• Aucun résultat trouvé

Transparence dans le mécanisme de fixation de prix

En général, les cacaoculteurs touchent seulement une partie du prix sur le marché mondial pour le cacao qu’ils vendent. Ceci est dû en partie aux frais de stockage et de transport à l’intérieur du pays producteur, au faible pouvoir de négociation des planteurs face aux négociants et aux intermédiaires, aux relations de pouvoir inégales dans les régions productrices de cacao ainsi qu’à la déduction d’une partie du prix FAB qui sert à financer les mesures d’aide aux cacaoculteurs et la perception fiscale.

Le Ghana et la Côte d’Ivoire s’efforcent d’obtenir une diminution de la volatilité des prix en vendant à l’avance une partie de leur récolte. Ils garantissent aux cacaoculteurs pour la durée de la campagne un prix minimum basé sur les prix de ces ventes anticipées.

Cela garantit aussi bien aux cacaoculteurs qu’aux entreprises une sécurité qui permet de planifier les décisions d’investissement. Cependant, le prix bord-champ dans les pays qui ont un prix minimum fixe est inférieur à celui des pays où le prix du cacao n’est pas réglementé. Ceci s’explique par le fait que les autorités régulatrices déduisent une part de la différence entre le prix minimum et le prix sur le marché mondial pour financer les mesures d’aide aux cacaoculteurs et la perception fiscale.

Les régimes fiscaux varient considérablement entre les divers pays producteurs de cacao.

Les politiques fiscales sont conçues spécifiquement en fonction du contexte national. Leur impact sur la production est en conséquence. Actuellement, la production de cacao augmente rapidement dans les pays où les taxes sur la production et les exportations de

61 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale cacao sont très basses (Équateur et Pérou). La production reste cependant la plus élevée dans des pays à taxation relativement forte (Côte d’Ivoire et Ghana). Les réductions d’impôts pour augmenter le prix aux producteurs et stimuler ainsi les investissements des cacaoculteurs dans le secteur ne sont pas réalisables dans tous les pays. Certains budgets nationaux dépendent tellement du revenu provenant des exportations de cacao qu’une réduction des taxes les affecterait de très près.

Par ailleurs, les chaînes de valeur dans les huit pays étudiés ont beaucoup de points communs mais aussi beaucoup de grandes différences. La plupart des cacaoculteurs ne sont pas organisés, ce qui les place en position de faiblesse dans la chaîne de valeur (voir ci-après). Le rôle des intermédiaires dans la chaîne de valeur est très contesté. Il est important car ils relient les planteurs au marché. Les cacaoculteurs, en particulier ceux qui se trouvent dans des zones reculées, n’ont pas vraiment d’autre choix que de vendre en passant par des intermédiaires qui, souvent, offrent un préfinancement (qui est onéreux). Dans d’autres situations, le lien direct avec les négociants ou les exportateurs, sans passer par les intermédiaires, s’est révélé bénéfique aux cacaoculteurs, en particulier en ce qui concerne le prix bord-champ qui est alors plus élevé. En créant son système de sociétés d’achat sous licence (LBC), le Ghana a réglementé strictement le rôle des intermédiaires. La Côte d’Ivoire tente également de réduire le nombre et le pouvoir des intermédiaires, alors que ces derniers peuvent opérer en toute liberté dans des économies non réglementées comme au Nigéria et au Cameroun.

Recommandation : Améliorer la part du prix sur le marché mondial qui revient aux cacaoculteurs

Diverses mesures pourraient être envisagées si l’on veut garantir aux cacaoculteurs une part plus importante du prix sur le marché mondial :

 Dans les pays où il n’existe pas de prix minimum garanti, des cacaoculteurs formés, qualifiés, bien informés et organisés sont souvent en mesure de négocier un prix bord-champ plus élevé. Plus les gouvernements investissent dans l’accès à une éducation de qualité, y compris dans l’enseignement primaire et secondaire et en particulier dans les zones rurales, plus ils aideront leurs cacaoculteurs à devenir indépendants des subventions publiques et de l’aide de l’État. Ils leur permettent de prendre leurs propres décisions en matière d’investissement.

