du mot français qui ne retient pas obligatoirement la notion de bénévolat ou de désintéressement. Un volontaire dans l’armée, par exemple, est quelqu’un qui s’est engagé de son plein gré mais qui n’est ni bénévole ni désintéressé. En ce sens, le terme convient aux VIE et aux VIA, mais en principe pas aux VSI qui se rapprochent pourtant de plus en plus des premiers dans l’esprit, ni aux JSI, VVV/SI et SVE qui s’engagent clairement dans une démarche bénévole de solidarité.

45 Association française spécialisée dans le renforcement des capacités des organisations venant en aide aux populations défavorisées.

46 À noter que 5% des VIE sont des Européens non français.

Une étude de France Volontaires47 relève qu’il s’est posé, au cours de l’enquête, de façon assez systématique le problème de la définition des termes employés, la notion de volontariat - soit de bénévolat indemnisé - étant pour beaucoup un non-sens.

L’organisation Volunteering England propose une définition récente du volontariat comme « toute activité non rémunérée qui implique de passer du temps, pour le bénéfice de l'environnement ou d'une personne (un individu ou un groupe) autre que/ou en plus de sa famille proche. » Cette définition est validée dans une convention sur le volontariat passée entre le gouvernement britannique et le milieu associatif, qui correspond à notre charte des VIES.

5.3.1.2 La philosophie et les objectifs ont évolué sans que cela ait été reconnu et clarifié Une certaine ambiguïté caractérise aujourd’hui le volontariat de solidarité en France. Quand le volontariat de solidarité a commencé à se développer à l’international, à l’époque des Volontaires du progrès, il s’agissait avant tout d’apporter une aide aux pays bénéficiaires. Le jeune volontaire devait être utile et la dimension de découverte n’était qu’un bénéfice secondaire. Comme on a pu le dire en schématisant : « le jeune Français avait et savait, et il partait aider ceux qui n’avaient pas et ne savaient pas ». La notion de solidarité des pays riches à l’égard de ce qu’on appelait les pays sous-développés était donc au centre du dispositif.

Deux évolutions majeures sont intervenues depuis lors. D’une part, on l’a vu, de nombreux pays en développement ont connu des progrès très sensibles et se sont dotés de ressources humaines compétentes dans des secteurs où intervenaient naguère les VP, notamment dans les capitales du Sud. D’autre part, en France, l’évolution des populations, l’augmentation du chômage, et les problèmes sociaux ont fait naître des difficultés dans certains quartiers. Une question s’est alors posée aux responsables des collectivités territoriales qui ont mis en place des politiques de la ville : comment traiter les problèmes de la jeunesse urbaine et favoriser une meilleure cohésion sociale ? Le volontariat international a commencé à apparaître comme un moyen de protéger la société française d’une tendance au repli et à la fragmentation culturelle et sociale, de favoriser l’entrée dans la vie professionnelle et de permettre l’ouverture aux autres.

Dès lors, la logique du système s’est infléchie, ou du moins l’accent s’est déplacé : l’objectif premier n’est plus la solidarité, même si elle reste une motivation importante, mais la recherche d’une expérience enrichissante pour nos propres jeunes. Ce phénomène s’est accentué depuis une dizaine d’années avec les difficultés que traverse la société française. Or cette évolution ne s’est pas clairement traduite dans le discours officiel ni dans la communication.

Le CLONG, dans une note du 7 février 2015, indique : « Le VSI n’est pas un « dispositif jeunesse ». Il représente un volontariat de compétence qu’il est important de conserver. Dans la sélection des profils, il n’y a pas d’élitisme et les organisations observent une réelle diversité sociale.

Cependant, l’exigence du partenaire en matière de qualification et d’expérience ne peut pas être écartée et nos associations s’y réfèrent dans une perspective de coopération au développement ou d’aide

47 Op. cit., cf. note 2.

humanitaire et également dans une perspective d’appui au développement et à la structuration des organisations partenaires. »

Scénario d’évolution : Élargir la notion de volontariat de solidarité en communiquant désormais sur le volontariat d’engagement, regroupant des mobilités motivées par la solidarité humanitaire comme par la découverte de l’autre ou par l’acquisition d’expériences professionnelles, quitte à nuancer ensuite les différents modes d’engagement.

Préconisation 28 : Resituer l’engagement citoyen de jeunes à l’international dans un parcours où peuvent s’inscrire aussi un échange de connaissances et de compétences, voire une formation professionnelle, susceptibles de prendre à un moment donné une forme solidaire plus marquée.

5.3.2 La multiplicité des dispositifs ne facilite pas l’accès à l’information

La multiplicité des dispositifs est considérée comme justifiée par nombre d’acteurs au motif que cela permet à chacun de trouver « son » volontariat. Les organismes font valoir qu’ils ont chacun des rôles et des objectifs bien spécifiques qui permettent de prendre en compte la diversité des besoins de la jeunesse française. Le CLONG par exemple considère que le service civique à l’international et le VSI ont des rôles bien distincts et que cela doit être maintenu.

Certains organismes considèrent au contraire que les jeunes ont beaucoup de mal à s’y retrouver et que ce foisonnement d’offres les amène à errer d’un site à l’autre sans pouvoir identifier ce qui correspondrait à leur désir d’engagement.

Il est apparu à la mission que la fragmentation des opportunités et de l’information à leur sujet ne facilitait pas le repérage des opportunités par le public ni la coordination de l’ensemble du dispositif de volontariat de solidarité, et que des regroupements devaient être envisagés.

Une simplification structurelle est en cours pour ce qui concerne le service civique (regroupement prévu des équipes de l’ASC et de celles de l’agence française du programme Erasmus+ jeunesse et sport – cf. 2.1.4.3). La mission recommande également d’attribuer un rôle d’opérateur pivot à France Volontaires (cf. préconisations 1 et 2) et de regrouper en un seul dispositif les programmes JSI et VVV/SI (cf. préconisation 14).

5.3.2.1 La confusion introduite par le « volontourisme »

Il faut noter enfin l’expansion d’un nouveau secteur lucratif, celui du tourisme humanitaire, qui profite de l’image du volontariat international pour développer une activité commerciale en jouant sur les motivations mêlées des jeunes des pays riches. Visiter le monde tout en le sauvant, c’est en substance ce que proposent ces agences de voyage spécialisées dans les voyages humanitaires, combinant vacances et assistance aux populations et n’exigeant aucune qualification particulière des jeunes « volontaires ». Il s’agirait de l’un des secteurs à plus fort potentiel de l’industrie du tourisme. Il n'est pas rare en effet qu'un volontaire ait à payer de 700 à 2 000 €, en sus du transport à sa charge, pour deux semaines de volontariat

dans un pays en voie de développement alors que l'association d'accueil n'en percevra qu'une très faible part. « Dans l’industrie du tourisme les marges sont de 2 à 3 % alors que dans ce type d’offre, on atteint facilement 30 à 40 %», indique Mark WATSON, directeur de l’organisation britannique Tourism Concern qui milite pour des pratiques responsables48. Cette prolifération du secteur informel ou commercial autour du volontariat international de solidarité ne contribue pas à simplifier les choses pour la communication des dispositifs officiels, eux-mêmes déjà multiples.

Préconisation 29 : Communiquer d’abord à partir de la notion d’engagement citoyen international des jeunes, en précisant dans un deuxième temps d’orientation les différents modes de cet engagement (solidarité, découverte de l’altérité ou finalité professionnelle) et les organismes pouvant y répondre.