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Lorsque l’on se réfère à la classification établie par le DSM, outre le fait que les deux pathologies touchent en grande majorité la population de sexe masculin, il apparait une différence clairement établie entre TDAH et TSA, ces deux troubles ne partageant aucun des critères diagnostiques qui les caractérisent. En effet si les élements recherchés dans le TDAH sont les difficultés attentionnelles, l’hyperactivité et l’impulsivité, le diagnostic de TSA se fait quant à lui sur la base de la communication et interactions sociales et des comportements restreints ou répétitifs. En revanche, lorsque l’on prend de la distance vis-à-vis des simples critères diagnostiques et que l’on s’intéresse au fonctionnement des deux troubles, entre autres cognitif et neurofonctionnel, il semble apparaitre certains rapprochements :

1. 2. 1/ Comportemental

Si les critères diagnostiques sont bien distincts entre les deux pathologies, la présentation clinique peut toutefois être plus difficile à attribuer à l’une ou l’autre, tout comme il n’est pas rare d’observer les caractéristiques cliniques de l’un des deux troubles chez des enfants pour lesquels l’autre diagnostic est porté. C’est ce que rappelle Rommelse et al. en 2011 à travers la revue de plusieurs études, permettant d’évaluer à environ 20 à 50 % le nombre d’enfants TDAH présentant des critères de TSA et à l’inverse entre 30 et 80 % d’enfants avec TSA présentant des symptômes typiques d’un TDAH (146). Ces chiffres interpellent et posent la question d’un possible phénotype commun aux deux troubles ou évoluant sur un fil continu entre TDAH et TSA, expliquant ce possible partage de symptômes. Afin de préciser ces caractéristiques comportementales, l’équipe de Luteijn et al. s’intéresse dès 2000 aux similitudes et différences cliniques entre enfants présentant un trouble envahissant du developpement non spécifié (TED-NOS) et enfants avec TDAH, via la comparaison des scores sur la Child Behavior Checklist (CBCL) et le Children’s Social Behaviour Questionnaire (CSBQ). Si les deux groupes présentent des difficultés importantes dans leurs comportements, avec des scores totaux à la CBCL non statistiquement différents, les scores des sous-échelles « difficultés sociales » et « retrait » sont significativement plus élevés pour le groupe TED-NOS, montrant une altération plus importante que chez les TDAH. Les scores à la sous-échelle « attention » sont en revanche similaires entre les deux groupes, pouvant expliquer in fine l’absence de différence significative sur les scores totaux. Concernant le CSBQ, les scores totaux, le score de communication et le score d’interactions sociales, créés par les auteurs pour cette étude, sont plus élevés chez les TED-NOS par rapport aux enfants TDAH, confirmant la différence clinique entre les deux groupes malgré la présence d’altérations de type autistique dans la population TDAH (147). En 2015, Craig et al. complètent les données concernant la CBCL, avec l’observation de 4 groupes différents : enfants témoins, TDAH, TSA et TDAH + TSA. Les groupes TDAH + TSA et TDAH obtiennent les scores les plus élevés pour les sous-échelles « troubles totaux », « troubles externalisés » et « déficit attentionnel » de la CBCL. A la différence de Luteijn et al., les auteurs ne retrouvent pas d’écart significatif entre les trois groupes cliniques concernant le score de « retrait ». Le groupe TDAH + TSA, présentant un profil cognitif évalué par le QI légèrement inférieur aux autres groupes, possède le taux de traits autistiques le plus élevé sur cotation du Social Communication Questionnaire (SCQ), suivi du groupe TSA puis TDAH, ces derniers ayant eux aussi un taux significativement plus élevé que celui du groupe contrôle (148).

