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A. Les espèces réactives de l’azote

4. Nitroxyle

NO2. Même lorsque la formation de 3-nitrotyrosine peut être reliée à la production de peroxynitrite, il est difficile d’affirmer avec certitude que le niveau de nitration des résidus tyrosines des protéines reflète exactement la quantité de peroxynitrite produite par la cellule car il dépend aussi des mécanismes d’élimination et de réparation des protéines nitrées in vivo qui ne sont pas élucidés. Plus généralement se pose la question de la stabilité

de la nitration opérée par le peroxynitrite in vivo.

Pour toutes les raisons évoquées ici, il est très difficile d’avancer une valeur pour la concentration physiologique du peroxynitrite. Cette valeur varie sans doute beaucoup selon le compartiment, la cellule, le tissu considéré. Dans la littérature, une concentration stationnaire intramitochondriale de 0,6 à 2,2 nM de peroxynitrite est proposée, mais cette grandeur est calculée à partir des flux de NO et de O2•– et non pas mesurée expérimentalement (Alvarez S. 2003b).

4. Nitroxyle

Une abondante littérature décrit les propriétés chimiques et les effets biologiques des espèces oxydées dérivées de NO, mais peu d’études se consacrent, à l’anion nitroxyle NO, le dérivé réduit à un électron de NO. En particulier, sa réactivité vis-à-vis des molécules organiques est largement inconnue pour l’instant. Plusieurs raisons expliquent le faible intérêt de la communauté scientifique pour cette espèce. Une erreur importante sur la mesure du potentiel d’oxydoréduction du couple NO/NO, a longtemps entretenu l’idée que le nitroxyle n’avait aucune existence physiologique. Aujourd’hui, les caractéristiques physicochimiques du nitroxyle ont été réévaluées et de nombreux résultats témoignent en faveur de sa formation potentielle in vivo. Cependant, le nitroxyle est une espèce

particulièrement instable et difficile à détecter, ce qui ne facilite par l’étude de sa réactivité. 4.a. Formation, existence in vivo

A pH physiologique, la forme prédominante du nitroxyle est la forme protonée HNO dans un état fondamental singulet. En effet, HNO est un acide plus faible que ne le laissaient croire les premières estimations du pKa du couple 1HNO/3NO. Il est désormais

admis que la valeur du pKa est voisine de 11,4-11,6 (Bartberger 2002 ; Shafirovich 2002), et que la réaction de déprotonation a lieu moyennant le franchissement d’une barrière d’activation très élevée à cause de l’interdiction de spin associée à cette réaction (Shafirovich 2003). Le pKa du couple 1HNO/1NO vaut environ 23 (Shafirovich 2002).

Le potentiel d’oxydoréduction du couple NO/3NO est de l’ordre de – 0,8 V à 1 M de NO (Bartberger 2002). La réduction de NO en nitroxyle peut être effectuée par la superoxyde dismutase (Murphy M. E. 1991), par le ferrocytochrome c (Sharpe 1998), et probablement par l’ensemble des ferrohémoprotéines. Plus récemment, il a été montré que la xanthine oxydase convertit NO en HNO en présence de son substrat l’hypoxanthine et en conditions anaérobies (Saleem 2004). Ce mécanisme pourrait contribuer aux dommages du stress oxydant lors de l’ischémie-reperfusion étant donné que la NO-synthase et la xanthine oxydase sont alors simultanément activées et induites. La réduction de NO pourrait également être opérée par des systèmes redox de type quinone/hydroquinone (catécholamines, flavonoïdes, ubiquinol...) d’une façon similaire à la réduction du dioxygène en O2•– (Poderoso 1999). Des études suggèrent que le nitroxyle produit par cette voie serait l’un des agents responsable des ruptures de brins d’ADN provoqués par NO en présence de catéchols (Ohshima 1998).

Des mécanismes de formation du nitroxyle indépendants de NO ont également été mis en évidence dans des conditions physiologiques. On peut citer par exemple l’oxydation des N -hydroxyguanidines (Fukuto 1992b ; Cho 2003) et la réaction entre thiols et

nitrosothiols (Wong 1998).

Plusieurs systèmes chimiques de production de nitroxyle sont connus et peuvent servir pour l’étude des propriétés physiologiques de cette espèce. Le sel d’Angeli (ou trioxodinitrate de sodium, Na2N2O3) est la source de nitroxyle la plus communément utilisée dans la littérature. D’autres systèmes existent cependant comme les

N-hydroxybenzenesulfonamides (en particulier l’acide de Piloty (Fukuto 1992a)), et la

réaction d’oxydation du cyanamide par la catalase en présence de peroxyde d’hydrogène (Nagasawa 1990).

