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A. Décomposition spontanée

6. Étude de la distribution de la 1-nitrosomélatonine dans les organes chez la

6.a. Étude préliminaire : stabilité de la 1-nitrosomélatonine

dans le plasma de Souris

Le suivi spectrophotométrique de la décomposition de la 1-nitrosomélatonine dans le plasma de Souris à 37°C a indiqué qu’au moins la moitié disparaissait dans les 15 premières minutes puis l’absorption restait constante.

Étant donné que l’absorption autour de 340 nm est caractéristique de l’ensemble des composés nitrosés, la 1-nitrosomélatonine pourrait être stabilisée dans cet environnement ou bien transférer le groupement NO sur des fonctions nucléophiles des constituants du plasma. Il ne s’agit vraisemblablement pas des thiols puisque la décomposition de la 1-nitrosomélatonine n’est pas affectée par la présence de thiols (Blanchard-Fillion 2001) et que les expériences réalisées par le professeur Bernard Muller ont éliminé cette hypothèse.

Le résultat de cette expérience nous indique de façon grossière quel sera le comportement de la molécule in vivo sans tenir compte d’une éventuelle métabolisation

enzymatique de la molécule. Toutefois, il est vraisemblable que la 1-nitrosomélatonine ait les mêmes voies d’élimination que la mélatonine (conversion en 6-sulfatoxymélatonine dans le foie ou en formylkynuramine par les indoles dioxygénases).

6.b. Distribution de la radioactivité après l’injection

intrapéritonéale de 1-nitroso-[O-méthyl-3H]mélatonine

Nous avons injecté intrapéritonéalement 5 mg/kg (19 µmol/kg) de 1-nitroso-[O-méthyl-3

H]mélatonine chez la Souris puis nous avons mesuré la radioactivité dans plusieurs organes et tissus à différents temps après l’injection.

Les résultats de cette étude exprimés en cpm/mg et en pourcentage de la radioactivité injectée sont présentés par la Figure 71 et la Figure 72. Ils sont indicatifs car chaque temps n’a été testé que sur deux animaux. Cette méthode ne permet pas de distinguer la 1-nitrosomélatonine de la mélatonine ou de leurs métabolites. Cependant, le résultat obtenu pour la décomposition de la 1-nitrosomélatonine dans le plasma laisse penser que la plupart des molécules marquées sont encore nitrosées dans les temps les plus

courts après l’injection (5 et 10 min) et que la distribution de la radioactivité reflète alors la distribution de la 1-nitrosomélatonine dans la Souris.

La plus grande partie de la radioactivité a été retrouvée dans le foie dans les dix premières minutes après l’injection. Dans la plupart des organes analysés (foie, rate, coeur, cerveau et cervelet), la quantité de radioactivité était maximale dans les toutes premières minutes après l’injection (≤ 5 min) puis a été éliminée lentement selon des cinétiques semblables en une heure environ. Dans le rein et dans le poumon, le pic de radioactivité mesurée était situé entre 5 et 10 minutes après l’injection. Dans l’intestin, la radioactivité a beaucoup augmenté au bout d’une demi-heure et nous n’avons observé que l’amorce de la diminution au bout d’une heure. Ces évolutions traduisent le processus d’élimination de la 1-nitrosomélatonine et de la mélatonine.

Cinq minutes après l’injection, nous avons retrouvé 6 % de la radioactivité dans le foie, 1 % dans le rein et 0,6 % dans l’ensemble cerveau et cervelet réunis. Il faut noter qu’aucune trace de radioactivité n’a été retrouvée dans le sang.

Si nous faisons la somme de toute la radioactivité retrouvée dans l’animal après 5 minutes, nous ne retrouvons qu’environ 10 % de ce qui a été injecté dans les organes étudiés. Cela signifie qu’une grande partie de la 1-nitroso-[O-méthyl-3

H]mélatonine est restée accumulée dans le péritoine, ce que confirme la coloration jaune des tissus conjonctifs au moment de la dissection. La 1-nitrosomélatonine est un composé très hydrophobe qui se répand difficilement dans l’organisme à partir d’une injection intrapéritonéale.

0 500 1000 1500 2000 0 10 20 30 40 50 60

Temps après l'injection (min)

Radioactivité par unité de masse de

tissu (cpm/mg) Foie Muscle Rein Intestin 0 100 200 300 400 500 0 10 20 30 40 50 60

Temps après l'injection (min)

Radioactivité par unité de masse de

tissu (cpm/mg) Cerveau Cervelet Coeur Rate Poumon Radioactivit

é par unité de masse de

tissu

(cpm/mg)

Radioactivit

é

par unité de masse de

tissu

(cpm/mg)

Figure 71 : Pharmacocinétique de la 1-nitroso-[O-méthyl-3

H]mélatonine chez la Souris après une injection intrapéritonéale. La radioactivité retrouvée dans les organes solubilisés a été exprimée en cpm/mg afin de comparer les différents tissus et organes analysés (n = 2).

