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Chapitre 1. Généralités et Etat de l’art

1.2 Les troubles de l’équilibre en pathologie du système nerveux périphérique : les

1.2.3 Les neuropathies périphériques acquises

Ø Les polyradiculonévrites inflammatoires chroniques

Les polyradiculonévrites inflammatoires chroniques (PRNc), aussi connues par l’acronyme anglo-saxon Chronic Inflammatory Demyelinating Poly(radiculo)neuropathy (CIDP), sont des maladies acquises du système nerveux périphérique et non des neuropathies périphériques uniformes. La CIDP est une maladie dysimmune ayant pour cible la gaine de myéline du nerf périphérique. Elle se caractérise par une neuropathie sensitivomotrice chronique, avec une démyélinisation de caractère hétérogène segmentaire et infiltrats inflammatoires d’origine dysimmunitaire. On observe une faiblesse musculaire proximale et

En 1975 Dyck et al. ont réuni toutes les formes de neuropathies chroniques précédemment rapportées sous une même entité dénommée Chronic Inflammatory

Demyelinating Poly(radiculo)neuropathy (CIDP) et ils opposaient ces neuropathies au

classique syndrome de Guillain-Barré aigu sur 3 points essentiels : l’absence d’épisodes infectieux notables dans les semaines précédentes ; une installation des symptômes plus prolongée (au-delà de 4 semaines) et persistant surtout au-delà du sixième mois ; et un dernier point très important, une corticosensibilité nette qui n’avait jamais été démontrée dans le syndrome de Guillain-Barré.

La prévalence de PRNc est évaluée de 2 à 8 par 100.000, elle semble représenter 10 à 20% des polyneuropathies chroniques. Les deux sexes sont concernés, mais il existe une légère prédominance masculine, selon les rares études épidémiologiques publiées sur ce sujet (Bougousslavsky J et al., 2004).

Le spectre des CIDP est très hétérogène, les déficits sont variables, les critères électrophysiologiques font encore l’objet de débats et l’importance thérapeutique de séparer des sous-groupes n’est pas claire, hormis pour la forme motrice pure, très symétrique, qui peut s’aggraver sous prednisone, mais qui concerne moins de la moitié des patients (Kuntzer, Antoine, & Steck, 2004).

Étant donné ses implications thérapeutiques spécifiques, la présence de l’une des manifestations suivantes doit orienter vers une PRNc : déficit sensitivo-moteur diffus affectant les 4 membres, déficit moteur proximal, aréflexie diffuse, troubles sensitifs débutant par les membres supérieurs, atteinte associée d’un ou de plusieurs nerf(s) crâniens et évolution par poussées.

Le déficit moteur prédomine dans près de 80% des cas, l’atteinte motrice est habituellement bilatérale et le plus souvent symétrique, mais comme le processus de démyélinisation est par définition aléatoire et multifocal, des asymétries peuvent être observées. Le déficit sensitif se caractérise par une atteinte des grosses fibres myélinisées, avec troubles proprioceptifs, ataxie et paresthésies distales. Une hypoesthésie épicritique au chaud-froid avec douleur pendant le port de gants et de chaussettes peut également être observée (Bougousslavsky J et al., 2004).

Sur la base du consensus de l’opinion des experts, la PRNc doit être prise en compte pour tous les patients dans le cas d’une polyradiculonévrite dont l’évolution clinique est récurrente ou progressive pendant plus de deux mois, surtout s’il y a une faiblesse proximale, une aréflexie ou la perte préférentielle du sens de vibration ou de la position articulaire. Le retentissement fonctionnel à long terme est très variable d’un sujet à l’autre. D’après la

première étude de Dyck et al. (1975), qui a évalué 53 patients présentant une CIDP, 60% de ces patients pouvaient continuer leur activité et 28% étaient alités ou en fauteuil roulant. Seule la sévérité de l’atteinte initiale motrice semble corrélée à la parésie résiduelle (Bougousslavsky J et al., 2004).

