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Nombre de victimes d’accidents corporels : les tués et les blessés

Dans la plupart des pays, il existe principalement deux sources pour dénombrer les tués et les blessés de la route : les données policières et les données médicales. Les enregistrements de la police permettent les comparaisons en accidentologie et en accidentalité entre pays bien que la qualité des données pâtisse d’un sous enregistrement chronique des cyclistes. Les données d’origine hospitalière sont d’une plus grande représentativité si elles incluent des données sur les simples passages aux urgences, mais elles sont rarement disponibles sur un territoire na-tional, les pays de petite surface tels que la Belgique ou les Pays-Bas font figure d’exception. Par ailleurs, il est parfois difficile de repérer les blessés en fonction de leur mode de déplace-ment dans ces données d’origine hospitalière, les causes externes de morbidité étant souvent mal renseignées.

Les données policières contiennent une plus grande proportion de collisions que les sources médicales car les forces de l’ordre sont généralement contactées pour les accidents les plus graves, nécessitant notamment un procès-verbal pour les procédures judiciaires ou d’assurances. Cette pratique a des effets conséquents sur la connaissance des accidents cy-clistes dont le sous-enregistrement par les forces de l’ordre est retrouvé dans de nombreuses études [133, 224, 239], en particulier sur le territoire de notre étude, le département du Rhône [8]. Avant d’aborder des estimations précises sur le territoire rhodanien, nous exposons les données mondiales et nationales d’accidentalité cycliste pour mieux contextualiser notre re-cherche.

Figure 4 : Probabilité ajustée d’être enregistré par les forces de polices pour les victimes du registre, selon le type d’usager de la route et l’implication d’un antagoniste (avec ou sans) :

Figure 5 : Proportion d’accidents corporels hospitalisé-soigné enregistré dans les données of-ficielles des accidents de la route de différents pays [reproduction de la fig. 3 de l’article de R. Elvik et al.

(2009), [68]].

2.2.1 Estimations mondiales

La figure 6 contient la répartition des tués parmi tous les usagers dans différents pays. Les cy-clistes représentent une faible part des victimes de la route en comparaison avec les autres moyens de transport dans l’ensemble des pays occidentaux. La part des victimes d’accident à vélo est toujours inférieure à celle des piétons, sauf aux Pays-Bas où 26,4% des tués sont des cyclistes. La part des cyclistes tués sur les routes françaises est assez faible (3,6%). La France appartient au tiers des pays ayant les plus faibles taux de mortalité des cyclistes avec la Grèce et la Nouvelle-Zélande qui affichent respectivement 1,8% et 3,2%. Un groupe intermédiaire de pays déclare entre 5 et 6% de victimes chaque année alors que le dernier groupe est essen-tiellement constitué des pays du nord de l’Europe dans lesquels les parts plus importantes de cyclistes décédés sur les routes sont à mettre en parallèle d’un niveau de pratique du vélo éga-lement plus élevé. En somme, les comparaisons entre pays, devraient toujours prendre en con-sidération le nombre d’usagers pour rester pertinentes, les taux de mortalité6 étant influencés par le nombre de cyclistes pratiquants. En outre, la quantité d’usagers est souvent elle-même influencée par un ensemble de facteurs contextuels particuliers à chaque région [99] tels que les politiques publiques [101, 234], la fréquence et la praticité des trajets journaliers [75], l’image du vélo [165, 246], et les facteurs exogènes (météorologie, relief et courbure de l’infrastructure [184, 241]). C’est pourquoi, les comparaisons entre pays ne sont totalement pertinentes que si elles tiennent compte des contextes plus ou moins favorables à la pratique du vélo sur un territoire. L’ajustement sur l’exposition au risque7est une méthode favorable à

6 Le taux de mortalité des cyclistes est le nombre de décès, au cours d’une période (en général l'année), d'indivi-dus utilisant le vélo au moment de l’accident, rapporté à la population totale sur la même période.

cet exercice de comparaison mais ne dispense nullement d’une description du contexte natio-nal de pratique du vélo permettant des confrontations statistiques judicieuses.

Figure 6 : Répartition des tués par type d’usager de la route pour 100 victimes, IRTAD 2012.

2.2.2 Estimations françaises

Chaque année, sur la dernière décennie, environ 150 cyclistes sont décédés sur les routes en France, soit un peu moins de 4% des victimes de la route (tableau 2). Cette proportion est stable depuis les années 1990 et la chute du nombre de victimes s’est essentiellement effec-tuée jusqu’au début des années 2000 grâce à plusieurs facteurs concomitants : une baisse de l’usage du vélo, une limitation de la vitesse maximale autorisée en agglomération (fixée à 50 km/h en 1990), une baisse de la limite du taux d’alcool à 0,5 g/l. et l’instauration du permis à points [168]. Néanmoins, ces chiffres masquent une réalité des accidents cyclistes : il y a 10 fois plus de blessés graves que de tués [7]. Un peu moins de 1500 personnes par an ont des séquelles graves, parfois lourdement handicapantes suite à une collision ou une chute à vélo [106, 161].