4.b. Effets physiologiques

Les effets biologiques du nitroxyle administré de façon exogène varient selon le type de cellule ou le tissu étudié. Le sel d’Angeli a un effet cytotoxique sur des cultures de neurones dopaminergiques (Vaananen 2003) et un effet cytotoxique synergique est observé

(Chazotte-Aubert 1999). Ces effets passent par l’oxydation des thiols dans le premier cas, et par l’oxydation de l’ADN dans l’autre (Ohshima 1999). Quelques résultats indiquent que le nitroxyle pourrait jouer un rôle en tant que régulateur de la fonction de diverses protéines (induction de l’hème oxygénase 1 (Naughton 2002), régulation du récepteur à l’acide N-méthyl-D-aspartique (NMDA) (Colton 2001), inhibition de l’aldéhyde

déhydrogénase (DeMaster 1998)). Un effet inotropique positif protecteur (augmentation de la contractilité du myocarde) a été relevé à plusieurs reprises dans le cœur défaillant (Feelisch 2003 ; Pagliaro 2003 ; Paolocci 2003). Dans tous les cas, l’effet du nitroxyle est clairement distinct de celui du monoxyde d’azote.

4.c. Caractéristiques de la réactivité du sel d’Angeli

N N O O O N N O O O .2 Na

Le sel d’Angeli (ou trioxodinitrate de sodium, Na2N2O3) se décompose en solution aqueuse pour donner différents oxydes d’azote selon les conditions. La nature des produits et la valeur de la constante de vitesse de la réaction de décomposition dépendent grandement du pH de la solution. Dans la gamme de pH comprise entre 4 et 8, HNO et NO2 sont libérés (réaction 13 ; on détecte en réalité le produit de dimérisation et de déshydratation de HNO, N2O), tandis que NO est produit à un pH inférieur à 4 (réaction 14). Le sel d’Angeli est stable en solution très basique (pH > 10). La vitesse de décomposition est indépendante du pH sur l’intervalle 4 à 8 mais augmente très fortement en dessous de 4. N N O O O H 1HNO + NO2 (13) N2O32– + 2 H+ ⎯ → ⎯ 2 NO + H2O (14)

Les pKa du sel d’Angeli mesurés expérimentalement varient un peu avec la force ionique I : 2,51 et 9,7 par extrapolation à I = 0 M (Sturrock 1963), > 3 et 9,35 pour I = 0,25 M (Hughes 1976).

Les arguments en faveur du mécanisme de décomposition à pH physiologique ont été largement discutés avant d’aboutir à un consensus sur l’équation 13 (Bonner 1988). La cinétique de décomposition du sel d’Angeli est ralentie par l’ajout de nitrite, ce qui indique

que cette étape est réversible. Des expériences de marquage isotopique à l’azote-15 ont permis de montrer que l’azote du nitrite formé par la réaction 13 est celui qui porte deux atomes d’oxygène dans le sel d’Angeli et que la décomposition à pH neutre passe par la protonation sur l’azote lié à un seul atome d’oxygène et par la rupture de la liaison N-N. Récemment, une étude théorique détaillée du mécanisme est venue corroborer les observations expérimentales (Dutton 2004).

HNO se dimérise spontanément en H2N2O2, avec déshydratation et libération de N2O (k15≈ 8×106

M-1.s-1). La formation d’oxyde de diazote est de ce fait souvent considérée comme une preuve indirecte de la formation de HNO.

1

HNO + 1HNO ⎯ → k⎯ ⎯ H15 2N2O2 ⎯ → ⎯ N2O + H2O (15)

Alors que le potentiel d’oxydoréduction de HNO est relativement bas, la réactivité du sel d’Angeli en présence de dioxygène est plutôt marquée par des réactions d’oxydation. De plus, on observe la formation de nitrate en plus du nitrite et de N2O à partir du sel d’Angeli lorsque la décomposition a lieu en présence de dioxygène (Kirsch 2002a). Ces éléments indiquent qu’un intermédiaire réactif oxydant est formé par la réaction des produits de décomposition du sel d’Angeli avec le dioxygène.