Ø La neuropathie ataxiante

Les neuropathies sensitives acquises englobent un groupe de troubles paranéoplasiques, dysimmunitaires, toxiques ou idiopathiques. Elles se caractérisent par la dégénérescence des neurones sensoriels périphériques dans les ganglions de la racine dorsale. Etant donné que les ganglions de la racine dorsale ne peuvent pas être facilement explorés, le diagnostic clinique de ces troubles peut s’avérer difficile.

L’ enquête étiologique est ingrate au cours des neuropathies sensitives, leur richesse symptomatique contrastant avec la pauvreté de l’exploration électrophysiologique. Notermans et al. (1993) ont suivi 75 patients auxquels ils avaient diagnostiqué des polyneuropathies chroniques dites idiopathiques de tous types (sensitivomotrices, sensitives ou motrices) cliniquement et électrophysiologiquement. Ils ont constaté que, dans près de 40% des cas, ces neuropathies sont sensitives pures avec une nette prédominance masculine.

Les pathologies associées à la perte proprioceptive des membres inférieurs affectent la marche et le contrôle postural avec une présentation clinique typique connue sous le terme d’ataxie sensitive ou proprioceptive. L’ataxie proprioceptive revêt la forme d’une diminution de la capacité à effectuer les mouvements volontaires coordonnés en l’absence de contrôle visuel (Sobue et al., 1993) (Waragai, Takaya, & Hayashi, 1997) (Camdessanché et al., 2009).

Les neuropathies ataxiantes se distinguent des autres formes cliniques de neuropathies de par l’importance des troubles de la sensibilité profonde qui sont responsables de troubles de l’équilibre et de la marche. Il existe des neuropathies ataxiantes de différentes natures :

• Les ganglionopathies ou neuropathies sensitives (dysimmunitaires, médicamenteuses, au premier rang desquelles celles liées aux dérivés du platine, ou héréditaires).

• Les neuropathies démyélinisantes, dysimmunitaires ou associées à une gammapathie monoclonale IgM anti-MAG et les PRNc idiopathiques à

• Les neuropathies axonales d’origine infectieuse, toxique, métabolique ou hérédo-dégénérative.

Ces différentes affections ont en commun une atteinte neurogène périphérique prédominant sur les fibres sensitives de gros calibre. Elles se différencient par leurs étiologies et la possibilité pour certaines de bénéficier de traitements spécifiques susceptibles d’en contrôler l’évolution.

Les ganglions de la racine dorsale et les nerfs périphériques peuvent être affectés simultanément chez un même patient. Cela explique pourquoi quelques auteurs utilisent des terminologies descriptives comme celle de neuropathie sensitive ataxiante (Camdessanché et al., 2009). L’ataxie est un terme générique et peut correspondre à des atteintes fonctionnelles sensitives ou motrices. L’ataxie sensorielle peut résulter d’un traumatisme de la colonne postérieure ou de maladies des nerfs périphériques (sujet de notre étude), quant à l’ataxie motrice, elle peut être associée à des maladies cérébelleuses; du cortex cérébral; thalamiques; des ganglions de la base; à des blessures dans le noyau rouge ainsi qu’à d’autres cas de figure (Sobue et al., 1993) (Waragai et al., 1997). Ces ataxies motrices ne seront pas considérées dans ce travail.

Lorsque les troubles sensitifs subjectifs sont accompagnés de sensations de picotements ou de brûlures, ils orientent vers une atteinte des petites fibres, les fameux « pieds brûlants ». Lorsque ces troubles sensitifs se manifestent sous la forme de chaussettes ou de gants qui serrent, avec une instabilité lors de la marche, s’aggravant éventuellement dans l’obscurité (signe de Romberg), ils orientent vers une atteinte des grosses fibres. Un syndrome qui peut accompagner les neuropathies sensitives pures est celui des jambes sans repos, il associe des symptômes sensitifs du type des dysesthésies/paresthésies, au besoin impératif de bouger les jambes (Bougousslavsky J et al., 2004).

