• Aucun résultat trouvé

4. Des questions peu pos€es :

4.5. L’environnement, source d’une pens€e non positiviste ?

4.5.1. Nature, environnement et €cologie

Nous avons vu qu’une difficult• dans la construction d’un champ de l’environnement en sciences sociales est l’absence de d•finitions claires de certaines notions ou mƒme de d•bats sur ces notions de fonds. Nous pr•sumons comprendre les mots “ •cologie ”, “ environnement ”, “ nature ”, mais que signifient-ils ?. Nous proposons donc ici d’offrir mati‡re ‚ d•battre dans le but de s’engager r•solument dans une

225 L. Racine, “ Crise €cologique et symbolique de l’apocalypse ”, Sociologie et Soci€t€, vol. 13, nˆ 1, avril 1981, p. 99-116. 226 B. Dumas, “ Sciences naturelles et sciences humaines : les voies de l’interdisciplinarit€ pour la r€solution des probl„mes

environnementaux ”, in R. Tessier et J.-G. Vaillancourt (dir.), La recherche sociale en environnement. Nouveaux

paradigmes, Presses de l’Universit„ de Montr„al, 1996, p. 75-88.

227 M. Jollivet et A. Pav„, “ L’environnement : un champ de recherche en formation ”, Natures, Sciences, Soci€t€s, vol. 1, nˆ 1, 1993.

228 C. Lafaye et L. Th€venot, “ Une justification €cologique ? Conflits dans l’am€nagement de la nature ”, Revue fran‡aise

d•marche de construction d’un tel champ en sociologie et en science politique, un effort qui sous-tend notre discussion •pist•mologique et disciplinaire. Il nous semble donc opportun et utile ici de distinguer les notions de “ nature ”, “ d’environnement ” et “ d’•cologie ”.

La nature est cet ensemble de vie animale et v•g•tale et du monde min•ral qui a donn• naissance ‚ l’humain mais qui peut tr‡s bien exister sans lui. L’environnement est la nature en interaction avec l’humain. Ces interactions sont de diverses natures, allant de l’exploitation la plus polluante et la plus destructrice ‚ une int•gration harmonieuse entre les besoins et les d•sirs humains et la capacit• de la nature ‚ les fournir. Le d•veloppement durable et participatif s’inscrit dans cette palette d’interactions, c’est donc une fa„on de voir l’environnement parmi d’autres, comme l’est le refus de la croissance et du consum•risme ou l’industrialisation. L’•cologie se r•f‡re plutˆt ‚ l’•tude de l’environnement, et donc des interactions entre nature et humains, mais aussi du DDP comme r•ponse. L’•cologie est donc ‚ l’environnement ce que les sciences sociales sont ‚ la soci•t•. L’•cologie est de fa„on •vidente associ•e ‚ l’environnementalisme, mais il se situe ‚ un plus haut niveau d’abstraction : il s’agit d’une mani‡re de penser les probl‡mes et leurs solutions qui de fa„on explicite et r•solue tente de s’approcher de l’environnement en tant que ph•nom‡ne empirique ‚ niveaux et ‚ acteurs multiples, ‚ la fois naturel et social. L’•cologie se r•f‡re donc ‚ une compr•hension du monde dans la totalit• de ses interactions, ce qui est impossible. C’est pourquoi il nous semble essentiel de d•velopper une science politique de l’environnement qui s’inscrit dans une d•marche •cologique non positiviste mais qui se concentrerait sur les dimensions sociopolitiques de l’ensemble. L’•cologie s’apparente donc ‚ une m•tath•orie plutˆt qu’‚ un projet politique ou une id•ologie, mƒme si l’•cologie peut tr‡s bien nourrir une telle id•ologie.

