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Les résultats de biomasse, minéralomasse et stock carboné que nous avons obtenu sont tous liés à l'importance du recouvrement arboré. Pour cette raison, il nous a été possible, en comparant les surfaces relatives des différentes zones de densité de couvert entre l'année 1965 et l'année 1989, d'étudier et d'estimer les variations de ces différents paramètres.

N'ayant pas à notre disposition une vérité terrain des recouvrements estimés sur la photographie aérienne de 1965, les bases de cette analyse diachronique reposent sur donc sur l'hypothèse préalable selon laquelle, les pourcentages de recouvrement respectifs des quatre zones de densité de couvert sont les même entre les deux dates.

Ces deux cartes étant basées sur des documents très différents, tant au niveau de la méthode d'acquisition que de la nature des informations qu'ils contiennent, on ne peut envisager une comparaison au pixel près. En effet, d'une part la correction géométrique laisse subsister certaines déformations, et d'autre part le traitement numérique appliqué aux deux images est différent. Nous nous intéresserons donc aux quatre grandes unités cartographiques prises dans leur ensemble, ainsi qu'à l'évolution du couvert dans certains secteurs particulièrement bien identifiés.

La comparaison de la superficie totale de la Thuriféraie entre 1965 et 1989 met en évidence une régression importante du peuplement (Tableau 18): la surface de la Thuriféraie en 1965 est estimée à 2622 ha, ce qui rejoint les travaux de Hammoudi (1977) et Donadieu et al. (1976) qui estimaient la superficie de ce peuplement à 2680 ha. Comparée à la surface de 1989 (2184 ha), on peut donc noter, sur les 24 dernières années, une réduction de 438 ha (soit plus de 17 ha par an), représentant une déforestation annuelle de 0,7%, valeur très proche de celle avancée par Barbero et al. (1990a & 1990b) du déboisement annuel à l'échelle nationale (0,6%).

1989 1965 Différence Différence

moyenne (t/ha/an)

Superficies (ha)

Recouvrement par le Thurifère: 10% 819 1109 -290

Recouvrement par le Thurifère: 23% 1088 1223 -135

Recouvrement par le Thurifère: 29% 260 254 6

Thuriféraie totale 2184 2622 -438 Biomasse (t)

Biomasse du Thurifère 106110 125210 -19100 -0,36

Biomasse des Xérophytes 39730 49786 -10056 -0,19

Biomasse Totale 145841 174997 -29156 -0,55 Minéralomasse (t) Ca total 2279 2715 -436 -8,6 x 10-3 K total 139 169 -30 -5,7 x 10-4 Mg total 482 585 -103 -1,9 x 10-3 N total 564 694 -130 -2,5 x 10-3

Éléments minéraux totaux 3464 4163 -702 -1,3 x 10-2

Stock carboné (t)

Carbone épigé 68480 82081 -13601 -0,25

Carbone du sol - - -2190 -4,1 x 10-2

Tableau 18: Comparaison des cartes de 1965 et 1989

La zone dont le recul est le plus marqué est celle de forte densité de recouvrement par le Genévrier thurifère, pour laquelle on enregistre une diminution de la superficie de plus de 50%. La comparaison des cartes (Figure 40 p. 152 et Figure 41 p. 153) révèle que cette régression concerne principalement le secteur nord de la vallée, probablement en liaison avec la proximité de plusieurs villages (Taddert, Tahaliouine, Agouinane et Aït Aïssa).

Pour les deux zones les plus clairsemées, les pertes sont plus faibles en pourcentage, mais concerne des superficies beaucoup plus importantes: ainsi, la zone de plus faible densité accuse un recul de près de 300 ha, soit environ 25% de la surface initiale. Le secteur qui semble le plus touché par cette déforestation correspond au quart sud-est de la vallée. Il est intéressant de noter que cette partie de la vallée est très fréquentée par les troupeaux, comme en témoigne la présence de bergeries ("Azib"). La carte des parcours de la vallée dressée par Donadieu et al. (1976), révèle en effet que ce secteur correspond en fait à une zone de chevauchement entre les parcours d'été et les parcours d'hiver de Tizi Oussem, la partie haute faisant fréquemment l'objet d'incursion de troupeaux appartenants à la vallée voisine

(Hammoudi, 1977). Donadieu et al. (1976) notent que les parcours inférieurs à 2400 m sont utilisés toute l'année, sauf interruptions de courte durées par les chutes de neige. Les arbres y sont donc exploités non seulement pour le fourrage qu'ils fournissent au troupeau, mais aussi par le berger qui utilise le bois pour se chauffer. En outre, les murs des "azib" sont systématiquement couronnés de nombreuses branches entrelacées de genévriers thurifères, pour protéger le troupeau des chien errants, ce qui accentue la dégradation au voisinage des bergeries.

On assiste donc progressivement à une érosion des densités de couvert, par passage d'une classe de densité à la classe inférieure, aboutissant dans les secteurs les plus clairsemés à l'élimination totale de la couverture arborée.

Les pertes en biomasse que représente cette déforestation (Tableau 18) sont estimées à environ 19 000 tonnes pour le Genévrier thurifère, soit 360 kg/ha/an. Si l'on y ajoute les xérophytes, cette perte annuelle s'élève à environ 550 kg/ha/an. Nous étudierons plus loin l'importance de cette perte en fonction de la productivité du peuplement et du prélèvement de

bois de feu par la population (cf. 5ème partie, chapitre 3: "Les besoins en bois et les ressources

disponibles: bilan", page 163).

Dans cette analyse, nous avons considéré que l'élimination complète du Thurifère s'accompagnait d'une élimination complète des xérophytes. Or, il est probable que dans ces secteurs les plus dégradés, subsiste une strate chaméphytique réduite. Cependant, la comparaison des cartes n'ayant pu être réalisée qu'après la phase de terrain, ces secteurs déboisés ont été localisés trop tardivement pour nous permettre d'y étudier l'importance de la végétation xérophytique. Le biais qui en résulte peut toutefois être considéré comme faible, l'élimination de la strate arborée précédant souvent de peu celle des petits ligneux.

152

153

En terme de minéralomasse, la quantité d'éléments minéraux soustraits au cycle biogéochimique de l'écosystème est également importante (environ 700 tonnes, soit près de 30 t/an). Elle est cependant sous estimée, car la fraction contenue dans le sol, et que l'érosion a pu emporter, n'est pas prise en compte.

Les pertes de biomasse affectent directement le stock carboné aérien. Pour l'ensemble des espèces étudiées, et pour toute la thuriféraie, on peut estimer que le stock de carbone s'appauvrit d'environ 570 t/an, soit pour la période considérée, 13600 tonnes.

Concernant le stock carboné souterrain, les pertes consécutives au décapage des horizons superficiels riches en matières organiques, s'élèvent à près de 2200 tonnes (déduction faite du stock carboné hors couvert des zones déboisées).

Ainsi, le stock carboné total, aérien et souterrain, a diminué de près de 16000 tonnes sur les vingt-quatre années considérées.