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5.5.1 Intérêt de la filière cacao

L’économie nigériane est dominée par les exportations de pétrole. La part du cacao dans les recettes d’exportation est inférieure à 2 % et le pourcentage sur le PIB est encore plus bas. Cependant, dans certaines régions du pays, le cacao constitue une culture et un produit de base non pétrolier importants. Au Nigéria, environ 300 000 cacaoculteurs travaillent sur 650 000 ha de plantations et produisent en moyenne moins de 300 kg/ha (Adesina 2013 : 4 ; Aikpokpodion 2014 : 2 ; Nzeka 2014 : 23 ; USAID 2016 : 1). Les résultats préliminaires de la campagne 2015-2016 annoncent une récolte de 190 000 t (ICCO 2016c : Tableau 4).

La qualité du cacao nigérian est basse car il n’existe pas de contrôles qualité homogènes.

Habituellement, les négociants ne versent pas la prime de qualité supérieure, ce qui n’encourage pas à investir dans le but d’améliorer la qualité. (Int. 58, 59, 60, 62, 63).

5.5.2 Cadre institutionnel

Au sein du gouvernement fédéral du Nigéria, Le Ministère fédéral de l’Agriculture et du Développement rural (FMARD) est responsable de la filière cacao. Le Ministère du Commerce et de l’Investissement est, quant à lui, en charge de contrôle de la qualité du cacao exporté. Un autre acteur de poids au niveau fédéral est la division NIRSAL de la Banque centrale (Système nigérian de partage des risques pour les prêts agricoles fondé sur des mesures incitatives) qui garantit les crédits accordés aux sociétés de négoce et aux groupements de cacaoculteurs. Par le biais de son service d’assistance technique, le NIRSAL aide la réalisation de projets gérés par des organisations bailleurs de fonds. Le Nigéria ne possède pas de politique sectorielle homogène ni de stratégie sur le long terme pour le cacao ; les programmes sont souvent interrompus lorsque le gouvernement change après les élections (Int. 62, 67).

Bien que le cacao ne soit pas très important dans l’économie générale du pays, il constitue une source de revenu majeure pour un grand nombre de producteurs dans 3 des 36 états du Nigéria. Deux tiers du cacao nigérian sont produits dans les régions d’Osun, d’Ondo et de Cross River. Les mécanismes de soutien varient d’un état à un autre.

Alors que les taxes du gouvernement fédéral sont très basses, les états producteurs de cacao prélèvent leurs propres impôts et taxes. La manière dont sont coordonnées les subventions et la taxation d’un état à l’autre manque de transparence. Certains états ont imposé une taxe sur le cacao qui s’étend au-delà des frontières de l’état ; ils prélèvent

37 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale également des frais pour l’inspection de la qualité du cacao transporté (Cadoni 2013 : 17). Il arrive qu’une partie du cacao soit taxé dans son état d’origine puis de nouveau lors de son transport dans un autre état pour arriver au port. Cette situation engendre une contrebande transfrontalière qui cherche à éviter les taxes et les impôts (Int. 58).

Au cours des dernières décennies, le gouvernement nigérian a lancé plusieurs programmes de relance du secteur agricole, y compris de la production de cacao. Il s’agit, par exemple, d’une politique sur les engrais qui inclut une subvention de 25 % sur les engrais d’importation. Les gouvernements des états pourraient ajouter d’autres intrants subventionnés. En raison de la mauvaise gestion par les responsables gouvernementaux et les agents contractuels, seule une partie des aides parvient aux cacaoculteurs (Cadoni 2013 : 14-15). En règle générale, beaucoup de projets gouvernementaux bénéficient d’un financement temporaire. Une fois ces fonds utilisés, le projet s’arrête (Int. 60).

5.5.3 Particularités de la filière cacao nigériane

Jusqu’en 1986, le marché du cacao nigérian était complètement libéralisé et la filière sous la gouvernance d’un Office central du cacao. Dans cette situation de libéralisation, il y avait moins d’intrants et la qualité des fèves baissait parce qu’il n’y avait pas d’institutions de contrôle et que les prix fluctuaient plus fortement (Cadoni 2013 : 9 ; Nzeka 2014 : 4).

En même temps, les prix aux producteurs calculés sur la base d’un pourcentage du cours mondial augmentaient. Au printemps 2016, par exemple, ils atteignaient 80 % du prix sur le marché mondial (Int. 62). Il semble y avoir des variations régionales du prix bord-champ qui ne sont pas toujours justifiées par l’évolution du cours mondial (Int. 58).

Quelques partenaires interviewés se sont plaints des intermédiaires qui abusent de leur pouvoir sur le marché et ne paient que des prix de production bas (Int. 59, 61).

