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5.3.1 Importance de la filière cacao

Le Ghana est le deuxième producteur mondial de cacao. Au cours de la campagne de 2015-2016, le pays produira environ 800 000 t de cacao, soit 20 % de la récolte mondiale totale (ICCO 2016c : Tableau 4). En 2014, le cacao était le troisième produit à l’exportation, avec une part de 20 % (USD 2,6 milliards) du total des exportations du pays (USD 13,2 milliards) (IMF 2016b : 31). Le cacao était et reste une source majeure de recette fiscale pour le gouvernement. Aucune information fiable n’est disponible mais on estime le nombre de cacaoculteurs au Ghana à environ 800 000. On cultive le cacao sur environ 1,9 million d’hectares. La majeure partie des cacaoculteurs sont des petits planteurs qui récoltent le cacao sur une superficie de 2 à 3 hectares avec un rendement moyen de 400 kg/ha (Republic of Ghana 2008 : XXIV ; Hainmueller/Hiscox/Tampe 2011 : 14, 20 ; Hawkins/Chen 2016a : 17). La filière du cacao fournit un revenu à des millions de personnes, y compris les familles de planteurs, les employés des sociétés de négoce et des services d’intrants.

5.3.2 Cadre institutionnel

L’institution centrale du secteur ghanéen du cacao est le COCOBOD (Ghana Cocoa Board), fondé en 1947. Au cours de ses presque 70 années d’existence, le COCOBOD a subi plusieurs réformes. Actuellement, il est sous les auspices du Ministère des Finances mais officiellement indépendant. Cependant, étant donné la pertinence politique de la filière cacao, le gouvernement et le parlement sont des acteurs importants.

Au Ghana, de nombreux acteurs pensent que le prix du cacao sur le marché mondial fluctue trop fortement (Int. 26, 28, 29, 31, 32, 36) et que les prix sont en général trop

30 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale bas (Int. 26, 27, 28, 30, 33, 36). Le COCOBOD tente d’amortir le choc des prix en vendant approximativement 70 %, soit directement aux entreprises, soit en passant par la bourse. Grâce à cette couverture, il est possible de garantir un prix minimum au cours de la campagne, indépendamment de la volatilité du prix sur le court terme. Si le cours mondial fluctue, le COCOBOD est néanmoins en mesure d’éviter une réduction minimale du prix par rapport à l’année précédente et en Cedis absolus (GHS) en raison du fort taux d’inflation du pays. Cependant, à cause justement de cette inflation élevée, le revenu réel du cacaoculteur stagne ou même décline depuis plusieurs années alors que le prix bord-champ a augmenté.

Le prix minimum est établi par le Comité d’examen des prix bord-champ (PPRC) dont les membres sont des représentants de cacaoculteurs, le Ministère des Finances et le COCOBOD. Le Comité fait une estimation du prix FAB, déduit une partie des frais du COCOBOD et calcule le prix FAB net. Le COCOBOD tente de fixer un prix bord-champ à 72 % du prix FAB net (Quartey 2013 : 14-18). Il n’est pas certain que les cacaoculteurs reçoivent ces 72 %. Les chiffres convertis en USD induisent en erreur en raison de la forte volatilité du GHS face au dollar américain.

Le commerce du cacao avec le Ghana est organisé par des compagnies de négoce officielles privées (LBC). Au total, les LBC gèrent environ 3 000 centres d’achats dans le pays. Ceux-ci offrent aux cacaoculteurs des services de proximité pour la vente de leur cacao. Ces compagnies de négoce agissent dans un cadre juridique contraignant et avec des marges fixes puisqu’elles doivent reverser un prix minimum et vendre le cacao à une société de commercialisation du cacao, la CMC9, filiale du COCOBOD. Seule la CMC a le droit d’exporter le cacao.

Les producteurs de cacao reçoivent en général le prix minimum fixé par le COCOBOD. De plus, certains négociants aident les cacaoculteurs en leur offrant une aide en nature ou même des crédits pour le préfinancement d’intrants. Les compagnies de négoce sont certes nombreuses mais une douzaine d’entre elles contrôlent cependant 98 % du commerce du cacao (Camargo/Nhantumbo 2016 : 60).

Le COCOBOD dispose d’un certain nombre de filiales. La CMC déjà mentionnée s’occupe de toutes les exportations de cacao. L’Agence de contrôle qualité QCC10 teste la qualité du cacao dans les entrepôts et aux ports. Ainsi, presque la totalité du cacao exporté est de haute qualité et le prix sur le marché mondial bénéficie de primes. L’institut de recherche sur le cacao du Ghana, le CRIG11, est responsable de la recherche pour améliorer les variétés de cacao, lutter contre les ravageurs et les maladies et développer des engrais. Le CRIG travaille en étroite coopération avec la Division Production de semences (SPD12) du COCOBOD. La Division Santé et Vulgarisation agricole du cacao est un autre service du COCOBOD qui fournit formation technique et enseignement de compétences commerciales aux cacaoculteurs et coordonne, par exemple, les actions de pulvérisation massive contre certaines des maladies les plus graves du cacao, la distribution d’intrants subventionnés et le rajeunissement plantations.