Tableau 2 : Évolution du nombre de décès sur les routes françaises par type d’usagers, 1990, 2000, 2009, 2010. (ONISR)

2.2.3 Estimations rhodaniennes

Dans le département du Rhône, il existe depuis 1996 un registre qui recense en milieu hospi-talier, les accidentés de la route recevant des soins en consultation, dans les services d’urgence ou lors d’une hospitalisation. Il permet de décompter le nombre de blessés cyclistes sur une zone géographique bien déterminée. La stabilité des effectifs de victimes d’accident à vélo depuis les années 2000 et les taux d’incidence par sexe sont présentés ci-dessous (figure 7), les données sont issues d’un rapport décrivant les victimes et leurs blessures [5].

Figure 7 : Incidence des victimes d’accident à vélo, par année, âge et sexe. Registre du Rhône, 1996-2006 (pour 100 000 habitants) [5].

Les études menées à partir de données médicales du Registre des Victimes d’Accidents de la Circulation du Rhône ont montré qu’il est important de prendre en compte le type de cycliste8

pour décrire les accidents à vélo. Le lieu de pratique permet d’approximer une utilisation du vélo à but utilitaire, de loisir ou de pratique sportive. Par exemple, la proportion de collisions avec un antagoniste est de 8% chez les enfants de moins de 10 ans, de 17% chez les adoles-cents et les adultes blessés hors ville alors qu’elle est des 31% pour ceux circulant en ville [5]. Nous pouvons alors distinguer des types de cyclistes par âge, lieu de pratique et type d’accident.

La même étude menée sur le Registre montre aussi que la majorité des blessés sont des vic-times d’accidents impliquant un seul cycliste puisqu’environ 70% des adultes blessés hors ville n’ont pas expérimenté de collision avec un antagoniste. Ces accidents sans tiers ont pour conséquences une moindre gravité des blessures et des régions corporelles atteintes diffé-rentes de celles liées aux collisions [6]. Ainsi, parmi les victimes d’accident dont la gravité des blessures est supérieure ou égale à un AIS 2+ ; 23% sont atteintes à la tête, 5% à la face et 50% aux membres supérieurs. Tandis que lorsqu’il y a eu une collision, ces proportions sont respectivement de 23%, 3% et 27%, ce sont alors les membres inférieurs qui sont les plus fré-quemment touchés. L’analyse des accidents de cyclistes doit par suite prendre en compte le type de cycliste, c’est-à-dire à minima le motif de circulation à vélo combiné à l’âge.

Le tableau 3 présente les principaux résultats d’une étude menée sur les accidents à vélo en tenant compte de l’exposition au risque [22]. On y lit que les cyclistes du Registre ont 8 fois plus de chances que les automobilistes d’être blessé par heure passée sur la route, alors qu’il n’est que de 2,4 fois si l’on se réfère aux seules données policières (BAAC), ce qui témoigne du sous-enregistrement des accidents cyclistes par les données policières. Le risque de bles-sure, toute gravité confondue, est inférieur à celui des deux-roues motorisés et supérieur à ce-lui des piétons et des automobilistes.

Tableau 3: Ratios entre le taux d’incidence d’être blessé, toutes gravités confondues, de chaque type d’usagers et celui des automobilistes, selon différentes mesures d’exposition (BAAC, Registre et EMD avec correction de saisonnalité, Rhône 2005-06)

Exemple de lecture : taux d’incidence cycliste (99,41) / taux d’incidence automobilistes (12,83) = 7,7. Les cyclistes ont 8 fois plus de chances que les automobilistes d’être blessé par heure passée sur la route. Source : rap-port AVER [22]

La figure 8 représente les ratios d’incidence calculés d’être blessé selon l’âge, le sexe et le mi-lieu urbain en fonction des heures passées. On observe que les cyclistes de 18-25 ans ont 3 fois plus de risque que les 25-65 ans (catégorie de référence). Les cyclistes âgés de 14 à 18 ans et ceux de moins de 14 ans ont aussi un sur-risque, respectivement 1,61 et 1,42 fois supé-rieur. Les femmes ont 2,43 fois plus de probabilité de se blesser par comparaison aux hommes. Toujours pour un même nombre d’heures passées, le risque d’accident hors ville se-rait de 1,64 fois plus grand qu’en ville (calcul fait sur un nombre relativement faible de bles-sés pour les blesbles-sés hors ville, d’où une évaluation qui manque vraisemblablement de signifi-cativité statistique).

Figure 8 : Ratios d’incidence ajustés d’être blessé (toutes gravités) pour l’âge, le sexe et l’urbanisation, selon les heures passées, par type d’usagers (Registre et EMD avec

cor-rection de saisonnalité), Rhône 2005-06.

Source : rapport AVER [22]

Les blessures suite à un accident à vélo concernent inégalement les cyclistes en fonction de l’âge, du sexe et du lieu de la pratique. Autrement dit, il existe des facteurs de risque d’accident liés au cycliste, à son vélo et à l’environnement dans lequel ils évoluent [88].