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Nature de la recherche qualitative

La recherche qualitative vise à comprendre les visions du monde des personnes et la façon dont elles se comportent et agissent. Cette perspective oblige les chercheurs à comprendre les phénomènes à partir de discours, d’actions et de documents; elle les amène à s’interroger sur la façon dont les individus interprètent et donnent sens à leurs paroles et à leurs actes, ainsi qu’à d’autres aspects du monde avec lesquels ils sont en relation (y compris les autres personnes).

Certaines études qualitatives vont au-delà des expériences personnelles des individus pour explorer les interactions et les processus au sein des organisations ou dans d’autres contextes. La connaissance, tant sur le plan individuel que sur le plan culturel, est envisagée comme une construction sociale. Cela suppose que toute connaissance est, dans une certaine mesure, de nature interprétative et, partant, tributaire du contexte social. Elle est aussi façonnée par le point de vue personnel du chercheur en tant qu’observateur et analyste. Les chercheurs qui adoptent une méthode qualitative s’efforcent donc de prouver la fiabilité de leurs conclusions en employant de multiples stratégies méthodologiques.

La section qui suit présente une description sommaire de la démarche générale de la recherche qualitative, ainsi que des exigences méthodologiques et des pratiques qui y sont rattachées, mais qui, dans certains cas, s’appliquent aussi à la recherche quantitative ou à d’autres activités de recherche avec des êtres humains.

Démarche générale, exigences méthodologiques et pratiques

a) Compréhension inductive. De nombreuses formes de recherche qualitative supposent l’acquisition d’une compréhension inductive de l’univers des participants, en vue d’atteindre à une compréhension analytique de la façon dont ces personnes perçoivent leurs actions et le monde qui les entoure. Dans certains projets, cette approche s’applique aussi à l’étude de processus, d’expériences et de contextes sociaux particuliers.

Si les méthodes impliquent une interaction directe avec les participants, la démarche vise principalement à connaître les perceptions qu’ont les participants d’eux-mêmes et des autres, ainsi que la signification qu’ils attachent à leurs pensées et à leurs comportements.

b) Diversité des approches.Il n’y a pas de méthode unique en recherche qualitative. Chaque domaine ou discipline, et même chaque chercheur d’une même discipline, a des perspectives et des démarches différentes quant à l’application des méthodes qualitatives.

La recherche qualitative fait appel à tout un éventail d’approches théoriques, de questions qui orientent la recherche, de méthodologies, de techniques et de démarches épistémologiques qui permettent aux chercheurs de pénétrer l’univers des participants ou de s’impliquer dans un contexte social particulier. Ces approches méthodologiques comprennent, sans toutefois s’y limiter, l’ethnographie, la recherche-action participative, l’histoire orale, la phénoménologie, l’analyse narrative, la théorisation ancrée et l’analyse du discours. L’expression « recherche qualitative » englobe une gamme étendue de paradigmes et de perspectives qui se recoupent.

c) Processus de recherche dynamique, réfléchi et continu. L’émergence en cours de recherche de questions, de concepts, de stratégies, de théories et de façons de recueillir et de traiter les données (par exemple, dans le cadre des modèles de recherche émergente;

voir l’article 10.5) oblige de la part du chercheur une approche réflexive et une remise en question constantes. La flexibilité, la réflexivité et l’adaptation exigées contribuent à la rigueur et à la qualité des données collectées et à leur analyse.

d) Diversité et multiplicité des contextes, souvent en évolution.La recherche qualitative se déroule dans divers contextes, chacun soulevant des questions d’éthique particulières.

Dans la recherche qualitative, la connaissance est considérée comme étant dépendante de son contexte; en conséquence, les études ont tendance à cibler des personnes ou des endroits particuliers ou encore des concepts dérivés empiriquement d’autres contextes sociaux. La priorité du chercheur consiste alors à répondre, dans le cadre du projet de recherche, à une question soulevée par l’étude de ces personnes dans un contexte social particulier et à un moment précis.

Les chercheurs entreprennent parfois des recherches qui remettent en question des structures sociales et des activités qui engendrent une inégalité ou une injustice, ou qui y contribuent. Ces recherches peuvent porter sur des participants qui se trouvent dans des situations hautement vulnérables en raison de la stigmatisation sociale ou légale associée à leurs activités ou à leur identité; ces personnes peuvent avoir une certaine méfiance à l’égard de la loi, des organismes sociaux ou des autorités universitaires. Indépendamment de la méthode qu’ils adoptent, les chercheurs qui œuvrent dans ce type de contextes risquent de subir des pressions d’instances ou de personnes influentes. Il est bien possible aussi que les recherches mettent à contribution des participants tels que des dirigeants d’entreprise ou des responsables gouvernementaux qui ont parfois plus de pouvoir que les chercheurs eux-mêmes.

e) Collecte de données et taille de l’échantillon.En règle générale, dans ces recherches, l’accent est mis davantage sur la profondeur que sur l’étendue. La plupart des chercheurs qui emploient des méthodes qualitatives privilégient la collecte de données diversifiées se recoupant sur un nombre limité de cas ou de situations jusqu’à atteindre un point de saturation ou de redondance thématique. Dans ces études, c’est l’utilité particulière ou la richesse des sources d’information en vue d’approfondir la compréhension que l’on a du phénomène étudié, et non la possibilité d’en tirer des résultats statistiquement significatifs, qui oriente les stratégies d’échantillonnages et le choix des sites de recherche. Les chercheurs choisissent les participants en fonction de leur contribution potentielle au développement de la théorie et, souvent, ils les choisissent en fonction de patterns émergents au cours de la collecte des données.