5.3.3 Particularités de la filière cacao ghanéenne

Certains acteurs soulignent que le système ghanéen aide de nombreux producteurs tandis que les cacaoculteurs dans les pays voisins bénéficient de moins ou d’aucune assistance. Les divers programmes du COCOBOD comportent toutefois quelques défis.

Beaucoup de producteurs n’ont pas accès aux intrants gratuits ou bien ceux-ci ne sont pas disponibles sur le lieu et au moment où ils seraient nécessaires ; ils sont livrés trop tard ou ailleurs (Int. 26, 31, 32, 33, 34, 36). Ceci est en partie causé par la revente sur

9 NdT : CMC = Cocoa Marketing Company : Société de commercialisation du cacao

10 NdT : QCC = Quality Control Company : Agence de contrôle qualité

11 NdT : CRIG = Cacao Research Institute of Ghana : Institut de recherche sur le cacao du Ghana

12 NdT : SPD = Seed Production Division : Division Production de semences

31 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale un marché parallèle des engrais et autres produits agrochimiques gratuits. Une partie de ces produits est introduite en contrebande dans les pays voisins tels que le Togo, la Côte d’Ivoire et même le Cameroun où les intrants en provenance du Ghana sont connus sous la marque « Not for sale » (Interdit à la vente) en raison de la mention imprimée sur les sacs (Akoto 2015 : 2 ; Int. 26, 29).

Au cours des deux dernières années, le COCOBOD a considérablement développé la production en pépinières. Selon ses propres chiffres, 50 millions de jeunes plants ont été cultivés en 2015. L’objectif est d’atteindre 60 millions en 2016. Certains se plaignent que les plants ne parviennent pas aux cacaoculteurs des régions reculées parce que ces derniers ne disposent pas de moyen, voiture ou camion, pour les transporter par la route jusqu’à leur plantation. La sécheresse au cours des deux dernières campagnes pose un autre problème. On ne dispose pas de chiffres précis sur le nombre de jeunes plants ayant survécu. En attendant, le COCOBOD ne distribue plus de cabosses de cacaoyers à haut rendement homologuées à partir desquelles les planteurs pourraient cultiver leur propre pépinière (Int. 31).

Le COCOBOD est bien conscient des problèmes et a suggéré, dès 2010, d’interrompre les subventions d’ici 2015-2016. Toutefois, ne voulant pas décevoir les électeurs, le parlement et le gouvernement se sont opposés au changement (Int. 28, 36). Au lieu de réduire les subventions, on distribue même des intrants gratuits aux cacaoculteurs depuis mi 2014 (Int. 26, 29).

Les services de vulgarisation agricole fournis par le COCOBOD ne fonctionnent pas de façon vraiment efficace et l’organisme manque d’agents. Certains acteurs estiment que les agents de vulgarisation sont bien qualifiés mais qu’ils doivent distribuer les jeunes plants et par conséquent manquent du temps nécessaire pour former les cacaoculteurs (Int. 36, 39). Selon le COCOBOD, en 2016, 480 agents étaient employés à la vulgarisation agricole, soit 1 pour 1 600 planteurs (Oppong 2016 : 16).

Au Ghana, les entreprises de broyage peuvent acheter les fèves de la petite récolte avec un escompte de 20 %. Cela entraîne une baisse du prix bord-champ et des marges réduites au COCOBOD. La capacité de ces usines de broyage s’élève à environ 435 000 t mais seuls 50 % de cette capacité ont été utilisés en 2014. Au total, il existe au Ghana neuf usines qui emploient environ 1 300 personnes. Beaucoup d’entre elles opèrent en zone franche industrielle (ZFI) et jouissent d’exemptions ou de réductions massives d’impôts (Mulangu/Miranda/Maiga 2015 : 23). Selon une étude récente, il n’y a pas d’équilibre entre le prix réduit et les exemptions de taxe et le faible nombre d’emplois créés. Les chercheurs pensent que la meilleure manière pour le COCOBOD de réduire la pauvreté est d’établir un prix bord-champ plus élevé au lieu d’accorder des rabais aux transformateurs locaux sur le prix du cacao (Mulangu/Miranda/Maiga 2015 : 23).

Le manque de sécurité sur la propriété foncière est en étroite corrélation avec une productivité faible, la réticence à investir et la résistance vis-à-vis de techniques agroforestières plus durables (USAID 2015 : 11). Nombreux sont les cacaoculteurs qui ne sont pas propriétaires de leur plantation mais qui travaillent comme métayers pour un propriétaire qui reçoit, selon les contrats de métayage, la moitié ou même les deux tiers de la récolte. Les cacaoculteurs ne disposent également d’aucune garantie concernant l’accès futur aux terres. Souvent, les métayers ont un revenu très bas. Le travail des enfants est d’ailleurs très largement répandu dans ces zones (Kappor 2016a : 35).