Figure 72 : Répartition de la radioactivité dans quelques organes 5 min après l’injection intrapéritonéale de 1-nitroso-[O-méthyl-3

H]mélatonine chez la Souris. La radioactivité a été exprimée en pourcentage de la radioactivité totale injectée (n = 2).

6.c. Étude RPE ex vivo avec le complexe (MGD)2-Fe2+ de la répartition de la 1-nitrosomélatonine après injection intrapéritonéale. Comparaison avec le S-nitrosoglutathion

En complément de l’étude précédente dans laquelle nous avons pu suivre le fragment mélatonine de la 1-nitrosomélatonine, nous avons décidé d’appliquer la technique de RPE utilisant le piégeur de spin (MGD)2-Fe2+, déjà utilisée in vitro, pour détecter la

libération de NO dans les organes de Souris ayant reçu une injection intrapéritonéale de 1-nitrosomélatonine. Nous avons une nouvelle fois utilisé le S-nitrosoglutathion comme

comparaison.

En raison de la limite de sensibilité de la technique, nous n’avons pu réaliser la détection que sur le cerveau et le foie des Souris. La question de savoir si la 1-nitrosomélatonine injectée intrapéritonéalement atteint le cerveau est particulièrement intéressante à cause de l’effet de la 1-nitrosomélatonine sur la libération de l’acétylcholine dont le taux est réduit dans certaines pathologies (maladie d’Alzheimer). Le foie constitue un contrôle positif puisque l’on sait que la mélatonine (et donc vraisemblablement la 1-nitrosomélatonine) est métabolisée dans cet organe.

3,24 3,29 3,34 Champ magnétique (mT) A B C D 324 329 334 Foie

Souris traitée par 1-nitrosomélatonine Souris traitée par solvant in vitro 1-nitrosomélatonine 10 µM 1 µM

Figure 73 : Spectres RPE obtenus ex vivo à 77 K en présence de piégeur de spin

(MGD)2-Fe2+ dans le foie de Souris traitées i. p. par la 1-nitrosomélatonine (A) ou par le solvant (B) et spectres obtenus in vitro dans des conditions semblables avec des solutions

de concentration connue de 1-nitrosomélatonine (10 µM : C ; 1 µM : D). (Voir la partie expérimentale pour la description de la manipulation.)

Le signal caractéristique du complexe (MGD)2-Fe2+-NO a été obtenu dans le foie et le cerveau de Souris traitées par 2,5 et 5 µmol de 1-nitrosomélatonine (voir Figure 73, spectre A et Figure 74, spectre A). Le spectre obtenu à 77 K est un peu différent de celui obtenu à température ambiante, mais les trois raies du couplage hyperfin sont facilement reconnaissables (voir Figure 73). Le signal est particulièrement intense et bien résolu dans le foie, où il est accompagné d’un signal indépendant de la 1-nitrosomélatonine, mais non identifié autour de 335 mT (voir Figure 73, spectres A et B). Dans le cerveau, le triplet caractéristique du complexe (MGD)2-Fe2+-NO se superpose à un bruit de fond important que nous retrouvons même chez les Souris non traitées par un donneur de NO (voir Figure 74, spectre B). Au moins une partie de ce bruit de fond peut être attribuée à la formation de l’espèce paramagnétique (MGD)2-Cu2+ par complexation des ions cuivre (présents naturellement en grande quantité dans le cerveau) par l’excès de dithiocarbamate. Il s’agit d’un problème qui a déjà été signalé dans la littérature comme pouvant interférer avec la quantification du signal du complexe (MGD)2-Fe2+-NO dans les tissus biologiques (Kleschyov 2000).

Magnetic Field (mT) A

B

326 331 336

Brain, NOM-treated mouse

Brain, vehicle-treated mouse

Champ magnétique (mT) Cerveau

Souris traitée par 1-nitrosomélatonine

Souris traitée par solvant

Figure 74 : Spectres RPE obtenus ex vivo à 77 K en présence de piégeur de spin

(MGD)2-Fe2+ dans le cerveau de Souris traitées i. p. par la 1-nitrosomélatonine (A) ou par le solvant (B). (Voir la partie expérimentale pour la description de la manipulation.)

Les injections de S-nitrosoglutathion, même à doses plus importantes que la

1-nitrosomélatonine (5 et 10 µmoles), conduisent à l’apparition d’un signal triplet bien visible dans le foie. Par contre, dans le cerveau, les spectres obtenus à partir des Souris traitées se superposent exactement à ceux obtenus à partir des Souris non traitées (voir Figure 75). Cela peut s’expliquer par le fait que le GSNO est capable de transférer NO à des thiols pendant sa répartition dans l’organisme, contrairement à la 1-nitrosomélatonine. De plus, sa structure hydrophile ne lui permet pas de franchir la barrière hémato-encéphalique.

