• Aucun résultat trouvé

La cognition sociale comprend de nombreuses fonctions distinctes mais interconnectées, utilisées ensembles de façon simultanée ou consécutive par l’individu dans le but de percevoir le stimulus social, l’analyser, en comprendre l’objectif, afin d’y permettre par la suite une réponse adaptée. En amont des comportements sociaux qui pourront être produit par l’individu, donc non observable directement, sa mesure nécessite des tests cognitifs spécifiques.

- Niveau cognitif bas

- Perception des stimuli sociaux

Les informations sensorielles, qu’elles soient visuelles, auditives, tactiles ou olfactives, parviennent initialement de nos organes perceptifs de manière indifférenciée entre stimuli sociaux ou non sociaux. C’est le travail cognitif qui s’en suit qui permettra de leur donner ou non un sens social. Ainsi, les quelques informations ayant passé le filtre attentionnel passent de sensation à perception, par trois étapes d’encodage : l’extraction de traits, la hiérarchisation perceptive, puis la catégorisation perceptive (108). Les perceptions à caractère social, comme le mouvement des êtres vivants, les expressions du visage ou les émotions sont ensuite traitées par un circuit neuronal dédié à la cognition sociale, dont font partie

l’amygdale, le sillon temporal supérieur et le gyrus fusiforme. Celui-ci est fonctionnel très tôt dans l’enfance, les nouveaux-nés étant déjà plus attirés par les stimuli sociaux comme le sourire ou la voix de leur entourage que par les objets environnants.

- Fonctions attentionnelles engagées dans les processus sociaux

Le filtrage attentionnel, inclus dans le processus de neuromodulation sensorielle, est nécessaire au tri des trop nombreuses informations parvenant au cerveau. Il permet de sélectionner les stimuli d’interêt qui sans filtre seraient noyés dans le flot ininterrompu des sensations provenant de nos organes sensoriels. La fonction d’attention conjointe est majeure dans l’accès à la relation sociale. Elle permet, par le regard dirigé ou le pointage directionnel de type proto-déclaratif apparaissant entre 12 et 15 mois, la constitution de la représentation triadique. Son but est de partager avec autrui une pensée, un intérêt ou une intention concernant un objet ou un stimulus. Elle s’acquière au cours des premières années de vie, en parallèle de l’acquisition de la station debout puis de la marche. Son absence est l’un des premiers signes pouvant interroger sur le bon développement du champ relationnel social de l’enfant. L’attention soutenue a pour rôle au cours de l’échange social de maintenir son attention sur les éléments nécessaires à une bonne compréhension de la situation, comme le discours ou la communication non verbale. Cette capacité à se concentrer sur les indices de la relation permet d’apporter la réponse adaptée afin de maintenir l’échange et rendre celui-ci productif. L’attention séléctive quant à elle permet par exemple de ne pas se laisser distraire par les autres stimuli auditifs ou visuels pouvant survenir au cours de l’interaction, et risquant d’altérer celle-ci.

- Fonctions exécutives

Plusieurs d’entre elles sont nécessaires au bon déroulement de la relation sociale. L’inhibition nous permet par exemple de gérer les tours de parole, éviter des questions génantes, filtrer les réactions émotionnelles qui pourraient se révéler délétères pour la relation ou encore freiner notre propre perspective afin d’accéder à celle d’autrui. La planification nous permet de prévoir notre réponse comportementale afin que celle-ci soit adaptée, entre autres dans le temps et l’espace, au contexte de l’échange. La capacité de jugement permet de nous positionner par rapport à l’autre, tandis que la résolution de problème et la flexibilité sont efficaces pour maintenir et prolonger un échange de qualité.

- Pragmatique du langage

Que cela passe pour citer C. Bursztejn (104) par « la valeur sémantique explicite des mots, les significations implicites contenues dans les métaphores ou par les éléments suprasegmentaires de la parole (intonation, hauteur de voix, débit) », le langage est un outil riche. La pragmatique peut être définie comme l’utilisation à but social de ce langage, c’est-à-dire dans un but de communication avec autrui. Cette capacité apparait dès l’enfance et mature avec les expériences relationnelles éprouvées au cours de sa vie.

- L’intentionnalité de la communication : adapter son discours dans ses différentes fonctionnalités au but de l’échange (recherche d’information, jeu, discussion informelle, résolution de problème…).

- La régie de l’échange : l’adaptation de l’échange afin qu’il soit productif, via les capacités cognitives dédiées aux relations sociales (contact visuel, attention conjointe, inhibition et planification permettant la gestion des tours de parole, théorie de l’esprit, analyse des réactions faciales…).

- L’adaptation à la situation de communication : la prise en compte du contexte de l’interaction (lieu, heure, acteurs de l’échange).

- L’organisation de l’information : la cohésion et la cohérence du discours.

Le développement de la pragmatique s’établit dès les premiers mois de vie, en plusieurs stades rappelés par Guéroult et de Vaugiraud en 2012 (110) :

- Dès les premiers mois : apparition du dialogue avec alternance des rôles, mise en place de la régie de l’échange.

- A 6 mois : échange des tours.

- A partir de 9 à 12 mois : émergence des fonctions du langage.

- Dès 2 à 3 ans : Notion d’intentionnalité des actes, de conscience du droit à la parole et apparition de réactions aux échecs de la communication.

- Entre 2 et 5 ans : Apparition de la capacité à prendre en compte le savoir commun partagé, meilleur maîtrise des routines de salutation, stratégies d’initiation.

- Dès 3 à 4 ans : possibilité de s’adapter à l’interlocuteur et au contexte de l’échange, en modifiant le langage en fonction.

- Entre 6 et 12 ans : enrichissement de la conversation par la nuance de registre selon l’interlocuteur, capacité d’initiation, de maintien et de clotûre de l’échange.

- A 7 ans et plus : capacité à s’adapter au contexte social.

La pragmatique du langage apparait ainsi primordiale pour entreprendre et entretenir des échanges de qualité. Elle prend un rôle majeur dans le domaine de la clinique de la relation sociale depuis la parution du DSM 5 en mai 2013 (15), rapprochant fortement capacités pragmatiques et habiletés sociales, indépendamment de la possible présence chez l’individu d’un diagnostic de Trouble du Spectre de l’Austime. En effet celui-ci propose un nouveau diagnostic, le « Trouble de la Communication

Sociale » (Social Communication Disorder dans la version originale, cf annexe 4 pour les critères

diagnostiques), qui se caractérise par « une difficulté primaire dans la pragmatique, se manifestant par des déficits de la compréhension et du respect des règles sociales de la communication verbale et non- verbale dans des contextes de la vie réelle, et entraînant des limitations fonctionnelles dans la communication effective, l’intégration sociale, le développement de relations sociales, la réussite

scolaire ou les performances professionnelles. Les déficiences ne sont pas mieux expliquées par des faibles compétences dans les domaines de la langue structurelle ou des capacités cognitives ».

Les difficultés apparaissent en général précocément dans l’enfance, entre 4 et 5 ans, mais peuvent restées masquées jusqu’à ce que le niveau de communication sociale devienne trop exigeant, souvent vers l’adolescence.

Selon le DSM 5, il est noté une fréquence plus importante de TDAH, de troubles du comportement et de troubles spécifiques des apprentissages dans cette population, rappelant le lien entre TDAH et difficulté dans les interactions sociales. Le trouble du spectre de l’autisme représente un diagnostic différentiel qu’il est important de rechercher systématiquement par une exploration des autres symptômes à type de comportements, intérêts et activités restreints ou répétitifs, absents dans le Trouble de la Communication Sociale.