1. 2. 2/ Cognitif

Il est clairement établi que les TSA et le TDAH sont toutes deux des pathologies caractérisées par des altérations des fonctions exécutives, ce qui les rapprochent sur le plan neurofonctionnel. En revanche, le profil de ces altérations est resté longtemps débattu, plusieurs études ayant retrouvé une tendance à la présence d’un défaut d’inhibition pour les enfants TDAH et des difficultés de planification et de

flexibilité cognitive en ce qui concerne les enfants avec TSA (149). Cependant cette dichotomie est remise en question par les études plus récentes, dont Rommelse et al. en 2011 qui après revue de la littérature se positionnent en faveur non pas de profils disctincts mais d’un profil similaire qualitativement, c’est-à-dire touchant les mêmes fonctions exécutives mais à des degrés différents d’intensité (146). Dans cette lignée, en 2012, Xiao et al. étudient les capacités d’inhibition d’enfants TSA et enfants TDAH à travers les tâches de Go-No-Go (recherche d’erreurs de réaction) et Stroop (recherche d’erreurs d’omission), avec imagerie fonctionnelle par spectroscopie NIRS (near-infrared spectroscopy). A la tâche de Go-no-Go, les TSA et TDAH font plus d’erreurs de réaction que les contrôles, et ont un temps de réaction plus allongé (temps des TSA supérieur à celui des TDAH). S’y associe chez les TSA et TDAH un degré d’inactivation plus important dans le cortex pré-frontal droit, en faveur d’altérations de l’inhibition dans les deux troubles. Les réactions sont proches dans les 3 groupes à la tâche de Stroop, les enfants avec autisme ou TDAH ne commettant pas plus d’erreurs d’omission que les sujets sains (150). En 2006, Happé et al avaient déjà retrouvé dans une population d’enfants âgés de 8 à 16 ans une altération significative de la fonction d’inhibition sur le Go-No-Go dans les groupes cliniques TSA et TDAH par rapport à la population contrôle, mais avec une différence entre les deux troubles, les enfants avec TDAH apparaissant plus impactés que les enfants avec TSA. Les tests de planification et de mémoire de travail donnent les mêmes résultats, les enfants TDAH étant les plus impactés, suivis par les TSA, ces deux groupes étant significativement plus en difficulté que les enfants sains. Sur les tests de sélection de réponse (de type estimation, par exemple « quel est l’âge de la personne la plus âgée en Angleterre ? »), les enfants TSA sont plus en difficulté que les sujets TDAH. Enfin la comparaison des résultats en fonction de l’âge (8 à 10 ans et 11 à 16 ans) montre une amélioration plus importante des scores avec l’âge chez les enfants TSA et les enfants sains que chez les enfants TDAH (151). En 2015, Unterrainer et al. s’intéressent de plus près à la fonction de planification. Ils réalisent pour cela une étude comparant via la tâche de la « Tour de Londres » la capacité de planification de 4 groupes de garçons âgés de 6 à 13 ans : enfants TSA sans TDAH, TSA avec TDAH, TDAH seuls et témoins. Le groupe TSA avec TDAH apparait le plus en difficulté chez les enfants les plus jeunes mais présente des scores semblables au groupe témoin chez les sujets les plus âgés, mettant en avant un probable retard de développement de cette capacité chez les enfants souffrant de troubles neurodéveloppementaux. En revanche, lorsque la difficulté de la tâche est augmentée, les sujets TSA sans TDAH présentent des délais de planification augmentés et plus important que les sujets du groupe TSA avec TDAH, ces derniers étant paradoxalement probablement améliorés par la composante impulsive inhérente au TDAH (152). En 2016, Visser et al. réalisent une revue de la littérature afin d’étudier le développement des fonctions exécutives dans une population d’âge pré- scolaire. Les difficultés chez les enfants avec TSA semblent émerger à partir de l’âge de 4 ans, initialement centrée sur les difficultés de déplacement de l’attention, tandis que chez les sujets TDAH les altérations concerneraient dès le jeune âge les difficultés d’inhibition, avec participation des processus motivationnels et de régulation des émotions dans l’expression de ces difficultés (153).