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COMPLEXE NON LINEAIRE

B) La dynamique familiale selon l’approche systémique de la famille

3. Le faux-self et le vrai self 1 John Bowlby, précurseur du faux self

3.3 Notion de faux-self

3.3.1 Définition

Rappelons que Winnicott parlait déjà du faux-self en 1954 dans une lettre dirigé à Clifford Scott (p.100-104). Puis, il va décrire le faux self en 1960, dans un article intitulé « Distorsion du moi en fonction du vrai et du faux self » (p.115).

Pour cet auteur, le faux-self, serait une défense spécifique du noyau du self institué dans l’individu pour protéger le vrai self. Ce faux-self montrerait un agencement de la personnalité qui est faux, faux dans la mesure où l’origine de ce self viendrait, non de l’individu, mais de la contrainte de l’environnement. Chez les enfants, un faux-self bien établi leur permet de

montrer une façade rassurante mais, qui, lors d’une crise, peut s’effondrer, laissant apparaître alors, l’absence d’un vrai self.

Winnicott écrira que le faux-self est :

« Une organisation défensive du Moi établie précocement par cette instance pour se protéger des traumatismes. Le faux-self sert donc à protéger le vrai-self, mais il arrive que le vrai-self soit totalement étouffé par le faux-self défensif au point de devenir inaccessible. »1

Dans le faux self, qui permet d'exister aux yeux des autres, il se peut qu'une vie personnelle existe au travers de l'imitation, que l'enfant joue un rôle, celui du vrai self, comme il le ferait s'il avait existé. Ainsi, ce faux self est une défense, défense à un défaut d'identification de la mère avec son nourrisson.

1 « À propos de Cliniques »

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Toujours dans « Distorsion du moi en fonction du vrai et du faux self », Winnicott décrit cinq niveaux de faux-self allant du pathologique au normal, sain :

 1ier degré : Le plus extrême. Le vrai self totalement est complétement

étouffé, dissimulé. A l’extrême, c’est le faux self que l’on prend pour la personne. Zucker (2001, p.44) écrit :

« La défense est si massive qu’elle colore l’entièreté de la personnalité au point de lui conférer une valeur structurelle »

 2e degré : Le faux self défend le self authentique. C’est l’exemple d’une

maladie clinique, organisée dans un but positif qui est de préserver l’individu en dépit des conditions anormales de l’environnement.

 3e degré : Le faux self a pour but principal la quête des conditions qui

donneront au vrai self la possibilité de recouvrer son bien.

 4e degré : Plus proche de la santé, le faux self s’établit sur la base

d’identifications.

 5e degré : Dans l’état de santé, le faux self est représenté par toute

l’organisation qui constitue une attitude sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve (Winnicott, 1978, p.118).

Remarquons que l'individu « borderline » est souvent dans le « faux self », il est à la limite entre névrose et psychose. Le désir forcé d'être avec les autres reflète un manque de « vrai self ».

3.3.2 Développement du faux -self

Dans « Processus de maturation » Winnicott (1974, p 5) écrit :

Le faux self se développe dès la naissance chez un petit être très fragile en effet « C’est au stade de la double dépendance, lorsque l’adaptation de la mère n’est pas

‘’ suffisamment bonne ‘’, que se situe dans les cas-limites, l’origine du faux self ; en se montrant soumis aux exigences de l’environnement, il dissimule, protège, sauvegarde, le ‘’ vrai self ‘’, le noyau authentique qui, seul, peut devenir une réalité vivante. L’évolution du moi s’en trouve perturbée, bien que l’individu puisse faire illusion en présentant une façade de succès. »

Le développement d’un faux self est étroitement lié aux capacités maternelles, notamment, d'un soutien du moi. En effet, Winnicott évoque :

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« La ‘’mère suffisamment bonne’’ […] capable de satisfaire les besoins de son nourrisson […] est capable de faire cela parce qu’elle s’est temporairement vouée à une seule activité, qui est de soigner son Bébé. Sa tâche est rendue possible par le fait que celui-ci a la capacité, lorsque cette fonction maternelle de soutien du moi est à l’œuvre, d’entrer en relation avec des objets subjectifs » (Winnicott, 1974, p.31).