La stoechiométrie de la réaction du sel d’Angeli avec O2 est équimolaire ou inférieure selon les conditions réactionnelles (Miranda 2001 ; Kirsch 2002a). Le sel d’Angeli ne réagit pas directement avec O2 car sa vitesse de décomposition est indépendante de la concentration en dioxygène (Liochev 2003). La consommation de dioxygène est donc due à 1HNO. Une compétition entre la réaction avec le dioxygène et la dimérisation de 1HNO, dont la constante de réaction est assez élevée, peut expliquer les différences de stoechiométrie observées.

1

HNO + 3O2 ⎯ → k⎯ ⎯ " HNOOO"16 (16)

Le produit de cette réaction n’a pas été identifié pour l’instant. Il s’agit d’un isomère de l’acide peroxynitreux ONOOH. Une isomérisation de cette espèce en ions nitrate pourrait expliquer leur apparition parmi les produits de décomposition du sel d’Angeli en conditions aérobies.

Dans des conditions particulières de décomposition du sel d’Angeli en présence de dioxygène (soit spontanée à pH > 12 (Kirsch 2002a), soit sous irradiation UV à pH neutre ou > 12 (Shafirovich 2002)), la formation de peroxynitrite a été mise en évidence par spectrophotométrie (bande à 302 nm caractéristique de l’anion ONOO). La durée de vie

de l’espèce est cohérente avec celle du peroxynitrite et elle peut même être piégée par du dioxyde de carbone dissout. Pour expliquer la formation de peroxynitrite dans ces conditions, les auteurs proposent que 3NO, l’espèce prédominante issue de la décomposition du sel d’Angeli dans ces conditions particulières, réagisse avec 3O2 (k17 = (2,7±0,2)×109

M-1.s-1 (Shafirovich 2002)).

3

NO + 3O2 ⎯ → k17⎯ ONOO

(17)

Mais à pH 7,5 où la forme prédominante libérée par la décomposition spontanée du sel d’Angeli est 1HNO, on ne peut pas invoquer cette réaction. En effet la réaction de déprotonation de 1HNO en 3NO est interdite de spin et possède une grande énergie d’activation (réaction 18). Sa constante de vitesse est estimée à k18≈ 5×104

M-1.s-1 (Shafirovich 2002 ; Liochev 2003 ; Shafirovich 2003). Comme [HO] ≈ 2,5×10-7

-3,2×10-6

M à pH 7,5-8,5, la réaction 18 est considérée comme extrêmement lente. 1

HNO + HO k18 3NO + H2O (18)

D’autres propositions mécanistiques ont été avancées (réactions 19 et 20), mais la réaction 19 est interdite de spin et semble être empêchée cinétiquement même si elle est thermodynamiquement possible (Shafirovich 2002). Le transfert d’atome d’hydrogène (équation 20) qui pourrait aussi conduire à la formation de peroxynitrite via la recombinaison des deux radicaux monoxyde d’azote et perhydroxyle est également jugé négligeable devant la dimérisation de 1HNO :

1 HNO + 3 O2 ⎯ → ⎯ ONOOH (19) 1 HNO + 3O2 ⎯ → ⎯ NO + HO2 (20)

Dans des conditions physiologiques, plusieurs équipes ont tenté de caractériser l’espèce réactive en comparant son profil de réactivité à celui du peroxynitrite, du SIN-1 ou de donneurs de NO. Les résultats diffèrent selon les auteurs et n’ont pas apporté de réponse décisive au débat. Ainsi il a été montré que le sel d’Angeli en présence de O2 hydroxyle l’acide benzoïque plus efficacement et nitrose mieux la 4,5-diaminofluorescéine que ne le fait le peroxynitrite, mais qu’il réalise moins facilement l’oxydation monoélectronique et la nitration de l’acide hydroxyphénylacétique. Selon les mêmes études, les deux espèces ont toutefois des rendements d’oxydation biélectronique de la dihydrorhodamine identiques et aucun des deux n’est capable de nitroser le 2,3-diaminonaphtalène (Miranda 2001 ; Miranda 2002). Des formes cycliques ont été

proposées comme intermédiaires réactionnels (Figure 7). Des résultats contradictoires ont été présentés par une autre équipe, pour laquellele sel d’Angeli en présence de dioxygène se comporterait comme un donneur de peroxynitrite (Kirsch 2002a).La seule conclusion sur laquelle tous s’accordent est que la réactivité du sel d’Angeli est distincte de celle des donneurs de NO comme le DEA/NO.

O O N HN O O O OH (a) (b)

Figure 7 : Formes cycliques proposées par Miranda et coll. (2001) pour expliquer la

réactivité du sel d’Angeli en présence de dioxygène.

B. Un type de cible des espèces réactives dérivées de l’azote : la