Dans certaines régions, l’instabilité des droits fonciers favorise l’exploitation aurifère illégale. Souvent, les mineurs obtiennent les droits de prospection des chefs traditionnels.

Ils détruisent les plantations de cacao et polluent les eaux, surtout parce qu’ils utilisent du mercure. Les cacaoculteurs qui perdent leurs terres reçoivent souvent une indemnisation nulle ou insuffisante (USAID 2015 : 13 ; Int. 34, 36, 38).

Dans le passé, les forêts non cultivées étaient la propriété du gouvernement. Le Ghana a déjà perdu la plupart de sa couverture forestière en raison d’un taux de défrichage de 2 % par an. Comme il ne reste que peu d’arbres, les entreprises forestières contactent

32 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale les gouvernements locaux pour obtenir le droit de couper du bois d’œuvre. Elles pénètrent dans les plantations de cacao et coupent les arbres qui maintiennent les cacaoyers à l’ombre. Les planteurs ne touchent aucune indemnisation pour les cacaoyers détruits. Ce n’est que récemment que la législation a changé. Les arbres d’ombres doivent maintenant être déclarés auprès de la Commission forestière comme appartenant au cacaoculteur. Il s’agit là d’une procédure très bureaucratique. Certains acteurs estiment que le système devrait radicalement changer et que, de manière générale, les arbres devraient devenir la propriété des planteurs détenteurs du terrain (Int. 36, 38).

Les entreprises multinationales de cacao et de chocolat et les LBC organisent de nombreux projets au Ghana. Certains se concentrent sur la productivité, d’autres sur la promotion des femmes, des jeunes ou des communautés. La coordination entre les projets est minime mais la situation s’améliore. Certains acteurs estiment que CocoaAction joue un rôle majeur dans l’amélioration de la coordination du secteur (Int.

26, 27, 29, 30, 36, 37). Les organismes de normalisation jouent un rôle tout aussi important parce qu’ils travaillent avec différentes entreprises et sont en mesure de diffuser les bonnes pratiques pour le secteur (Int. 32). Seules quelques rares entreprises investissent dans des analyses d’impact approfondies (Int. 28, 30, 31, 32, 33, 34).

Plusieurs organisations d’aide au développement sont actives au Ghana ; il s’agit entre autres du DFID (département pour le développement international), de la GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit), de USAID (agence américaine de développement international (USAID), de l’ambassade des Pays-Bas, du SECO (Sécretariat d’Etat à l’économie de la Suisse), du PNUD et de la Banque mondiale. Elles collaborent avec le COCOBOD et des organisations non gouvernementales telles que le WCF, ACI, Solidaridad, Winrock et Care International, pour n’en citer que quelques-unes.

De plus, de nombreux PPP ont été mis en place (Int. 26, 27, 29, 30).

Il n’existe pas de coordination officielle (Int. 28, 29, 31, 33, 34, 36, 37, 39) mais le COCOBOD tente de mettre sur pied un système pour améliorer la situation (Int. 26, 33, 36). Beaucoup d’acteurs collaborent dans le cadre de divers projets de manière informelle. Quelques analyses d’impact sont faites mais les résultats sont rarement communiqués (Int. 26, 30, 33, 34, 39).

5.3.4 Points forts et points faibles

Tableau 8 : Points forts et points faibles de la filière cacao ghanéenne

Points forts Points faibles

Importance majeure de la filière cacao pour l’économie et les recettes fiscales du pays.

Pourcentage relativement faible du revenu fiscal investi dans les régions productrices de cacao.

Position forte pour le cacao standard sur le marché mondial avec une part de marché de 40 % environ.

Peu de valeur ajoutée en raison du faible taux de transformation et de l’absence de production de chocolat.

Gouvernance globale par le COCOBOD expérimenté.

Manque d’efficacité du COCOBOD et de ses agences.

Prix minimum fixe qui réduit la volatilité du

prix bord-champ sur l’année. Prix bord-champ relativement bas en raison de coûts élevés de transport et d’approvisionnement en intrants dus en partie aux insuffisances infrastructurelles.

33 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale Système de contrôle qualité.

Mécanisme d’aide aux cacaoculteurs avec intrants et services de vulgarisation agricole.

Structures insuffisantes pour atteindre tous les cacaoculteurs en raison d’un financement provenant de taxes aux exportations dont le montant oscille.

Nombreux projets menés par le COCOBOD, le secteur privé et les bailleurs de fonds en vue d’aider les cacaoculteurs.

Faible niveau de coopération causé par une carence en structures pour l’échange d’informations.

Main d’œuvre insuffisante.

Cacaoculteurs peu organisés.

Seule une partie du cacao certifié se vend avec prime

Excellentes conditions géographiques pour

la production de cacao. En général, cacaoculteurs et arbres vieillissants, faible productivité et risques élevés face au changement climatique.