 Distribuer (quotidiennement) les informations sur les prix réduit l’asymétrie de l’information et permet aux cacaoculteurs d’être plus autonomes dans les négociations avec les intermédiaires et les négociants. Ce principe est valable aussi bien pour les pays où règne la libéralisation des prix que ceux où ils sont fixés sur une base annuelle. Les messageries textuelles ou les applications mobiles, utilisées au Cameroun, permettent d’informer les cacaoculteurs de manière efficace et peu coûteuse.

 Dans les pays à prix minimum garanti, l’utilisation de la différence entre le prix bord-champ et le prix FAB devrait se faire dans la transparence et être discutée avec tous les acteurs afin d’identifier les domaines où il serait possible de réduire les coûts.

 Les gouvernements des pays producteurs de cacao devraient collecter les données sur les coûts d’infrastructure liés au transport du cacao. Ces renseignements doivent être pris en compte dans les mécanismes de fixation des prix.

 Il faut poursuivre la recherche pour comprendre le rôle des intermédiaires sur le marché.

 Les représentants élus des cacaoculteurs devraient posséder les compétences et jouir d’une position forte au sein des comités qui établissent les prix minimums garantis dans les pays où la filière est réglementée. Les gouvernements devraient soutenir la création d’organisations paysannes de la base au sommet.

 Il faudrait évaluer régulièrement l’efficacité des subventions aux intrants et à la formation. Leur impact sur les moyens d’existence des cacaoculteurs devrait être comparé à celui de l’augmentation du prix minimum.

62 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale Réduire la volatilité des prix

Dans les marchés libéralisés, les planteurs sont souvent confrontés à une forte volatilité des prix. Toutefois, celle-ci n’est pas suspendue sur les marchés réglementés. Étant donné que les ventes anticipées ont lieu sur une base annuelle, les prix peuvent encore fluctuer d’une année sur l’autre.

Recommandation : Introduire des mécanismes de gestion des risques

 Les secteurs fortement réglementés, avec des prix minimums garantis, disposent souvent également des fonds de stabilisation pour couvrir contre les chutes brutales des prix sur le marché mondial. Dans le cas de prélèvements (taxes ou impôts) établis pour créer un fonds de stabilisation, la procédure doit être transparente pour tous les acteurs. Des exemples de bonne pratique dans d’autres pays ou secteurs pourraient servir de modèles à la création et à la gestion d’un fonds (exemples de fonds prélevés en Norvège, au Botswana ou au Chili à l’époque des prix des matières premières élevés).

 Les groupements de cacaoculteurs bien organisés et bien formés peuvent protéger leurs membres contre la volatilité à moyen terme

o en négociant avec les entreprises des contrats à long terme qui incluent des systèmes d’assurance contre les fluctuations de prix ;

o en couvrant en bourse (hedging) comme les entreprises le font déjà pour réduire les risques de commercialisation

 Les gouvernements devraient établir un cadre législatif de conditions requises pour que les organisations paysannes participent à ces opérations commerciales sur le long terme et aider les planteurs à développer leurs capacités.

Diversification du revenu

Réduire la dépendance vis-à-vis du cacao et diversifier la structure des revenus améliorent non seulement le pouvoir de négociation des cacaoculteurs mais créent aussi un mécanisme important de gestion des risques. De plus, les cacaoculteurs travaillent sur de très petites plantations et ne pourront probablement jamais tirer un revenu vital du cacao. Il faudra que les gouvernements des pays producteurs développent une stratégie pour aider ces planteurs à sortir du secteur cacao.

Recommandation : Soutenir la diversification et les stratégies de sortie

 Il faudrait que tous les programmes de formation et les projets à l’intention des cacaoculteurs incluent des informations sur les possibilités de diversification des sources de revenu afin de réduire la dépendance d’une seule culture (ou même de l’agriculture en général).

 Dans le cas de produits au cycle annuel court, il peut s’agir de fournir un capital d’investissement aux plantations de cacao (et l’accès à l’emprunt).

 Des programmes de formation spécifiques sont nécessaires pour les planteurs qui veulent changer de culture, essayer de se lancer dans une activité économique de service rural (services techniques, services d’information, services de formation, fourniture d’intrants comme par exemple les plants de cacaoyers et autres cultures, etc.) ou chercher un avenir en dehors de la plantation.

