Au niveau sémantique : « Donnez-moi votre main »

L‘emploi des adjectifs possessifs est résuméen une phrase dans les grammaires suivantes : Extraits 8 :

FPG (1987 : 29) ; GMF (2008 : 36) ; GEE (2015 : 162) ; GÉF (2017 : 92) : L’adjectif possessif marque un rapport d’appartenance.

FGF (2015 : 74) :

L’adjectif possessif est utilisé pour indiquer une possession, une relation entre des personnes, une relation entre des choses ou des lieux et des personnes.

GPT (2014 : 52) :

Les possessifs introduisent une idée de lien personnel.

GEF (2018 : 41) :

On utilise mon, ta, vos … pour dire à qui est une chose ou une personne.

La première description, très classique, est identique à celle présentée dans Alter Ego + et Saison. FGF décrit trois types de relations : outre la possession dans un sens général, sont évoquées deux autres relations plus détaillées (celle entre des personnes et celle entre des choses ou des lieux et des personnes). GPT formule une description plus simplifiée, une idée de lien personnel, illustrée par un exemple, « Pour mon anniversaire, j‘invite mon frère, ma sœur, mes parents, mon amie Marie et mon ami Pierre. »(2014 : 52). La formulation présentée dans GEF est également adaptée à

l‘apprenant débutant. La présence des formes mon, ta, vos évite l‘usage de la terminologie. La possession est reformulée comme à qui est une chose ou une personne.

Par rapport aux autres grammaires, GDF (2009 : 109) fournit une description plus exhaustive : Extraits 9 :

En plus de désigner une relation d’appartenance concrète, telle que mon livre, ta bicyclette, ses plumes, etc., les adjectifs possessifs peuvent encore marquer des relations plus générales :

- relation entre des personnes : mon père, ton directeur, son professeur - notion abstraite : notre avis, votre bonheur, leur colère

- action : Il est venu à ma rencontre. Avez-vous déjà pris votre bain ?

Les auteurs chinois distinguent de manière minutieuse trois types de relation en fonction de la nature du possédé: des personnes, des sentiments, des idées ou des actions.

En plus de l‘emploi courant des adjectifs possessifs, certaines grammaires incluent des cas particuliers :

1) Les parties du corps

Extraits 10 :

FPG (1987 : 29-30) :

Le possessif est remplacé par l’article défini devant le nom des parties du corps lorsqu’on connaît le possesseur.

Par contre, le possessif est maintenu :

-

-

-

GMF (2008 : 37) :

Les adjectifs possessifs sont souvent remplacés par les articles définis devant le nom de parties du corps, si le sens est évident. Toutefois, quand le nom est accompagné d’un adjectif, il faut employer l’adjectif possessif.

Quand la relation d’appartenance est très évidente et désigne en particulier les parties du corps, les articles définis sont souvent employés pour remplacer les adjectifs possessifs. Mais pour signaler cette relation d’appartenance, ou lorsque l’objet possédé est caractérisé par un adjectif, il faut employer un adjectif possessif.

GÉF (2017 : 94) :

Quand la relation entre les parties du corps et le possesseur est évidente, les adjectifs possessifs sont remplacés par les articles définis.

Ce qui est en question ici est le choix entre adjectifs possessifs et articles définis dans le cas des parties du corps. Les auteurs évoquent d‘abord l‘emploi des articles définis devant le nom des parties du corps. Ils fournissent des explications sur ce point : lorsqu’on connaît le possesseur ; lorsque la relation entre les parties du corps et le possesseur est évidente. Ces descriptions paraissent pourtant peu concrètes pour un apprenant débutant. Par ailleurs, d‘après les auteurs chinois, le possessif est maintenu lorsque le nom est accompagné d‘un adjectif. Or, selon l‘auteure française (FPG), c‘est lorsque le nom est accompagné d‘au moins deux adjectifs. Le nombre d‘adjectifs joue-t-il alors un rôle ?

Pourquoi le possessif est-il maintenu lorsque le nom est accompagné d‘un adjectif ? Pourquoi le possessif remplace-t-il l‘article défini ? Parce que « le possessif produit un effet de focalisation sur l‘élément dépendant » (Charaudeau, 1992 : 204). Deux grammaires apportent un éclairage sur cet effet de focalisation :

Extraits 11 :

FPG (1987 : 30) :

Lorsqu’on veut indiquer la partie du corps, par opposition à une autre partie identique : Il a mal à sa dent. (= celle qu’il est en train de faire soigner).

GDF (2009 : 109) :

Mais pour signaler cette relation d’appartenance, ou quand l’objet possédé est caractérisé par l’adjectif, il faut employer les adjectifs possessifs : Il traîne sa jambe de bois. Donnez-moi votre main. Je lui lave ses mains sales.

Ainsi, l‘emploi du possessif indique une valeur de mise en relief du rapport de dépendance. Il serait judicieux de recourir à des énoncés contextualisés plutôt qu‘à des phrases isolées. En voici des exemples (Charaudeau, 1992 : 205) :

Si vous ne savez pas gagner d’argent avec vos mains, sachez au moins en dépenser avec vos pieds. (Publicité pour une marque de chaussures)

Revoir Martereau tout de suite : son bon sourire, le regard placide et droit de ses grands yeux clairs, sa solide poignée de main, sa bonne grosse voix… (N. Sarraute, Martereau, Gallimard)

Sachant qu‘il s‘agit d‘une publicité pour le premier exemple, l‘apprenant pourrait comprendre plus facilement l‘emploi de « vos mains /vos pieds » à la place de celui de « les mains /les pieds ». Le second exemple montre que pour l‘emploi du possessif, le nombre d‘adjectifs n‘est pas décisif puisqu‘en l‘occurrence, il est question de la mise en relief des « grands yeux clairs de Martereau ».

2) L’habitude, les effets appréciatifs

Les ouvrages de grammaire chinois introduisent d‘autres emplois des adjectifs possessifs : Extraits 12 :

Les adjectifs possessifs peuvent exprimer une habitude : Je souffre de mon rhumatisme. (GMF, 2008 : 37) Elle a sa migraine. (GDF, 2009 : 109)

Il travaille son piano tous les jours. (GEE, 2015 : 163 ; GÉF, 2017 : 94)

Les adjectifs possessifs peuvent exprimer des sentiments, tels que la préférence, l’antipathie, l’intimité, la politesse :

Il est gentil, ton Cédric ! (GÉF, 2017 : 94) J’en ai assez de ton Pierre ! (GEE, 2015 : 163) Oui, mon cher ami. (GDF, 2009 : 110)

Oui, mon colonel. (GMF, 2008 : 38)

Il nous semble pertinent de travailler à l‘oral ces effets appréciatifs des adjectifs possessifs afin que l‘apprenant ressente des émotions variées et qu‘il s‘entraîne à l‘intonation qui les accompagne. Toutefois, l‘emploi des effets appréciatifs ne relève pas du niveau débutant. En raison d‘une absence de hiérarchisation dans les niveaux de langue, les auteurs chinois présentent la majorité des emplois des adjectifs possessifs dans une seule grammaire.