L’environnementalisme est donc plutˆt une fa„on sp•cifique de concevoir la relation entre la soci•t• et son environnement naturel – ‚ distinguer de l’industrialisme –, une conception selon laquelle les dimensions naturelles, biologiques et humaines de notre d•veloppement prennent la priorit• sur les dimensions •conomiques, sans les rejeter. L’environnementalisme implique des m•thodes de production d’•nergie propre, la pr•servation et la croissance de la biodiversit•, le recyclage, avec ces que ces •l•ments impliquent comme changements sociaux et comportementaux visant ‚ r•duire notre impact sur la biosph‡re. L’environnement est constitu• de forces, de mouvements d’•nergie, d’acteurs et de facteurs en interactions dynamiques ‚ diff•rentes •chelles et dans diff•rents domaines, et dont l’ordre de base est l’•quilibre dynamique, et donc dans lequel le chaos et le changement sont pr•sents. La pens•e •cologique se r•f‡re donc aux analyses qui visent ‚ comprendre ces interactions dans lesquelles les humains jouent un rˆle particuli‡rement important et potentiellement (mais pas obligatoirement) tragique. Ceci implique que mƒme s’il n’existe pas d’•v•nements isol•s ou de cause singuli‡re, il peut n•anmoins y avoir une hi•rarchie d’importance dans les •v•nements en ce que certains sont plus significatifs que d’autres. Ainsi, on peut dire que les acteurs et les ph•nom‡nes sont li•s dans des interactions complexes qui peuvent : i) s’annuler ; ii) se renforcer soit positivement (en contribuant ‚ cet •quilibre dynamique), soit n•gativement (en contribuant ‚ un d•s•quilibre) ; iii) n’avoir que peu d’effets ; iv) s’affecter des trois fa„ons ‚ la fois, selon le niveau d’interactions et l’agent significatif sp•cifique impliqu•.

Si l’on tire le„on du d•veloppement de la sociologie de l’environnement dans d’autres pays, il nous semble qu’‚ ce point du d•veloppement du champ en France, il nous faille encore tenter de comprendre et de d•limiter les contours et les sp•cificit•s d’une sociologie structur•e de l’environnement, ses forces, ses m•thodes et son •pist•m‡ propre. L’absence relative d’une sous discipline reconnue de l’environnement dans les sciences sociales en France est donc directement li•e ‚ la question philosophique. Comme dans n’importe quelle science sociale, une sociologie de l’environnement fran„aise aurait ses d•bats, ses r‡gles

de fonctionnement, ses approches et ses propres fa„ons d’aborder les probl‡mes. Pour la plupart des auteurs qu•b•cois r•fl•chissant de fa„on •pist•mologique ‚ l’environnement, une des sp•cificit•s de la pens•e •cologique est qu’elle doit ƒtre normative et performative et d•passer la simple applicabilit• potentielle du cadre th•orique. En fait, pour ceux-ci, le passage ‚ la pratique et l’aide ‚ la d•cision doivent faire partie inh•rente du cadre et des priorit•s de recherche. Emerge alors le probl‡me politique des crit‡res sur lesquels fonder la d•cision :

 Comment prendre une d€cision, choisir un projet ou faire un choix m€thodologique Š partir d’une approche

€cologique non positiviste ?

 Quels types de politiques •conomiques a le moins d’impacts n•gatifs sur l’environnement, dans un contexte oˆ, par

exemple, les effets d’un grand barrage qui contribuent ‚ l’effet de serre en raison de la biomasse qui s’y accumule et s’y d•compose, doivent ‡tre compar•s ‚ l’impact du charbon ou du p•trole, alors que les populations ne veulent pas diminuer leur niveau de vie ni changer fondamentalement leur mode de consommation ?

 Devant un tel refus, est-il toujours possible sur le plan politique et/ou souhaitable au niveau environnemental de

prendre une d€cision fond€e sur la participation populaire ?

On voit ici ‡ quel point ce type de questions peut ˆtre d€licat ‡ soulever. Ceci nous am…ne ‡ notre conclusion qui soul…ve de mani…re directe une question laiss€e en suspens par la litt€rature : les relations ‡ €tablir autant au niveau politique qu’au niveau philosophique et th€orique entre environnement et d€mocratie.