Dans le but d’améliorer la qualité des données, un chercheur peut faire appel à des sources d’information et à des stratégies de collecte de données multiples. Les chercheurs recourent à toute une gamme de méthodes pour recueillir des données : entrevues, observation des participants, groupes de discussion et autres techniques. Dans certains cas, la proximité de longue durée avec les participants constituent les meilleurs moyens de recueillir des

Chapitre 10 – La recherche qualitative

données fiables. Dans d’autres cas, les chercheurs et les participants continuent à l’occasion à communiquer par voie électronique ou autre, pour les besoins du projet de recherche, après la collecte des données sur le terrain. Les études qualitatives de matériaux textuels et iconographiques — livres, sites Web, transcriptions d’entrevue, photographies, vidéos, etc. — font appel à tout un éventail de méthodes d’analyse de contenu.

Le traitement approprié des données recueillies varie sensiblement (voir l’article 10.5 et également l’article 5.3). Lors de la discussion initiale liée au consentement, les chercheurs informent les participants éventuels à la recherche de la confidentialité des données et discutent avec eux de leurs attentes (voir les articles 3.2 et 5.2).

f) Buts et objectifs de la recherche. Les objectifs de la recherche qualitative varient largement au sein des diverses disciplines et entre celles-ci. Parmi les buts recherchés lorsqu’il s’agit de projets de recherche qualitative, mentionnons le besoin de « donner une voix » à une population particulière, la nécessité d’entreprendre une étude critique de certains systèmes, de certaines situations ou du pouvoir des personnes étudiées, le désir d’influer sur le changement dans un contexte social donné, ou le besoin d’analyser des phénomènes jusque-là peu étudiés afin d’élaborer de nouvelles approches théoriques.

g) Processus de consentement dynamique, négocié et continu.Afin de pouvoir s’introduire dans un milieu particulier pour les besoins de la recherche, il est parfois nécessaire de négocier avec la population cible. Il arrive que le chercheur soit incapable de mener ce processus à terme avant la recherche, en partie parce que les contextes dans lesquels doit se dérouler la recherche évoluent avec le temps.

Dans certains cas, les participants ont un pouvoir égal ou même supérieur à celui du chercheur. C’est ce qui se produit, par exemple lorsque, dans le contexte d’un projet de recherche en milieu communautaire ou au sein d’une organisation, il faut faire appel à un processus de collaboration pour définir et élaborer le projet et déterminer précisément l’objet des travaux de recherche, ou encore s’il s’agit d’une étude dont les participants seraient des personnalités publiques ou occupant d’autres postes d’influence (par exemple, un projet de recherche portant sur les élites économiques, sociales, politiques ou culturelles). Dans d’autres cas, il se peut que les chercheurs aient un pouvoir supérieur à celui des populations participantes éventuelles lorsque l’accès à ces populations est rendu possible par l’intermédiaire des responsables en charge de ces populations (par exemple, lorsque le chercheur doit s’adresser aux services de police pour effectuer une recherche auprès d’une population problématique, ou aux autorités carcérales pour mener une étude auprès de détenus).

h) Partenariats de recherche. L’accès à certains milieux et à certaines populations se développe quelquefois progressivement, et il se peut bien que les relations s’établissent hors du cadre du projet de recherche; par conséquent, il n’est pas toujours facile de déterminer avec précision où commence et où prend fin la relation « de recherche » proprement dite. Dans bien des cas, malgré une préparation minutieuse, il est possible que le chercheur ignore l’orientation précise à donner à sa recherche tant qu’il n’aura pas commencé la collecte des données. En effet, à cause du caractère émergent de nombreuses études qualitatives, il devient essentiel d’établir de bons rapports et un lien de confiance

personnel avec les participants afin d’examiner des questions que les deux parties jugent importantes ou intéressantes, et de rassembler des données fiables. Le projet de recherche se transforme alors souvent en un processus de collaboration négocié entre les participants et le chercheur, ce qui oblige à consacrer initialement un temps considérable uniquement à déterminer précisément l’objet de la recherche.

Dans certains cas, les contacts entre les chercheurs et les participants dureront toute une vie, et ces personnes développeront des liens sur divers plans qui transcenderont la relation établie dans le cadre du projet de recherche.

i) Résultats de la recherche. En recherche qualitative, la possibilité de généraliser les résultats et de les appliquer à d’autres contextes, ou encore la représentativité de l’échantillon ne sont pas nécessairement des questions pertinentes. Souvent, on estime que le transfert des résultats d’un contexte à un autre renvoie à une question théorique plutôt qu’à une question de procédure ou d’échantillonnage.