Nombreux sont les partenaires nigérians interviewés à dire que les prix du cacao sont trop bas pour garantir un revenu aux cacaoculteurs (Int. 57, 58, 60, 61, 63, 64) et que le fait que ces derniers n’aient pas d’influence dans le mécanisme de fixation du prix représente un problème majeur (Int. 58, 60, 63, 65). Beaucoup d’acteurs estiment qu’un prix plus stable constituerait un véritable progrès vers une production de cacao plus durable (Int. 58, 59, 60, 64, 65).

La libéralisation a conduit à une augmentation du nombre de négociants en cacao. En 2011, il y avait environ 123 sociétés d’exportation du cacao inscrites auprès du Conseil pour la promotion des exportations du Nigéria. Trois de ces sociétés exportaient à elles seules environ 60 % du cacao. En 2012, la plus grande entreprise de négoce était la

« Nigerian company Bolawole Enterprises » (23 %), suivie de filiales locales de la multinationale Olam (21 %), Armajaro (18 %)14, Cargill (9 %), Continaf (6 %) et ADM (5 %) (Cadoni 2013 : 13-14 ; George 2012 : 7).

En 2011, le Ministère fédéral de l’Agriculture et du Développement durable a publié un

« Programme de Transformation du Cacao » qui fait partie d’un plus vaste « Programme de Transformation de l’Agriculture ». Le gouvernement souhaitait doubler la productivité et les exportations de cacao d’ici l’année 2015, stimuler le broyage local et augmenter la consommation locale de chocolat. Le programme était soutenu par un projet en cours concernant l’ensemble du secteur agricole nigérian qui s’appelait GES (Growth Enhancement Scheme : Plan pour une croissance accélérée). Un volet de ce programme concernait la mise en place d’un système de portefeuille électronique pour inscrire tous les cacaoculteurs dans une base de données et les aider ainsi à avoir accès aux intrants subventionnés (à un taux de 50 %), à l’emprun et à la formation (Adesina 2013 : 2 ; Aikpokpodion 2014 : 11).

14 Armajaro fut repris par Ecom en 2014.

38 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale Pour soutenir le processus de réforme dans la filière cacao, le gouvernement envisage de créer la CCN (Cocoa Corporation of Nigeria : Compagnie du Cacao du Nigéria). Étant donné les expériences des pays producteurs de cacao dans la région et les expériences passées du Nigéria, la CCN serait conçue pour fonctionner comme un organisme privé autorisé par le gouvernement. D’après le descriptif du projet (2013), la mission de la CCN consistera à coordonner l’échange d’informations, la recherche et l’évaluation, l’assistance technique et la mise en œuvre de la stratégie de relance. De plus, la CCN réglementera le marché en tenant un registre et en délivrant des permis aux entreprises impliquées ainsi qu’en organisant un contrôle de la qualité et une classification du cacao.

Pour continuer d’améliorer la qualité du cacao, cette nouvelle agence organisera des formations à l’intention des cacaoculteurs, elle contribuera à la mise à disposition des intrants, à la relance et à la replantation cacaoyère (Aikpokpodion 2014 : 24) ainsi qu’à la coopération avec les institutions financières.

Il n’incombera pas à la CCN d’acheter le cacao aux producteurs ni de le vendre sur le marché mondial ou d’en fixer les prix. Beaucoup d’acteurs conviennent que le secteur privé devrait détenir la majorité du comité directeur de la CCN. Le gouvernement est prêt à fournir les fonds nécessaires pour démarrer le projet. La CCN pourrait ensuite poursuivre ses activités en tant que plate-forme pour un partenariat public-privé dont la structure pourrait être librement décidée et le revenu provenir d’une taxe sur les exportations de cacao (Int. 60, 63).

Le CRIN, Institut nigérian de recherche sur le cacao qui développe des espèces de cacaoyers plus résistants aux maladies et à rendement supérieur (Nzeka 2014 : 3), est chargé d’aider les cacaoculteurs en fournissant des plants de meilleure qualité.

Cependant, une mauvaise gestion et une insuffisance de fonds pour la recherche et la vulgarisation agricole empêchent ces plants d’arriver jusqu’aux petits producteurs (Int.

60). C’est pourquoi les gouvernements des états et la CAN15, une organisation cadre de la filière cacao du Nigéria, distribue également des jeunes plants et autres intrants. En dépit de ces ressources supplémentaires, il reste cependant impossible d’atteindre un grand nombre de cacaoculteurs (Int. 57, 58, 61, 63, 64).

Le gouvernement prévoit également des plans pour développer la capacité de transformation du cacao. Malgré les efforts déployés qui incluaient jusqu’à 2012 un remboursement d’impôts aux entreprises qui exportaient des produits transformés, seuls environ 10 % de la production de cacao est transformée actuellement localement en masse, en beurre ou en poudre de cacao. Les 16 sites de broyages ont une capacité totale de 220 000 t dont seule une petite partie est utilisée. La consommation nationale de chocolat est très faible (Nzeka 2014 : 5).