 Pour les cacaoculteurs plus âgés, la création d’un fonds de pension pourrait constituer une bonne stratégie pour sortir de la production de cacao. Les pays producteurs de cacao pourraient envisager la création d’un tel fonds. Disposant de leur propre expérience, les institutions des pays consommateurs de cacao pourraient les aider dans cette démarche.

63 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale Transformation locale ou industrielle

Pour créer plus de valeur et d’emplois dans les pays producteurs, il est nécessaire de passer d’un traitement primaire des fèves à la production de chocolat et autres produits à base de cacao. Le Brésil a parfaitement réussi et a créé un immense marché du chocolat.

Toutefois, ces changements ont eu lieu dans un contexte très spécifique, avec une classe moyenne croissante et une tradition de consommation de produits chocolatés. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, la situation est différente car il n’existe pas de marché pour le chocolat. Au Cameroun, une petite industrie locale naissante de transformation produit des chocolats et des produits cosmétiques. Au Ghana et au Nigéria, les marchés pour ces produits existent aussi mais sont petits. La production est principalement artisanale et à tout petite échelle.

Certains gouvernements (par exemple en Indonésie, au Ghana et en Côte d’Ivoire) tentent de développer une industrie de transformation à grande échelle sur leur territoire en introduisant un régime fiscal incitatif et des subventions. Souvent, cela a un coût élevé qui est éventuellement répercuté indirectement sur les planteurs en réduisant les prix bord-champ ou les subventions aux cacaoculteurs. La promesse de nouvelles perspectives de travail dans les entreprises de transformation est discutable puisque souvent peu d’emplois sont créés dans les usines de transformation modernes et très mécanisées.

Le développement de capacités de transformation du cacao dans les pays producteurs est souvent réalisé au détriment des subventions et a, par conséquent, un impact sur les fonds alloués aux cacaoculteurs.

Recommandation : Trouver un juste équilibre entre les intérêts des cacaoculteurs et les objectifs de transformation du cacao

Il faut chercher l’équilibre entre le subventionnement des producteurs et le développement de la transformation du cacao.

 Dans leurs calculs, les gouvernements devraient vérifier attentivement si les subventions et les réductions d’impôts, souvent utilisées pour attirer l’investissement industriel à grande échelle dans la transformation de cacao, mènent aux résultats escomptés, notamment en termes de création d’emplois locaux.

Équateur : Une intiative concernant la taille

Un volet majeur du programme gouvernemental « Grand effort collectif national pour le développement du cacao » (Gran Minga del Cacao) concerne les techniques spéciales de taille. Un service de taille est proposé aux petits planteurs (< 10 ha) pour les jeunes cacaoyers et ceux qui ont plus de onze ans. Depuis 2013, environ 54 000 cacaoculteurs ont bénéficié de ce programme et taillé presque 62 millions de cacaoyers sur environ 150 000 ha. Il est prévu de tailler 284 000 ha d’ici 2021, soit 95 % de la superficie FFC. Pour la réalisation de ce programme, le MAGAP travaille en coopération avec deux organisations qui jouissent d’une longue expérience dans l’industrie du cacao.

Par son nombre d’interventions, l’initiative serait un succès : une équipe de 6 660 techniciens de terrain a été embauchée pour travailler en escouades de taille dans 17 provinces. Le personnel technique recruté possède aussi une expérience de producteur de cacao et sont employés dans leur région d’origine. Enfin, ce personnel a été formé non seulement aux techniques de taille mais aussi à l’étalonnage sur les plantations, à l’hygiène au travail et aux questions de sécurité et autres aspects socio-économiques.

Par conséquent, on associe la formation à grande échelle des cacaoculteurs et la collecte d’informations afin de faciliter les processus de contrôle et d’évaluation.

64 Renforcer la compétitivité de la production de cacao et augmenter le revenu des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale

 Dans les pays où un prix minimum fixe a été instauré, les autorités de contrôle devraient faire preuve d’une transparence toute particulière sur l’impact des subventions et des réductions d’impôts sur les prix bord-champ.

 Il faudrait que les gouvernements encouragent la production artisanale et à petite échelle de chocolat et autres produits à base de cacao pour les marchés locaux et régionaux.