3,26 3,31 Magnetic Field (mT)

Champ magnétique (mT)

326 331

Cerveau

Souris traitée par GSNO

Souris traitée par GSNO Souris traitée par solvant

Souris traitée par solvant A

B

C D

Foie

Figure 75 : Spectres RPE obtenus ex vivo à 77 K en présence de piégeur de spin

(MGD)2-Fe2+ dans le foie (A, B) et dans le cerveau (C, D) de Souris traitées i. p. par le GSNO (A, C) ou par le solvant (B, D). (Voir la partie expérimentale pour la description de la manipulation.) 1 2 5 NO-donor (µM) GSNO 5 10 0 NS * 0 20 40 60 80 100 120 Arbitrary Units NOM 2.5 5 0 ** ** in vitro 1-nitrosomélatonine

µmol) GSNOµmol)

0 0 2,5 5 5 10 Unit és arbitraires Donneur de NO (µM)

Figure 76 : Intensité des signaux RPE à 77 K obtenus à partir des foies de Souris traitées par une injection intrapéritonéale de 1-nitrosomélatonine (2,5 ou 5 µmol), de GSNO (5 ou 10 µmol) ou de solvant. Ces résultats ont été obtenus ex vivo sur des homogénats de foie mis en contact avec une solution fraîche de complexe (MGD)2-Fe2+. La hauteur pic à pic des deux premières raies du signal RPE est indiquée en unités arbitraires (moyenne ± écart-type d’au moins 3 expériences). (Signification statistique évaluée par le test t de Student : ** pour p < 0,001, * pour p < 0,05, NS pour non significatif.) En encart, l’intensité des signaux RPE obtenus à partir de solutions de concentrations connues de donneur de NO est représentée à la même échelle.

Les amplitudes des spectres dans le foie sont soumises à de fortes variations interindividuelles, mais elles augmentent de façon significative avec la quantité de donneur de NO injectée (voir Figure 76). Une quantification du signal a été effectuée par comparaison avec des échantillons témoins contenant des solutions de concentrations connues de donneur de NO dans le tampon phosphate à 0,1 M et pH 7,4 (voir Figure 73, spectres C et D). Pour une dose de 5 µmol, la quantité de complexe nitrosylé détectée dans le foie de 1 g est de 100 µM dans le cas de la 1-nitrosomélatonine et de 7 µM dans le cas du GSNO, ce qui correspond à 2 et 0,1 % de la dose injectée respectivement.

Dans le cerveau, malgré le bruit de fond important attribué au (MGD)2-Cu2+, nous sommes parvenu à quantifier l’augmentation du signal par rapport à la dose 0. Pour 5 µmol

de 1-nitrosomélatonine injectée, une concentration de 15 µ M de complexe

(MGD)2-Fe2+-NO a été retrouvée dans le cerveau de 0,4 g, ce qui correspond à un rendement de 0,1 % environ.

Le foie et le cerveau des Souris non traitées ne présentaient aucun signal RPE dans la fenêtre de champ magnétique balayée. Par contre, dans les homogénats de foie de Souris non traitées ayant été mis en contact avec le complexe (MGD)2-Fe2+, un signal attribuable à (MGD)2-Fe2+-NO a été détecté, mettant en évidence la présence d’un taux basal micromolaire de composés nitrosés (voir Figure 73, spectre B).

0 10 20 30 Arbitrary Units NOM GSNO 2.5 5 5 10 0 0 * * Unité s arbitraires 0 2,5 5 5 10 0 1-nitrosomélatonine

(µmol) GSNO(µmol)

Figure 77 : Intensité des signaux RPE à 77 K obtenus à partir des cerveaux de Souris traitées par une injection intrapéritonéale de 1-nitrosomélatonine (2,5 ou 5 µmol) et de GSNO (5 ou 10 µmol). Ces résultats ont été obtenus ex vivo sur des homogénats de cerveaux mis en contact avec une solution fraîche de complexe (MGD)2-Fe2+. En raison du bruit de fond important dû à (MGD)2-Cu2+ détecté dans le cerveau, seule l’augmentation du signal par rapport à la dose 0 traduit la présence de (MGD)2-Fe2+-NO. (Signification statistique : * pour p < 0,05 calculé par le test t de Student.)

Nous analyserons successivement les réactions de la mélatonine (MLT) avec les différentes espèces réactives de l’azote étudiées au cours de ce travail : le peroxynitrite (ONOO), le dioxyde d’azote (NO2), le monoxyde d’azote (NO) et le sel d’Angeli (Na2N2O3), un donneur de nitroxyle. On ne peut pas comprendre la réactivité de ces espèces indépendamment les unes des autres. Ainsi, le dioxyde d’azote est impliqué dans les réactions du peroxynitrite. D’autre part, le peroxynitrite est un intermédiaire possible dans la réaction du nitroxyle en présence de dioxygène. Nous verrons ensuite dans quelle mesure les résultats de cette étude sont généralisables à la famille des indoles dont font partie la mélatonine et le tryptophane. Les implications biologiques seront exposées.

Dans un deuxième temps, nous discuterons les propriétés physicochimiques et biologiques de la 1-nitrosomélatonine, l’un des produits importants des réactions de la mélatonine avec les espèces réactives dérivées de l’azote, et ses applications potentielles.