Les broyeurs de cacao nigérians se plaignent du coût élevé des fèves auquel s’ajoutent des frais de production importants et une rude dévaluation du Naira nigérian (NGN) en 2015 et 2016. À la fin de l’année 2015, les représentants de l’industrie ont prédit la fermeture prochaine de quelques usines (Reuters 2015a).

Quelques multinationales productrices de chocolat et de cacao lancent leurs propres projets pour aider les cacaoculteurs nigérians ou bien participent à des partenariats public-privé. Parmi ces partenaires actifs on peut citer par exemple Ferrero, Armajaro/Ecom et Yara (Int. 61, 63, 64). Beaucoup de projets se concentrent sur l’augmentation de productivité (Int. 65). Les partenaires engagés dans la filière cacao passent souvent outre les organes de l’État. Les exportateurs s’adressent directement aux planteurs et leur proposent des formations parce que le gouvernement est peu actif (Int. 63, 64).

Pour les entreprises, l’absence de coordination et de réglementation au sein de la filière cacao du Nigéria constitue un obstacle à l’investissement dans des projets de durabilité.

15 NdT : CAN = Cocoa Association of Nigeria – Association nigérianne du Cacao

39 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale Les négociants ne peuvent jamais être sûrs d’obtenir vraiment le cacao produit avec l’aide de leurs investissements parce qu’il n’existe aucun lien fiable et durable entre les cacaoculteurs et les négociants (Int. 65).

Au cours des dernières années, des projets de plus grande envergure ont été lancés par des bailleurs de fonds et par des partenariats public-privé regroupant bailleurs de fonds et entreprises. Les acteurs pensent que le nombre de projets est nettement plus bas au Nigéria qu’en Côte d’Ivoire et au Ghana ; ils estiment que la communauté internationale des bailleurs de fonds s’engage moins dans le pays (Int. 60, 63).

En cas d’engagement dans des projets, la coordination et le partage de bonnes pratiques entre les entreprises et leurs partenaires restent faibles (Int. 58, 59, 61, 62, 63). Il semble n’exister aucune analyse d’impact systématique des projets réalisés. Le gouvernement nigérian a tenté de mettre en place une plate-forme pour toutes les parties prenantes afin d’encourager une approche coordonnée mais aucune rencontre régulière n’a lieu (Int. 57, 58, 59, 67).

Au cours des dernières années, des projets de plus grande envergure ont été lancés par des bailleurs de fonds et par des partenariats public-privé regroupant bailleurs de fonds et entreprises. Certains acteurs estiment que l’engagement reste faible (Int. 60, 63).

Cependant, d’autres acteurs soulignent le fait qu’il existe des projets qui atteignent une grande partie des cacaoculteurs nigérians. Il s’agit entre autres du projet de la World Cocoa Foundation (WCF) (Aikpokpodion 2014 : 17). Le programme « Petites agroentreprises durables » en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale de la GIZ organise de la formation sur les bonnes pratiques agricoles et la formation commerciale au Nigéria, dans le cadre des programmes de développement agricole (ADP) mis en place pour la vulgarisation agricole à l’échelon national, et en collaboration avec le NIRSAL et une entreprise de cacao. Ce programme, cofinancé par le WCF jusqu’en 2013 puis par l’U.E. depuis 2014, a déjà atteint 65 000 cacaoculteurs nigérians depuis 2010 et vise 25 000 de plus dans 10 états nigérians (Int. 67).

En outre, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) et l’Initiative pour un commerce durable (IDH) sont présentes activement au Nigéria. Elles travaillent avec différents partenaires tels que Solidaridad et l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA). Officiellement, il y a peu de coordination entre les organisations bailleurs de fonds (Int. 59, 62, 67).

5.5.4 Points forts et points faibles

Tableau 10 : Points forts et points faibles de la filière cacao nigériane

Points forts Points faibles

Niveau régional (états) : Importance majeure du cacao dans les états gouvernance et d’assistance pour la filière ; en attente de réalisation.

Manque de gouvernance homogène entre le gouvernement fédéral et les

40 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale Structures insuffisantes pour atteindre tous les cacaoculteurs (assistance technique et intrants).

Accès médiocre aux services financiers, en particulier au crédit.

Peu de cacaoculteurs organisés en groupements.

Production de cacao peu attrayante pour les jeunes.

Prix bord-champ relativement élevé. Forte volatilité des prix et faible valeur ajoutée en raison d’un bas taux de transformation et de l’absence de production de chocolat.

En général, cacaoculteurs et arbres vieillissants, faible productivité et risques élevés face au changement climatique.