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- La théorie de l’esprit

Le terme de « théorie de l’Esprit » (Theory of Mind ou ToM en anglais) est naît en 1978 sous la plume de Premack et Woodruff , primatologues qui ont découvert chez les chimpanzés la capacité de déchiffrer les états mentaux humains (111). Nécessaire pour le développement de la communication intersubjective, la théorie de l’esprit s’acquière progressivement au cours de l’enfance, au fur et à mesure que l’individu accède à la capacité de comprendre que l’autre ne présente pas le même point de vue, la même vision du monde, des choses et des évènements, mêmes partagés. Il peut alors attribuer des états mentaux à autrui, c’est-à-dire comprendre les intentions et pensées de la personne en interaction avec lui, et en prédire ses actions.

Il existe plusieurs niveaux de compréhension des états mentaux d’autrui, appelés ordres : Soit B et C deux individus différenciés de nous,

- 1er ordre : capacité de comprendre, d’inférer l’état mental de notre partenaire de relation B. Elle se développe aux alentours de 4 à 5 ans.

- 2ième ordre : capacité de comprendre qu’un individu B peut interpréter l’état mental d’un autre individu C. L’enfant est normalement capable de réussir un test de second ordre à partir de 6 à 7 ans.

Afin de tester son acquisition, il est possible d’évaluer chez l’enfant à partir de 3 ou 4 ans la compréhension de l’existence possible d’une fausse croyance chez un individu : un personnage fictif possède une croyance altérée de la réalité car il n’a pas accès à certains éléments de l’histoire, alors que ceux-ci sont connus de l’enfant testé. Deux types de tests sont possibles, le « déplacement » (Figure 2) et le « container inattendu ». Ces tests ont été décriés par plusieurs auteurs du fait de leur manque de spécificité, le niveau de langage et l’efficience intellectuelle apparaissant comme facteurs de leur

réussite ou échec (108). Ils restent néanmoins des outils intéressants dans la caractérisation des difficultés sociales rencontrées par l’individu, la défaillance en théorie de l’esprit ne représentant que l’une des possibles atteintes pouvant être rencontrées.

Personnage A Personnage B

Une balle est placée dans la première boîte en présence des personnages A et B

Personnage A

Le personnage A change la balle de boîte en l’absence du personnage B

Personnage A Personnage B

Dans quelle boîte le personnage B cherchera-t-il la balle ?

Figure 2 : Principe du test de fausse croyance de 1er ordre, de type déplacement

La théorie de l’esprit présente des précurseurs apparaissant de façon précoce dans la vie de l’enfant, au nombre de 4 selon Baron-Cohen (112) :

- Le détecteur d’intentionnalité (ID): dispositif perceptif primitif de détection des mouvements provenant d’une source identifiée comme agent animé, en termes de désir et de but.

- Le détecteur de direction des yeux (EDD): dispositif perceptif visuel permettant d’interpréter le regard, le contact oculaire avec l’autre, comme « l’agent me voit », ou permettant d’identifier la cible du regard d’autrui (108).

- Les représentations dyadiques : elles permettent la prise de conscience d’un univers partagé via la mise en relation des représentations d’intentionnalité et de direction des yeux.

- Le mécanisme d’attention partagée (SAM): il permet l’émergence des représentations triadiques par la création de liens entre soi, un autre agent et un objet à travers le regard dirigé. L’attention

partagée nous permet ainsi d’orienter de façon intentionnelle le regard de quelqu’un vers l’objet de notre attention, afin de créer un échange autour de ce même objet.

- L’agentivité

Elle correspond à la capacité qu’a l’individu de se sentir conscient, responsable et dans le contrôle de ses propres actions et de leurs conséquences sur son environnement. Son développement serait en lien avec la capacité d’imitation, qui nous influence dans notre construction par le phénomène de résonnance entre l’action d’autrui et notre propre action. Nous restons cependant autonome et maître de nous même via les fonctions d’inhibition et de régulation permettant d’éviter le risque de « contagion sociale » et de confusion des identités (108). S’il nous est possible de nous percevoir comme agent de nos actions, il est également possible d’identifier l’agent responsable d’un comportement observé, et ainsi d’inférer sur ses désirs, ses buts et ses actions à venir, en lien avec les mécanismes de théorie de l’esprit et d’empathie.

- L’empathie

Cette capacité peut se définir comme l’aptitude à voir le monde à travers les yeux de l’autre afin d’en comprendre son vécu, ses émotions, ses sentiments. Elle offre pour C. Bursztejn la possibilité de connaître ainsi « de manière implicite les intentions de nos partenaires d’action » (104), rappelant alors son lien étroit avec la théorie de l’esprit. L’empathie, en lien avec le fonctionnement des neurones miroirs (cf plus bas dans le texte), est primordiale dans le champ des habiletés sociales. En effet l’interprétation et l’anticipation du vécu émotionnel de son partenaire de communication permettent d’adapter son comportement afin d’entrer dans un échange relationnel de qualité. Elle se développe tôt dans l’enfance : le nourrisson peut rapidement différencier êtres vivants et objets, et accède selon D.N. Sternà la relation intersubjective entre 7 et 9 mois (113).

- L’insight

Afin de comprendre le comportement à visée sociale présenté par l’autre, il nous faut tout d’abord avoir la capacité de comprendre notre propre comportement. Cette compréhension de nous même et de nos représentations nous permet alors par analogie, via les systèmes d’empathie et de théorie de l’esprit, de comprendre l’autre et avoir l’intuition de ses propres représentations (114).