Les aspects cliniques liés à une gammapathie IgM anti-MAg sont les suivants : atteinte de la sensibilité profonde, associée à une préservation relative de la force musculaire et des sensibilités superficielles. Il existe donc une ataxie gênante, avec parfois des mouvements anormaux de type pseudoathétosique, des troubles de la sensibilité vibratoire et du sens de la position des articulations, associés à une aréflexie ostéo-tendineuse. Il s’agit essentiellement de troubles concernant les nerfs sensitifs, caractérisés par une absence ou une nette diminution de l’amplitude des potentiels d’action sensitifs. Les vitesses de la conduction nerveuse sont proches de la normale. Dans le cas des ganglionopathies, l’élément le plus marquant est l’atteinte proprioceptive des membres supérieurs et inférieurs (ataxie proprioceptive), les réflexes tendineux sont abolis de façon diffuse. Il n’y a pas d’atteinte des

petites fibres ou de la sensibilité tactile.

Kachi et al. (1994) ont examiné la conduction nerveuse sensorielle dans la neuropathie sensitive chronique ataxiante par le biais d’études de routine de la conduction nerveuse et de la mesure de potentiels somatosensoriels évoqués (SEPs). Leurs résultats suggèrent que l’axonopathie distale centre-périphérique est un processus impliqué dans cette maladie et que les ganglions de la racine dorsale sont très souvent concernés. Ainsi, les nerfs sensitifs sont concernés au niveau central et périphérique dans ce cas de figure, et l’implication est plus importante dans la partie distale du nerf périphérique..

Nardone et al. (2007) ont mené une étude sur la ganglionopathie ou Sensory Neuron

Disease (SND) pour les Anglo-Saxons. Ils ont souligné que la dégénérescence des branches

centripètes des cellules ganglionnaires, dans le cas de cette maladie, peut engendrer une déconnexion entre les voies spinocérébelleuses et les entrées proprioceptives, compromettant ainsi la transmission des afférences sensorielles aux centres supra spinaux. Cela peut expliquer l’atteinte plus grave de l’équilibre statique et dynamique chez ces patients en comparaison des autres patients présentant une neuropathie périphérique sensitive (ex : neuropathie sensitive liée au diabète). Ces auteurs ont donc pu constater que la dégénérescence ajoutée de la branche centrale du neurone sensoriel peut encore augmenter l’aggravation du contrôle de l’équilibre.

Sobue et al. (1993) ont montré deux variantes cliniques de la neuropathie ataxiante chronique sensorielle sans malignité; l’une est associée au syndrome de Sjörgen et l’autre est idiopathique, il s’agit de la neuropathie ataxiante chronique idiopathique ou CIAN (Chronic Idiopathic Ataxic Neuropathy des Anglos-Saxons). Cette dernière représente la forme la plus pure des neuropathies par atteinte des grosses fibres myélinisées. Les principales manifestations neurologiques chez ces deux types sont la perte de la sensation proprioceptive et kinesthésique et une préservation de la fonction motrice.

Malgré l’importance de l’information somatosensorielle pour l’équilibre et la locomotion, un grande nombre des patients atteints d’une neuropathie sensitive maintiennent leur équilibre debout et marchent correctement ; ce qui suggère que ces patients mettent en jeu des compensations telles que l’utilisation des autres systèmes impliqués dans le contrôle postural.

D Dans son étude, Horak (2001) a observé que, pendant une perturbation de 6cm en arrière avec une vitesse de 15cm/sec., le sujet atteint d’une perte proprioceptive complète (des oreilles jusqu’aux pieds avec perte des fibres de gros calibre) ne présentait aucune réponse

électromyographique des muscles du tronc, de la hanche et des jambes.

Il nous semble ainsi qu’une perte partielle de la proprioception, comme dans le cas d’une neuropathie périphérique ataxiante, peut retarder et perturber la réponse posturale à des perturbations externes. Le maintien de l’équilibre se fait alors par l’augmentation de l’utilisation des entrées visuelles et vestibulaires, tandis que, dans le cas d’une perte somatosensorielle généralisée, cette réponse est éliminée et l’apport des informations visuelles et vestibulaires semble insuffisant pour permettre la station debout et la locomotion.