Cette mère suffisamment bonne :

«Pendant une période limitée est capable de protéger la continuité d’existence de son nourrisson. Tout défaut d’adaptation de la mère, à ce moment-là, va rompre ce continuum, ce qui aura une influence grave sur la capacité de l’enfant à devenir une unité intégrée, capable de continuer à avoir un self, avec un passé, un présent et un avenir. » (Winnicott, 1974, p.48).

Si l’accordage mère-Bébé n’est pas possible, les fonctions psychocorporelles de l’enfant ne constitueront pas un fondement satisfaisant pour l’édification d’un moi cohérent. C’est ainsi que s’établiront des fondements fragiles de sa future santé mentale.

Pour apprécier les soins maternels, Winnicott introduit les notions de Holding et de Handling.

 Le Holding signifie le maintien, la façon dont est porté l’enfant physiquement et psychiquement. Ce sont tous les moyens qui donnent un support au Moi naissant, immature, c’est-à-dire, les soins maternels. Cette notion est centrale car elle aboutit à la construction du Self de l’enfant à condition que la mère lui assure et lui offre de façon satisfaisante et continue une sécurité affective et une chaleur protectrice tant physiologique que psychique. Le holding met en place chez l’enfant le sentiment d’exister, il est à la base de l'intégration du Moi en un tout unifié.

 Le Handling signifie la manière dont l’enfant est traité, soigné et manipulé par sa mère. Le Handling permet l’installation de la psyché dans le soma ainsi que le développement du fonctionnement mental.

3.3.3 Liens entre carence des soins maternels et faux-self

Pour Winnicott, c’est la carence de l’entourage aux premiers stades de la vie et l’accumulation ultérieure d’expériences douloureuses, traumatiques, qui conduisent à la nécessité pour l’individu d’organiser des défenses primitives pour

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protéger le « noyau isolé ». Et pour souligner ce point, à savoir que la violation est psychologique plutôt que physique, il écrit (Winnicott, 1965, p.162) :

« Être violé et mangé par des cannibales, tout ceci n’est qu’une bagatelle comparé à la violation du noyau du self… »

Winnicott insiste :

«Lorsque les soins maternels ne sont pas suffisamment bons, la maturation du moi de l’enfant ne peut s’effectuer, ou bien, le développement du moi est nécessairement déformé dans certains aspects d’une importance vitale […] Dans tous les cas , les soins favorisent la tendance innée de l’enfant à habiter son corps et à prendre plaisir aux fonctions corporelles, à accepter la limitation fournie par la peau, cette membrane frontière qui sépare le moi du non moi» (Winnicott, 1965, pp.10-26).

Le rôle de la mère est fondamental

«La mère transforme le moi faible du nourrisson en un moi fort parce qu’elle est là, affermissant chaque chose, comme une direction assistée sur un autobus » (Winnicott, 1965, p27).

Nous avons envie d’écrire que la Mère représente un «catalyseur de maturation». En résumé, si l’accordage maternel est défectueux, l’identification et le sentiment d’exister seront défaillants. Cette défaillance entraînera une rupture dans la construction narcissique du sujet, l’enfant abordera alors une attitude de soumission en s’adaptant aux exigences du milieu environnant. Cette attitude de soumission constituera des conditions favorables à l’émergence d’un faux Self et provoquera, chez l’enfant, une angoisse déstabilisante. Selon Winnicott, des soins maternels escamotés créent un véritable traumatisme, qu’il considère

comme le premier traumatisme désorganisateur de l’évolution psychique du sujet. Il en résulte une insécurité narcissique et une fragilité identitaire formatant ainsi une faible estime de soi chez le sujet.